La rencontre annuelle du cercle des anciens étudiants du Professeur Ratzinger s’est ouverte hier et devrait se conclure dimanche. Pour l’occasion, Andrea Gagliarducci s’est entretenu (comme les années précédentes) avec le Père Horn, salvatorien, qui fut assistant de Joseph Ratzinger à Ratisbonne. Lequel nous fait des confidences inédites…

Dans un article du début du mois de septembre, Andrea Gagliarducci donnait des détails sur le déroulement de la rencontre:

« Mon Seigneur et mon Dieu ! (Jn 20, 28) La question de Dieu dans les défis d’aujourd’hui« , tel est le thème de la rencontre de cette année du Ratzinger Schülerkreis, le cercle des anciens étudiants de Benoît XVI. La rencontre aura lieu les 25 et 26 septembre, selon la nouvelle formule de l’année dernière : une réunion à huis clos, réservée aux étudiants, et une autre à portes ouvertes, pour stimuler également publiquement le débat, auquel participeront trois cardinaux (Koch, Woelki et Ladaria).
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Le thème, comme d’habitude approuvé par Benoît XVI, est d’une grande pertinence et s’inscrit dans la continuité d’un chemin que Ratzinger Schülerkreis a emprunté ces dernières années. Ces dernières années, les étudiants de Benoît XVI ont parlé, de l’éclipse de Dieu, de l’Europe, de la persécution des chrétiens et des relations entre l’État et l’Église, jusqu’au thème du sacerdoce et des défis du sacerdoce – et le thème du sacerdoce était également crucial dans l’essai sur les abus de Benoît XVI. Cette année, la question de Dieu est mise au centre, également un thème crucial dans la pensée de Benoît XVI.
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Trois orateurs prendront la parole lors de la séance à huis clos du 25 septembre, impliquant les membres historiques du Ratzinger Schülerkreis, mais aussi ceux du Nouveau Schülerkreis. Ce dernier compte aujourd’hui une trentaine de membres, non seulement catholiques, mais aussi orthodoxes, et constitue la nouvelle génération d’universitaires qui n’ont pas étudié avec Ratzinger, mais qui ont étudié Ratzinger et perpétuent son héritage.
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Le 26 septembre, par contre, prendra place l’événement public. C’est la deuxième année que cet événement public aura lieu, fortement souhaité par les membres du Ratzinger Schülerkreis, qui ont formé leur propre statut juridique.
L’événement, qui aura lieu à l’Institut patristique Augustinianum sera ouvert par le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, qui depuis l’année dernière coordonne le groupe du nouveau Schülerkreis.
Après différents interventions, dont celle du Cardinal Rainer Maria Woelki, archevêque de Cologne, sur « La révélation entre les vrais principes et les réalités de la vie », et la discussion plénière, le même cardinal Koch tirera les conclusions.
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www.acistampa.com/story/la-questione-di-dio-nelle-sfide-attuali-ne-discutono-gli-allievi-di-benedetto-xvi…

Voir aussi, dans ces pages:

  • Le Père Horn, et Andrea Gagliarducci: ICI
  • Le Ratzinger Schülerkreis: ICI.
Photo d’archives

Vers le Ratzinger Schülerkreis.

« Pour Benoît XVI, la théologie est évangélisation. »

Entretien avec le père Stephan Horn, qui fut assistant de Ratzinger à Ratisbonne.
Les débuts du Schülerkreis. La création d’une famille théologique. Les défis à venir.

Photo d’archives

Andrea Gagliarducci
ACI Stampa
25 septembre 2020
Ma traduction

Qui est Benoît XVI ? C’est un professeur qui vit la théologie comme une forme d’évangélisation, qui sait parler au cœur des gens et qui est attentif à chacun de ses étudiants. La description est faite par le père Stephan Horn, un Salvatorien, qui fut assistant de Joseph Ratzinger à l’époque de Ratisbonne et qui a ensuite coordonné les rencontres du Ratzinger Schülerkreis, le cercle des anciens élèves qui se réunissent cette année à Rome, les 25-27 septembre, sous une nouvelle forme qui rend les jeunes du Nouveau Schülerkreis davantage protagonistes, mais avec un thème qui ne peut être plus ratzingerien: « La question de Dieu dans les défis actuels ». Un thème – révèle le père Horn – que Benoît XVI avait choisi il y a quelques années, se réservant le droit de choisir les excellents orateurs. Puis, par manque de temps, il s’est tourné vers des thèmes plus sûrs. Aujourd’hui, on reparle de Dieu, selon les souhaits du maître qui ne pourra probablement pas voir cette année. Un maître qui a inspiré un travail qui dure depuis maintenant quatre décennies. Et le père Horn les reparcourt, étape par étape.

