Passionnée de cuisine (et tout particulièrement de pâtisserie), je ne pouvais pas manquer cet article publié aujourd’hui sur la NBQ. L’auteur nous met l’eau à la bouche avec des gâteaux à se damner (car on a tendance à oublier que la gourmandise est l’un des sept péchés capitaux!), tout en revisitant la grande tradition culinaire des moines qui, il y a plus d’un millénaire, savaient déjà ce que signifiait le bien-manger pour rester en bonne santé. Avec en prime une version bénédictine de la recette de notre mendiant, simple et économique mais qui s’annonce savoureuse (je n’ai pas encore testé!)

J’ai essayé dans la mesure du possible, de mettre le lien vers les recettes traduites en français. A défaut de les réaliser, et de céder au péché de gourmandise, on pourra au moins les déguster avec les yeux.

Vous voulez apprendre à manger bon et sain? Allez dans un monastère

Liana Marabini
La NBQ
6 septembre 2020
Ma traduction

Le secret d’une cuisine saine et bonne, mais évitant le péché capital de la gourmandise, se trouve déjà dans la Règle de Saint Benoît; importante , aussi, l’œuvre de Sainte Hildegarde de Bingen. Des centaines de recettes ont été créées dans les monastères européens et sont aujourd’hui devenues des classiques : légumes, charcuterie, fromage, mais aussi sucreries, bières et liqueurs. La tradition culinaire monastique est toujours très vivante et des centaines de monastères en Europe et aux États-Unis vendent leurs produits en ligne.

Les sept péchés capitaux sont les sept cancers spirituels qui rongent l’âme. Mais l’un d’eux – la gourmandise – ronge aussi le corps. Une alimentation excessive (ou inadaptée) diminue les défenses de l’organisme, entraîne l’obésité et les maladies qui y sont liées et finalement la mort, souvent prématurée.
Aujourd’hui, diverses disciplines (médecine générale avant tout, mais aussi psychologie, diététique, cardiologie, naturopathie, etc.) se font concurrence pour affirmer qu’il est mauvais pour vous de trop manger.

Saint Benoît le savait bien et l’a exprimé clairement dans sa Règle : texte de base, surtout en ce qui concerne la relation avec la nourriture, non seulement des bénédictins, mais de toutes les personnes de bon sens. De là est née une philosophie de comportement et des règles de vie qui ont marqué des siècles de vie monastique: jardins potagers, vignobles, vergers, poulaillers, brasseries, distilleries, et bien sûr fours à pain, ont depuis toujours été présents dans les monastères, couvents et abbayes, qui ont souvent ouvert leurs portes aux pauvres et aux malades, aux marginaux et aux voyageurs de toutes sortes, leur offrant nourriture et abri temporaire.

C’est précisément en raison de cette caractéristique d’offrir l’hospitalité que les monastères ont également développé, depuis le Moyen Age, l’art de « nourrir ». Ils sont les précurseurs non seulement des hôpitaux, mais aussi des hôtels et des restaurants: des rois aux mendiants, car le monastère était une étape obligée au cours d’un long voyage. Il offrait la sécurité à l’intérieur des murs épais, un endroit pour dormir et un plat chaud.

Mais la nourriture des hôtes était très différente de celle réservée aux moines : surtout pour les voyageurs de haut rang, il y avait souvent de la viande dans les plats (sauf en période de jeûne). Les plats réservés aux moines étaient principalement végétariens: la viande – et presque jamais celle des animaux « à quatre pattes » – était rarement utilisée, ou réservée aux religieux malades.

Les plats étaient à base de légumes cultivés dans les jardins du monastère et enrichis d’herbes et d’épices également utilisées à des fins pharmaceutiques (les fameux « médicaments »). Il s’agit de la première forme généralisée de cuisine attentive aux bienfaits des aliments sur l’organisme humain.

Un exemple de médecine monastique qui touche à la nutrition nous vient de Sainte Hildegarde de Bingen, une religieuse bénédictine, proclamée docteur de l’Église par Benoît XVI en 2012, le 7 octobre (jour de la bataille de Lépante). Dans son recueil de livres Physica ou Liber simplicis medicinæ, elle examine les causes des maladies et la manière de les traiter, ainsi que ce qu’il faut faire pour rester en bonne santé en étant attentif à ce que l’on mange.

Ce soin de la santé par l’alimentation coïncide avec la tendance de notre époque à une vie plus simple (sauf qu’ici, on parle d’il y a un millénaire).

Les recettes étaient notées dans des carnets qui étaient ensuite transmis. En plus des recettes, leurs auteurs décrivaient, en s’inspirant de leur propre expérience, les astuces et tours de main nécessaires pour parfaire le plat. Le successeur à son tour personnalisait et enrichissait les recettes avec ses propres variantes, poursuivant les carnets : ainsi sont nés les premiers livres de recettes.

Les plats étaient très variés, la part du lion était constituée par les soupes, nous en avons passé en revue plus de 400 recettes à travers les monastères européens. On y trouve également des recettes de : ragoûts, flans, plats à base de légumes et d’herbes (souvent médicinales), pains farcis, charcuterie et fromage.

La préparation des desserts a également une longue tradition dans les communautés monastiques, surtout pendant les grandes fêtes de Noël et de Pâques. Il est intéressant de noter que les religieuses cloîtrées, outre la prière et la méditation, se consacraient à l’art de la couture et à la préparation de sucreries.

