L’ex-président de la République Tchèque (dont on se souvient de l’accueil extraordinaire qu’il avait réservé à Benoît XVI lors de la visite de ce dernier dans le pays qu’il dirigeait alors en 2009) est un esprit libre. Il en a souvent donné la preuve, on connaît ses positions iconoclastes sur le « réchauffement climatique ». Cette fois, il répond aux questions de La Bussola à propos des conséquences de la crise Covid 19: autoritarisme résurgent, rôle de l’UE, économie.


« Les gouvernements utilisent le Covid pour accroître leur contrôle. »

Alessandra Nucci
La NBQ
5 juin 2020
Ma traduction

« La plupart des gouvernements ont eu des réactions exagérées face au risque de pandémie », compréhensibles « dans les premiers jours, pas en avril-mai ». « Les gens devraient dire NON » à cette instrumentalisation faite pour créer le « Meilleur des Mondes » et diminuer la liberté. L’UE, avec ses fonds, fait « un pas de plus vers un super-État européen ». Entretien avec Václav Klaus, ancien premier ministre tchèque et voix critique des formes totalitaires.

Le vieux lion, Václav Klaus, leader tchèque qui a mené la transition du communisme à l’économie de marché en tant que premier ministre, ayant fait la dure expérience de ce que signifie vivre sous un régime totalitaire, est toujours resté une voix critique à l’égard des formes ultérieures de centralisation du pouvoir, qu’il qualifie de post-occidentales.
La NBQ l’a interviewé sur les signes d’un autoritarisme résurgent, né en même temps que la pandémie.

Monsieur le Président, à l’occasion de votre investiture en tant que membre de l’Académie des sciences de Bologne, en 2017, vous avez prononcé un discours intitulé « Le communisme soviétique est terminé. Et la liberté? » dans lequel vous avez détecté les signes inquiétants d’un retour au passé. Vous n’avez pas parlé d’un retour au communisme, mais de l’émergence d’une racine commune antérieure, qui au XXe siècle avait inspiré à la fois le nazisme et le communisme: le passé jacobin de la Révolution française. Il est impressionnant aujourd’hui de passer en revue les aspects que vous avez énumérés et qui signalaient le déclin de la liberté et de l’intérêt pour la démocratie parlementaire en Occident, ils semblent être la description des transformations imposées par la pandémie. Vous avez mentionné, par exemple, le transfert de pouvoir des représentants élus à la bureaucratie non élue, des législateurs aux fonctionnaires, des parlements nationaux à Bruxelles, du citoyen à l’État; la croissance exponentielle de la réglementation et du contrôle cumulés sur toutes sortes d’activités humaines, touchant même les sphères intimes et très personnelles de nos vies; et le remplacement de la liberté par des droits, dans le cas de Covid-19 le droit à la santé. Qu’en pensez-vous?

Il est évident que les gouvernements de la plupart des pays ont eu des réactions exagérées face au risque de pandémie. Je comprends bien qu’ils aient été effrayés dès le début. Cela peut expliquer et justifier les mesures introduites dans les premiers jours. Mais pas en avril, pas en mai. A la fois les comportement judiciaire et bureaucratique des différents gouvernements a été très rigide et inflexible. Nous en sommes les victimes.

Avec la proclamation de l’état d’urgence par l’Organisation mondiale de la santé, les différents gouvernements nationaux ont sévèrement restreint les droits fondamentaux des citoyens sans aucun état d’âme. En Italie, on continue d’évoquer le danger et d’imposer aux entreprises des dimensions et des distances qui ont conduit une grande partie d’entre elles à se retirer du marché.


Les gens devraient dire NON à toutes ces mesures. Non à l’instrumentalisation de l’épidémie de Covid pour transformer notre société encore relativement libre en « Meilleur des Mondes » (Brave New World) d’Aldous Huxley, ou en sa variante réelle dans la Chine d’aujourd’hui, difficile de faire rentrer cela dans l’état d’urgence. Les gouvernements aiment beaucoup.

Comment voyez-vous le rôle de l’Union européenne dans ce scénario ?

La proposition de la Commission de créer un énorme fonds européen, le “Next Generation Fund”, présentée par Ursula von der Leyen le 27 mai, était très éloquente. Les élites ont utilisé l’épidémie comme justification et prétexte pour renforcer leurs tentatives récurrentes de prolonger l’état déjà insoutenable de l’UE en endettant massivement les citoyens des États membres et leurs générations futures. Et il ne s’agit pas seulement de la dette: vu dans son ensemble, le plan est un appel à l’abandon de la rationalité économique afin de centraliser davantage l’UE, de financer ses ambitions très controversées et – last but not least – de renforcer l’union politique. Ces transferts financiers gigantesques constitueront une nouvelle étape vers un super-État européen.

Certains y voient un nouveau plan Marshall.

Le plan Marshall a apporté des ressources financières « de l’extérieur ». Cette proposition de la Commission n’est qu’un transfert de fonds. Elle opère sur des sommes d’argent énormes sans ajouter de ressources financières supplémentaires.

Pourtant, elle est présentée comme une aide aux pays particulièrement touchés par le confinement après la pandémie.

Il a déjà été suffisamment prouvé que l’argent prêté n’apportera pas la prospérité aux pays de l’UE, ni n’accélérera la reprise des économies touchées par l’épidémie et les restrictions. Aucune injection financière n’est une aide (ni le crédit bon marché). Cela ne fera que conduire à la préservation de structures inefficaces, ralentir les processus d’ajustement naturels et nécessaires et fausser l’allocation rationnelle des ressources, en les orientant vers des projets à motivation bureaucratique et idéologique.

Le pouvoir de trouver des justifications pour traiter les nations différemment peut-il créer une fracture entre les États membres ?

J’ai écrit que ce serait une erreur de ne parler que des sommes plus ou moins importantes allouées, dans mon cas, à la République tchèque. Nous devons voir les dommages économiques et politiques générés par l’ensemble du projet et prendre conscience des autres menaces qui y sont liées. Même si l’UE essayait de faire chanter notre pays avec ce qui pourrait sembler une répartition plus favorable des ressources financières, ou par d’autres moyens que d’autres concessions, les effets seraient toujours négatifs.

Au début de la pandémie, le problème du changement climatique semblait avoir été mis de côté par le virus. Personne ne parlait plus de Greta. Cependant, dès le début, la nécessité de changer les habitudes a été proclamée et on a découvert que « la nouvelle normalité » coïncidait avec la décroissance poursuivie par les partisans du changement climatique. Ne soupçonne-t-on pas que tout a été organisé ?

Il est clair que ceux qui font la promotion de Greta sont les mêmes qui croient en la nécessité d’introduire des états d’urgence fous en ce qui concerne le coronavirus. Mais je ne pense pas que cela ait été organisé, c’est juste la même mentalité.

Et comment les citoyens peuvent-ils agir en pratique ?

Les partis politiques devraient exiger un changement radical, auquel je ne m’attends pas. Est-ce possible en Italie ? Je ne sais pas. Quand je pense aux partis politiques tchèques, je ne suis pas très optimiste. Ensuite, il y a l’extrema ratio [le dernier recours]: « La Rebellión de las masas » (La rébellion des masses), comme l’a suggéré un de mes « héros », Ortega y Gasset, il y a à peu près un siècle.

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