Qu’est-ce qui vous a frappé chez le professeur Ratzinger ?

Quand il est venu enseigner à Ratisbonne, je devais aller à Munich pour obtenir l’habilitation. Mon professeur, cependant, m’a dit que Ratzinger était une personne très intelligente et très bonne. Je suis allé le voir, il m’a reçu cordialement. Mon professeur de doctorat était le professeur Michael Schmaus, qui avait des idées opposées à celles de Ratzinger. Malgré cela, Ratzinger m’a accepté sans difficulté. Pour mon doctorat, j’avais fait des recherches sur le « Concile de Trente, Foi et salut », et nous avons parlé de cela. C’est à ce moment qu’il m’a demandé si je connaissais Paul Hacker, un indologue, un protestant devenu catholique, un de ses amis. J’avais lu des articles sur Hacker, et nous avons parlé un peu et trouvé une longueur d’onde commune. Nous nous sommes souvenus de notre première rencontre seulement quarante ans plus tard. J’ai réalisé à ce moment qu’il était une grande figure. C’était une rencontre vraiment très agréable et très belle.

Qu’est-ce qui frappait chez Benoît XVI quand il enseignait ?

Au début de son premier semestre à Ratisbonne, le professeur Ratzinger a esquissé par exemple un scénario de la situation de la christologie au cours des dernières décennies, en expliquant les thèses et contre-thèses. C’était fascinant et intéressant. Il parlait presque sans regarder ses notes. Et ce cours n’était pas seulement scientifique. Ratzinger voulait toucher le cœur des élèves. Il a su qu’il les avait convaincus car il y avait un grand silence pendant qu’il parlait. C’était arrivé aussi à Bonn au début de sa carrière d’enseignant. Il était très jeune, presque l’âge des étudiants, mais quand il s’est approché de son pupitre, il y a eu un grand silence.
En repensant à ces cours après quarante ans, je suis arrivé à la conclusion que ces cours avaient aussi été, pour Benoît XVI, une façon d’orienter les gens vers le Christ. C’était un effort catéchétique. La théologie est devenue évangélisation, vraiment.

Et comment est né le Schülerkreis ?

Il est né d’une manière inhabituelle. Déjà à l’université de Tübingen, où Ratzinger avait auparavant enseigné, s’étaient réunis des groupes d’étudiants (ses doctorants), lesquels voyaient avec lui des professeurs prestigieux tels que Karl Barth et Hans Urs Balthasar.
Nous, de Ratisbonne, au printemps 1977, nous avions également invité Karl Rahner, et nous avions longuement discuté, de manière animée, de sa christologie.
Sollicités également par un journaliste allemand qui voulait faire un reportage dans lequel les anciens élèves de Ratzinger parleraient, nous avons élargi le réseau des anciens élèves, incluant dans le Schülerkreis les anciens doctorants de Benoît XVI des universités de Bonn, Munster et Tubingen, où il avait enseigné. Et nous nous sommes structurés : nous nous sommes rendus dans des monastères, des maisons de l’éducation, invitant chaque année un ou deux professeurs pour discuter d’un sujet.

Les rencontres ont continué même après le déménagementdu Pape à Rome…

La première difficulté dans l’histoire de nos rencontres) se vérifia déjà au début des années 90, quand pour des raisons de santé, Benoît XVI ne put y participer. Pendant un certain temps, le Schülerkreis s’est réuni sans Benoît XVI, sous la direction de Christoph Schönborn, qui deviendra plus tard archevêque de Vienne et cardinal. Ensuite, nous avons commencé à organiser les rencontres à Ratisbonne, non loin de la maison où Ratzinger passait ses vacances à étudier et à écrire, afin qu’il puisse venir.

