Nous avons croisé à deux reprises depuis le mois de mars le Pr Perrotti (*), chef du service d’immunologie de l’hôpital de Pavie. Non, dit-il, la situation ne peut pas se comparer à celle de mars dernier, déjà parce que les médecins ont APPRIS sur le tas, et savent désormais bien mieux traiter les symptômes. Ses propos raisonnables et modestes, loin de toute polémique, de grand professionnel mais aussi de médecin de terrain qui peut redimensionner en toute connaissance de cause l’ampleur de la pandémie, nous changent de ces médecins de salon qui vibrionnent sur les plateaux télé, très loin des patients. Andrea Zambrano est retourné le voir dans le service qu’il n’a pas quitté depuis février et l’interroge sur les développements de la thérapie dont il est le leader en Europe, et sur les autres traitements.

(*) Voir aussi:

Le Professeur Perrotti

Entretien avec le père de la plasmathérapie

« Alarmes injustifiées sur le Covid, maintenant nous avons des traitements »

Andrea Zambrano
La NBQ
9 octobre 2020
Ma traduction

Le gouvernement et les médias répandent la nouvelle que la situation revient au niveau d’avril, pour faire peur. Mais leur apporter un démenti est le travail quotidien de ceux qui soignent le covid aux urgences. Comme l’hôpital San Matteo de Pavie, leader dans le traitement au plasma qui, durant ces derniers mois, a continué à étudier le virus : « Il y a quelques cas, mais rien de comparable au mois d’avril. Par rapport à cet hiver, nous avons deux avantages : l’expérience médicale et les traitemenst ». Plasma, Remdesivir, Héparine et maintenant Dexaméthasone : « C’est le moment de les utiliser efficacement. Le rebond de ces mois est physiologique, mais nous ne finirons pas comme avec la grippe espagnole ».

Le message que le gouvernement et les médias font passer est que nous revenons aux niveaux de pandémie du mois d’avril. Mais c’est une information tout juste bonne pour la poubelle, qui ne veut pas nous informer, qui veut juste nous faire peur. Elle ne veut pas nous dire ce qui se passe vraiment, elle veut nous dire qu’il nous faut de nouvelles restrictions.

On peut le vérifier en allant rencontrer quelqu’un qui la soigne, qui était aux urgences en avril et qui l’est encore aujourd’hui.

Le professeur Cesare Perotti, chef du service d’immunologie à [l’hôpital] San Matteo de Pavie, est le père du traitement au plasma qui a rebattu les cartes en terme de traitement du coronavirus : efficace, rapide, avec peu de contre-indications et surtout économique. Les lecteurs ont appris à le connaître pendant les mois du confinement et ont suivi comment le traitement au plasma hyperimmune a fait son chemin entre méfiance et intérêts partisans.

Nous avions quitté Perotti au début de l’été avec l’annonce d’une vaste campagne de récolte de plasma pour faire face à une éventuelle deuxième vague à l’automne. La Bussola est retournée à Pavie pour s’informer de la situation actuelle et pour vérifier de vive voix, auprès de quelqu’un qui se bat tous les jours en blouse blanche, si le covid est vraiment redevenu aussi effrayant qu’en avril dernier.


« Oui, je confirme que nous avons à nouveau des cas de covid à l’hôpital, mais très lentement, petit à petit. Nous sommes un hôpital central, donc les malades viennent ici non seulement de la province, mais aussi d’autres endroits. Il y a une augmentation des cas.

Numériquement parlant ?


Tout d’abord, ce n’est pas aussi accablant que les chiffres d’avril. Si en juillet et août nous étions à zéro, disons que maintenant il y a quelques lits de plus en infectiologie, il y a une lente reprise qui est totalement sous contrôle.

A combien de patients avez-vous administré le plasma hyperimmune mis en réserve?


Nous avons stocké environ 650 unités pour être prêts à faire face à une vague comme celle de mars-avril, et nous en avons administré à 14 patients. Ces chiffres me semblent parfaitement gérables.

Avec les résultats satisfaisants de la dernière fois ?


Oui. Disons que la plasmathérapie a été acceptée, nous devons maintenant recueillir des données à partir de l’expérience précédente et procéder à un timing d’administration plus serré, car la première chose que nous avons apprise est que plus vite vous la donnez, mieux c’est. Une administration rapide est décisive.

Qu’avez-vous appris au cours de ces mois ?


