Un ami lecteur a fait mentir mes prévisions pessimistes (enfin, cela dépend du point de vue qu’on adopte…) sur l’audience de la dernière encyclique, que j’imaginais confidentielle: il s’est infligé le pensum (!!) de ses quelque 100 (200?) pages et nous propose le fruit de ses réflexions. On n’est pas obligés de lire de façon linéaire, ni même en entier, c’est très clair, très facile à consulter, les paragraphes pris en compte sont cités en dessous d’un titre bien descriptif: bref, c’est un outil intéressant qui donne d’utiles indications à ceux qui souhaitent approfondir.

Notes de lecture sur l’encyclique « Fratelli tutti »

(5 octobre 2020)

L’Encyclique « Fratelli tutti », « Tous frères » en français, est sortie ce 3 octobre 2020.

On pouvait espérer, on devait souhaiter de tout cœur, il ne pouvait être autrement qu’elle annonce le Christ au monde entier, et par Lui, le Père, Père qui seul dans l’Esprit-Saint nous rend tous frères. On devait espérer qu’elle évite le piège, mortel pour les âmes, de proposer une fraternité sur des fondements humains, sur un faux amour universel qui ne serait pas basé sur le Cœur du Christ ouvert sur la Croix, mais sur l’orgueil du prince de ce monde. Il ne pouvait être possible qu’elle appelle à une « religion mondiale » à plusieurs voix, celle des Hommes.

En son temps, le Pape Pie X nous avait déjà prévenu sur le danger d’une fraternité sans la foi au centre. Il le faisait avec des propos simples et profonds, comme toujours avec ce grand saint, lisons et relisons le :

« Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique « le règne de la justice et de l’amour », avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises « où ils peuvent ». Quand on songe à tout ce qu’il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l’Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s’acharner à faire mieux avec la mise en commun d’un vague idéalisme et de vertus civiques.

Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ?

Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. »

*

Lettre du pape saint Pie X sur Le Sillon

Ou bien encore :

Il en est de même de la notion de fraternité, dont ils mettent la base dans l’amour des intérêts communs, ou, par-delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans la simple notion d’humanité, englobant ainsi dans le même amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que physiques et temporelles. Or, la doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité n’est pas dans la tolérance des convictions erronées, quelques sincères qu’elles soient, ni dans l’indifférence théorique ou pratique pour l’erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères, mais dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale non moins que pour leur bien-être matériel. Cette même doctrine catholique nous enseigne aussi que la source de l’amour du prochain se trouve dans l’amour de Dieu, père commun et fin commune de toute la famille humaine, et dans l’amour de Jésus-Christ, dont nous sommes les membres au point que soulager un malheureux, c’est faire du bien à Jésus-Christ lui-même. Tout autre amour est illusion ou sentiment stérile et passager. Certes, l’expérience humaine est là, dans les sociétés païennes ou laïques de tous les temps, pour prouver qu’à certaines heures la considération des intérêts communs ou de la similitude de nature pèse fort peu devant les passions et les convoitises du coeur. Non, Vénérables Frères, il n’y a pas de vraie fraternité en dehors de la charité chrétienne, qui, par amour pour Dieu et son Fils Jésus-Christ notre Sauveur, embrasse tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener tous à la même foi et au même bonheur du ciel. En séparant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue, la démocratie, loin d’être un progrès, constituerait un recul désastreux pour la civilisation. Car si l’on veut arriver, et Nous le désirons de toute Notre âme, à la plus grande somme de bien être possible pour la société et pour chacun de ses membres par la fraternité, ou, comme on dit encore, par la solidarité universelle, il faut l’union des esprits dans la vérité, l’union des volontés dans la morale, l’union des coeurs dans l’amour de Dieu et de son Fils, Jésus-Christ. Or, cette union n’est réalisable que par la charité catholique, laquelle seule, par conséquent, peut conduire les peuples dans la marche du progrès, vers l’idéal de la civilisation.

*

Ibid

Hélas, cette encyclique n’a évité aucun des écueils listés ci-dessus, mais elle me semble avoir profondément blessée la foi catholique et ainsi fragilisé bien des catholiques partout dans le monde. Je mesure bien la gravité de ce que j’écris, la tristesse aussi ; comme j’aurais aimé ne pas écrire cela ☹ Cette encyclique constitue un tournant, elle marque probablement l’ouverture d’une page absolument inédite dans la perte de la foi. Elle est inévitablement un marqueur des épreuves qui viennent, mais combien le verront et le comprendront ?

