Même s’il s’en défend, Steve Skojek (One-Peter-Five) fait parti de ceux qui ont accueilli avec réserve la multiplication des interventions de Mgr Viganò, avec une incursion dans des domaines qui ne sont pas (dit-il) de sa compétence, notamment celui de la politique. Cette retenue donne d’autant plus de poids à son enthousiasme pour son dernier texte (Mgr Vigano: Vatican II, le ver était dans le fruit), dans lequel le prélat ose désigner clairement Vatican II comme source de toutes les dérives de l’Eglise aujourd’hui.


Viganò : Vatican II a marqué le début d’une fausse église parallèle

Steve Skojec
10 juin 2020
One Peter Five
Ma traduction

Je ressens le besoin d’offrir une préface à la dernière intervention de l’archevêque Carlo Maria Viganò, car j’ai récemment été accusé d’être parmi ses opposants. Ce n’est pas vrai, mais cette perception erronée est la conséquence des commentaires publics que j’ai faits, selon lesquels il parle maintenant si souvent, qu’il s’est déclassé de prophète à expert, et qu’il a par conséquent perdu une partie de sa force.

Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de mal à être un expert – après tout, je pourrais probablement moi-même être considéré comme faisant partie de cette caste. Mais ce que Viganò nous a apporté au moment de ce premier témoignage révolutionnaire en août 2018 était quelque chose de tout à fait unique: le point de vue sans fard d’un initié qui comprenait à quel point la corruption dans l’Église était vraiment devenue profonde, et qui savait où tous les cadavres étaient enterrés. Je n’aimais pas voir la puissance de son témoignage diluée dans ce qui semblait être des commentaires trop fréquents sur des sujets divers et variés, souvent avec un côté politique.

Et je suis devenu très cynique quant à la quantité de discours que les quelques prélats prêts à s’exprimer nous ont offert sur la crise sans précédent que nous connaissons. Les lettres, les essais et les pétitions abondent, mais rien ne change.

Lorsque j’ai vu ce matin que Viganò avait publié une nouvelle déclaration, quelques jours seulement après sa lettre au président Trump, ma première réaction a été une sorte d’incrédulité amusée. N’était-il pas en train de donner la preuve de mon point de vue ?

Mais j’ai ensuite reçu le texte de Giuseppe Pellegrino, qui l’a traduit pour le publier sur le site de Marco Tosatti (..) et je me suis donc attelé à la tâche de le lire.

Et je dois m’excuser. Parce que c’est « Viganò le prophète » qui est l’auteur de ce document.

C’est peut-être la chose la plus importante qu’il ait écrite. Il est difficile de le comparer, parce qu’il est très différent, à son témoignage original. Chacun accomplit quelque chose de très différent. Peut-être qu’aucun des deux n’est plus ou moins important que l’autre, mais les deux sont vitaux de différentes manières.

Dans le texte d’aujourd’hui, nous voyons la reconnaissance la plus sereine, la plus succincte et la plus directe de ce que le Concile Vatican II a accompli que j’aie jamais lue de la bouche d’un membre de l’épiscopat. Les traditionalistes ont souvent déploré que même nos « héros » au sein de l’Église soient des apologistes du concile, presque comme un seul homme. Ici, dans un texte serein et soigneusement réfléchi, Viganò fait fi de cela et précise que pour faire face à ce à quoi nous sommes confrontés, nous devons tous faire pareil:

++ Il arrive un moment dans notre vie où, par disposition de la Providence, nous sommes confrontés à un choix décisif pour l’avenir de l’Église et pour notre salut éternel. Je parle du choix entre comprendre l’erreur dans laquelle nous sommes pratiquement tous tombés, presque toujours sans mauvaises intentions, et vouloir continuer à regarder ailleurs ou à nous justifier.++

En seulement 4 000 mots, Viganò aborde l’œcuménisme, les événements d’Assise, la pachamama, la liturgie, la déclaration d’Abou Dhabi, la tentative de modification de l’enseignement sur la peine de mort, l’élection de Bergoglio comme triomphe de la révolution, la tentative ratée des dubia, et même la question longtemps contestée du subsistit in!

Dans l’un des paragraphes les plus puissants du texte, il situe les origines des problèmes auxquels nous sommes confrontés aux fondements du Concile lui-même :

++ Il est déconcertant que peu de gens soient conscients de cette course vers l’abîme, et que peu de gens soient conscients de la responsabilité des dirigeants de l’Église à soutenir ces idéologies anti-chrétiennes, comme s’ils voulaient se garantir un espace et un rôle sur le char de la pensée unique. Et il est étonnant que l’on persiste à ne pas vouloir enquêter sur les causes profondes de la crise actuelle, se limitant à déplorer les excès d’aujourd’hui comme s’ils n’étaient pas la conséquence logique et inévitable d’un plan orchestré il y a plusieurs décennies. Si la pachamama a pu être vénérée dans une église, nous le devons à Dignitatis humanae. Si nous avons une liturgie protestante et parfois même paganisée, nous le devons aux actions révolutionnaires de l’évêque Annibale Bugnini et aux réformes post-conciliaires. Si nous avons signé le document d’Abou Dhabi, nous le devons à Nostra Aetate. Si nous en sommes arrivés à déléguer des décisions aux conférences épiscopales – même en violation très grave du Concordat, comme cela s’est produit en Italie – nous le devons à la collégialité, et à sa version actualisée du Synode.
Grâce à quoi nous nous sommes retrouvés avec Amoris Laetitia à devoir chercher un moyen d’éviter ce qui était évident pour tout le monde, à savoir que ce document, préparé par une impressionnante machine organisationnelle, devait légitimer la Communion pour les divorcés et les concubins, tout comme Querida Amazonia devait servir de légitimation pour les femmes prêtres (voir le cas très récent d’une « vicaire épiscopal » à Fribourg) et l’abolition du Saint Célibat. Les prélats qui ont envoyé les Dubia à François ont, à mon avis, fait preuve de la même pieuse naïveté: penser que face à la contestation argumentée de l’erreur, Bergoglio comprendrait, corrigerait les points hétérodoxes et demanderait pardon.++

Viganò reconnaît, dans un langage clair et sans équivoque, combien il est « déconcertant » que nous soyons dans une « course vers l’abîme » dans laquelle ceux qui se trouvent « aux plus hauts niveaux de l’Église » ont la responsabilité de « soutenir ces idéologies anti-chrétiennes ».

C’est, je crois, un texte historique. En le lisant, j’ai eu l’impression qu’il pouvait marquer un tournant – comme si un voile était levé. Nous savons tous – nous pouvons tous sentir – que les variantes pré et post-conciliaires du catholicisme ne sont pas la même religion. Viganò, au lieu de nous exhorter à tenter de rationaliser et de concilier ces différences, nous donne la permission d’appeler un chat un chat :

++ Ce n’est pas un hasard : ce que ces hommes affirment impunément, scandalisant les modérés, c’est ce que les catholiques croient aussi, à savoir que malgré tous les efforts de l’herméneutique de la continuité qui a fait misérablement naufrage lors de la première confrontation avec la réalité de la crise actuelle, il est indéniable qu’à partir de Vatican II, une église parallèle a été construite, superposée et diamétralement opposée à la véritable Église du Christ.++.

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