Mais vous n’avez pas non plus arrêté quand Benoît XVI a été élu pape…

Nous étions sept à assister à l’annonce de l’élection du Pape Benoît XVI. Nous sommes ensuite allés à la rencontre avec les Allemands, surtout de Bavière, d’où vient le pape, et là nous avons fait la queue pour lui baiser la main. Quand ce fut notre tour, Benoît XVI m’a parlé à l’oreille et m’a dit: « Peut-être que nous pourrions nous rencontrer une fois à Castel Gandolfo? » Il m’a également indiqué le bon endroit à Castel Gandolfo pour pouvoir donner le meilleur cours.

En presque quarante ans de Schülerkreis, y a-t-il une rencontre qui vous a le plus marqué ?

La plus émouvante a peut-être été celle qui s’est déroulée en marge de la présentation du premier volume de Jésus de Nazareth. Nous avions invité à suivre la présentation des amis protestants de Tubingen: Martin Hengel et Peter Stuhlmacher. Ce fut une conférence vraiment profonde, tandis que le professeur Hengel avait voulu s’entretenir en privé avec Ratzinger, pour discuter avec lui de son angoisse pour l’état de l’Europe.
Ensuite, la conférence sur la création (cf. benoit-et-moi.fr/2007, ndt) est restée dans mon cœur: nous avions eu un débat très élevé et c’est Benoît XVI qui nous a conseillé d’écrire les actes [et d’en faire] tout dans un livre.
Une autre conférence intéressante a été celle de l’évêque Koch, qui a discuté de la véritable herméneutique du Concile Vatican II. Mgr Koch est aujourd’hui cardinal, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et responsable du nouveau Schülerkreis.

Mais qui est vraiment Benoît XVI ?

C’est un professeur, mais aussi un homme d’Eglise, il n’est pas banalement un homme d’Eglise, mais vit pleinement dans la foi. Sa théologie est très sensible aux développements, mais il faut aussi savoir regarder vers l’avenir, voir comment les débats se développent. C’est un théologien, mais aussi un homme humble, timide. Il sait comment comprendre les nouvelles situations et les accepter. Afin de pouvoir trouver les solutions appropriées pour la foi et la prière. Nous étions ses étudiants, mais pas seulement. Il a su apprendre de nous, valoriser nos recherches.

La question de Dieu est un thème profondément ratzingerien. De quelle façon?

Cette rencontre, elle aussi, a été préparée par Ratzinger, qui avait déjà choisi le thème il y a deux ans. Il est vrai qu’il a toujours parlé de Dieu et de la grande peur que Dieu ne soit pas présent dans notre société. C’est le travail de l’Église, de redonner à notre temps Dieu, la foi de Dieu pour la raison et pour la foi. La recherche de Dieu et la foi en lui sont, pour Benoît XVI, d’une importance fondamentale pour l’éthique dans la société.

Quel est l’héritage de Benoît XVI ?

Je crois que le livre « Introduction au christianisme » et les trois livres sur Jésus de Nazareth représentent peut-être la somme de sa vie intellectuelle et spirituelle. D’une part, la recherche du Christ dans la foi telle qu’elle est confessée dans le symbole apostolique. D’autre part, la recherche du Jésus historique, en réponse au grand défi de la théologie d’aujourd’hui qui est de faire se rencontrer le Jésus de Nazareth décrit dans les évangiles avec le Christ de la foi vu dans les premiers conciles. Il décrit ainsi une christologie fondée sur les évangiles, non seulement avec une herméneutique critique, mais avec une vision plus large, « canonique ». De là naît également l’étude des Pères du premier millénaire: Benoît VI a voulu étudier la foi catholique dans son ensemble, en regardant avant tout ce que tous ont en commun. Il n’était pas fermé à l’idée de prendre ce qui est vrai et fécond chez les théologiens protestants et orthodoxes, je dirais même bien au contraire. On peut dire que sa théologie est une théologie catholique au sens large, qui ne se limite pas à une poignée de théologiens. Et, en regardant son expérience; notre expérience avec lui, je pourrais dire que Joseph Ratzinger – Benoît XVI a toujours essayé de vivre comme il croyait et pensait. Il nous a laissé comme trésor une théologie très large basée sur les Saintes Ecritures et les grands théologiens et donc une théologie ecclésiale qui cherche à répondre aux défis de l’époque.

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