Si je devais vous donner un sentiment synthétique après la lecture des plus de 130 pages de cette encyclique, je résumerais mon impression comme suit : un texte d’inspiration marxiste, favorisant l’islamisation du monde chrétien. 60 % des citations de ce texte sont des citations autoréférencées, c’est-à-dire de l’auteur de ce texte, en lien avec le fait que cette encyclique n’est indéniablement ni mystique ni ancrée dans la Tradition catholique. Elle relègue le salut des âmes dans la tombe (et, avec, la nécessité du salut par la foi catholique) mais adresse un vibrant appel pour un humanisme mondial sur des valeurs communes. Très islamophile (l’encyclique cite le coran une fois et un imam de nombreuses fois), cette encyclique ne cite jamais Jésus-Christ comme Fils de Dieu, ni Marie très sainte comme Vierge mère de Dieu, mais s’attache à dédouaner l’islam de tout péché et même à l’honorer. Elle traite les gens qui aiment leurs patries et qui n’accueillent pas tous les migrants des pires qualificatifs… (mais sans jamais s’étonner du refus des pays arabes riches d’accueillir tout migrant, et, mon Dieu quel drame, sans jamais évoquer une seule seconde les chrétiens persécutés, comme ils ne l’ont jamais été).

Selon la « conscience droite qui oblige » développée par Saint Thomas d’Aquin, j’ai hélas le devoir de vous partager les éléments ci-dessous, que vous puissiez mesurer par vous-même le drame que cela constitue. Ceux qui peuvent comprendre la gravité de la situation l’ont souvent déjà comprise, notamment en s’informant sur bien d’autres faits et écrits survenus avant et hélas tous concordants, mais chaque cœur à son chemin à faire avec Dieu dans la Vérité.

Certes, je ressens une profonde peine. Et elle sera comme pour Laudato si, ravivée, accrue, amplifiée en voyant dans les mois qui viennent combien les louanges sur ce texte vont probablement pleuvoir, souvent simplement sans recul, sans recherche de la Vérité, par habitude, etc. miroir de l’état de la foi dans notre pauvre Occident si malade.

Mais je n’oublie pas aussi combien pour de nombreux chrétiens voir ce qui se passe en face induit un traumatisme énorme. Mais il faut le voir pour ne pas se laisser emporter, et puis … tout cela doit-il nous décourager ? certainement pas ! Tout cela doit nous enflammer d’amour pour Celui qui est la Vérité, le Chemin et la Vie. Que ce monde passe n’a rien de surprenant, et le Christ nous a prévenu : « Quand je reviendrai, trouverai-je la Foi sur la Terre » ainsi que ses apôtres, annonçant le mystère d’iniquité, ses prophètes, ses mystiques… Mais ne nous a-t-Il pas surtout dit : « Quand vous verrez ces signes, réjouissez-vous, car votre délivrance est proche » ?

Au moment où le communisme écrasait l’est, monseigneur Hlinica évoquant la Pologne martyrisée disait :

« Pouvons-nous réellement gagner ? C’est certain ! Nous sommes sûrs à 100% que nous gagnerons, car la Mère de Dieu le dit au nom de Dieu : Dieu le veut ! Nous livrons un combat dont le résultat est assuré. Dieu ne peut pas perdre, donc la Mère de Dieu ne peut pas perdre. Nous sommes déjà vainqueurs. Quand les soldats savent que leurs généraux sont certains de la victoire, ils vont au combat avec joie et enthousiasme. Nous avons cette garantie : nous sommes les vainqueurs. Nous ne perdrons que quand nous nous séparerons de Dieu, du Christ »… »

Et avant de rentrer dans le détail de cette encyclique, je redis avec Sainte Faustine que j’aime tant et dont c’est la fête aujourd’hui : « Jésus, j’ai confiance en Toi » !

___

Rentrons donc un peu dans le détail. Je ne vous cite que quelques-uns des passages qui m’ont le plus peiné, inquiété, et amené à avoir encore plus envie d’être fidèle au Christ pour l’aimer dans ce monde qui ne l’aime pas assez. Il y a aussi plein de phrases très générales, humanistes sans être catholiques, qui seront celles mises en avant par bien des gens, et quelques rares passages contre l’euthanasie, le relativisme (ce qui est un comble). Il est vital de lire l’ensemble et de comprendre à quelles sources ce texte puise.

Mots Clés :
Share This