En Italie, il y avait : le panpepato [pain-poivré], les sospiri delle monache [pets de nonnes], les buccellati, les mostaccioli, la Frutta di Martorana sicilienne (semblable au massepain), les minnì di Sant’Agata (ou cassatella), les spumini [meringues] et les bonbons aux amandes hachées, les monachine napolitaines, les sfogliatelle di Santa Rosa, le trionfo di gola (mentionné dans Le Guépard par Tomasi di Lampedusa).

En France, les biscuits de San Martino (dédié à Martin de Tours), les « nonnettes », les spéculos de l’Annonciade et bien d’autres sont célèbres.

L’Allemagne a enchanté les palais avec les Lebkuchen (mot dérivé du latin Libum, gâteau) : ce sont des biscuits mous en pain d’épices, très riches en épices, souvent recouverts d’un glaçage au sucre glace ou de chocolat fondant

Nombre de ces recettes sont entrées dans la vie quotidienne des familles et des restaurants. Il existe même de grands chefs « étoilés », comme Marc Meneau en France ou Silverio Cineri en Italie, qui proposent dans leurs menus des plats inspirés de la cuisine monastique. Sans parler des livres sur ce sujet, qui sont épuisés peu après leur publication.

Depuis une dizaine d’années, de nombreux monastères vendent « en ligne » des aliments et des boissons de leur propre production. Nombre d’entre eux se sont fait connaître d’un large public, pas nécessairement croyant, mais qui peut le devenir.

L’abbaye de Gethsemani, dans le Kentucky (la plus ancienne abbaye des États-Unis), est connue dans le monde entier pour son riche gâteau aux fruits noirs imbibé de bourbon. Les moines produisent 70 000 livres de gâteaux aux fruits par an et les expédient à des clients fidèles dans tout le pays et à l’étranger. Et la recette est, bien sûr, secrète.

A Norcia, les moines produisent une excellente bière artisanale, la Nursia, qui vaut la peine d’être achetée, pour les aider à reconstruire le monastère, détruit par le tremblement de terre. Dans les Alpes françaises se trouve le monastère de la Grande Chartreuse, qui produit la liqueur qui porte son nom depuis le XIIe siècle : la Chartreuse. Toujours en France, en face de Cannes, se trouve le groupe d’îles de Lérins, accessibles uniquement par bateau, qui sont devenues mondialement célèbres grâce à l’abbaye située sur l’une d’entre elles (île Saint-Honorat), qui pratique l’hospitalité et la vente de vins extraordinaires sur Internet.
Et vous pourriez continuer…

Dans les monastères, on prie et on travaille. Chocolats, biscuits, miel, vins, liqueurs, confitures, pâtes, tisanes, gâteaux, bière, céréales, fromages, ne sont que quelques-uns des produits typiques ; mais on trouve aussi des savons, des parfums d’ambiance, de la papeterie et des bougies à la cire d’abeille, des couettes, des sandales et des coussins décoratifs.

Le marché des produits fabriqués dans les monastères est en pleine croissance. Sur les 340 abbayes françaises, 230 ont commencé à commercialiser leurs produits, en Italie il y en a 190, en Allemagne 155, aux Etats-Unis plus de 800.
Les produits alimentaires conditionnés dans les monastères sont aujourd’hui redécouverts et appréciés, non seulement parce qu’ils sont des alliés de la santé, mais aussi parce qu’ils valorisent les lieux où ils sont produits.
De nombreux consommateurs achètent ces produits non seulement pour aider les monastères, mais aussi parce que ce sont des produits de qualité, fabriqués avec amour. C’est pourquoi le « tourisme monastique » se développe, avec tout le corollaire gastronomique que cela implique.

Et pour ceux qui se demandent si le commerce est compatible avec l’activité religieuse, la réponse est que les moines et les religieuses font du commerce, mais n’accumulent pas d’argent, car ils l’utilisent pour payer la rénovation et l’entretien des bâtiments, les repas et les dépenses.
Ce sont des hommes et des femmes de Dieu qui continuent à prier et à vivre très frugalement.


Et en cadeau, évidemment, une recette:

GÂTEAU DE PAIN RASSIS

Une des nombreuses recettes nées dans les monastères est celle du gâteau au pain rassis, exemple d’une manière intelligente de valoriser tous les aliments disponibles et d’éviter le gaspillage.

Ingrédients pour 4 personnes :
  • 400 gr de pain rassis
  • 1 litre de lait
  • 200 gr de sucre blanc
  • 50 gr de sucre brun
  • 3 œufs entiers
  • 2 pommes pelées et coupées en cubes
  • 50 gr de cerneaux de noix grossièrement émiettés
  • Sel
  • Un peu d’huile pour graisser le moule.

La veille, mettez le pain émietté en assez gros morceaux dans le lait et mettez-le au réfrigérateur.

Le lendemain, sortez-les du réfrigérateur et mettez-les dans une passoire pour les égoutter.

Battez les œufs avec une pincée de sel, ajoutez le sucre blanc et continuez à battre jusqu’à ce que le sucre ait fondu.

Émiettez le pain trempé dans le lait avec une fourchette, ajoutez les œufs, les pommes et les cerneaux de noix. Remuez bien.

Mettez le mélange dans un moule huilé, égalisez, saupoudrez de sucre brun et mettez-le dans le four préchauffé à 180°C. Faites cuire le gâteau pendant 20 à 30 minutes (selon le four) ou jusqu’à ce qu’il soit bien doré.

Servir chaud ou même froid : c’est une excellente préparation qui nous évite de jeter le pain. Il existe également des variantes : vous pouvez utiliser uniquement des fruits secs (raisins, dattes, figues) ou même du chocolat.

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