Le médecin apprend toujours de l’expérience. En tant que médecins, nous avons remarqué que nous sommes capables de mieux traiter parce que nous avons compris comment nous devons nous comporter et donc quels médicaments utiliser et quels médicaments ne pas utiliser, mais le virus est le même.

Vous dites que le covid n’a pas changé, mais aujourd’hui vous savez mieux le gérer ?


Absolument. En janvier et février, nous ne savions pas comment le traiter, chacun tirait les cartouches qu’il avait chez lui, mais ce n’était pas toujours les bonnes. Je fais référence, par exemple, aux premiers cocktails antiviraux, qui ont fait plus de mal que de bien.

Quel est l’objectif de votre traitement ?


Indubitablement, éviter que le patient ne se rende aux soins intensifs.

Et vous avez des patients en soins intensifs à San Matteo?


Très peu.

Revenons au plasma…


Le plasma hyperimmune est une excellente option thérapeutique, qui sert de passerelle pour attendre le vaccin.

Si jamais on y arrive…


Ce n’est pas mon problème, je dis juste que le plasma est une bonne option, mais il y en a d’autres et nous-mêmes, nous en utilisons d’autres. Et surtout, ce n’est pas que l’utilisation du plasma doive m’empêcher de recourir à d’autres thérapies. Par exemple, nous l’utilisons en combinaison avec l’héparine [un anticoagulant, ndt]. Aujourd’hui, nous avons un avantage non négligeable par rapport à l’hiver dernier.

Lequel?


Nous avons les traitements et cela nous permet d’affronter le travail qui nous attend avec plus de sérénité.

Venons-en donc aux traitements.


L’héparine fonctionne si elle est bien utilisée. Je m’explique: quand nous avons estimé qu’au bout de 6/7 jours, des thrombus peuvent se former, nous intervenons, mais – c’est une innovation décisive par rapport à cet hiver – nous ne l’administrons qu’après avoir dosé l’antithrombine III.

De quoi s’agit-il?


C’est une protéine du sang qui permet à l’héparine de fonctionner, si l’antithrombine III est basse, l’héparine ne fonctionne pas, en fait dans le plasma hyperimmune il y en a en grande quantité. Comme vous pouvez le constater, ces derniers mois, nous avons appris à améliorer de plus en plus le traitement.

Ok, et ensuite ?


Il y a le Remdesivir, que la FDA [food and drug administration, ndt] américaine a elle aussi validé comme médicament d’urgence pour une utilisation précoce. Mais à la différence que le plasma coûte 86 euros et le Remdesivir 2500 dollars. Ensuite, il y a une découverte intéressante ou si vous voulez un grand retour.

Lequel?


La cortisone.

Elle me semblait bannie…


Au contraire, les recherches ont été poursuivies et on a constaté que l’utilisation de la dexaméthasone dans les cas les plus graves est excellente. Vous voyez? Au début, il y avait un très fort préjugé contre les corticostéroïdes, puis la recherche a continué. Il s’agit d’un médicament qui coûte 4 euros et qui agit avec une action anti-inflammatoire très puissante. Nous l’utilisons en combinaison avec le plasma avec d’excellents résultats.

Vous ne m’avez pas parlé de la chloroquine


Elle n’a pas encore été dédouanée, après les critiques elle n’est pas encore « sortie du tunnel », je dis cela parce que je viens d’assister à un congrès avec quelques collègues à Milan sur la médecine d’urgence et l’accent a été mis sur le fait que la chloroquine n’a pas encore été « libérée ». Mais nous attendons avec confiance.

Vous avez indiqué plusieurs pistes, cela vous rend-il plus serein ?


Tout à fait, on fait face avec plus de promptitude

Alors pourquoi le gouvernement hausse-t-il la garde sur les précautions à prendre ?


Je ne veux pas faire le travail d’autres. Je dis simplement que nous nous sommes peut-être trop tournés vers les virologues et pas assez vers les épidémiologistes, ou plutôt que les virologues auraient dû être soutenus par les épidémiologistes.

Et pourtant, les messages qui passent semblent tracer la voie vers un verrouillage total imminent…


Je ne veux pas me compromettre, il se peut que dans certains cas il s’agisse de mesures logiques, mais pour l’instant il n’y a pas de preuve médicale pour justifier un nouveau verrouillage.

Si en juillet et août, vous étiez pratiquement à zéro nouveau cas, de quoi dépendent-ils? De l’imprudence des Italiens ou sont-ils physiologiques ?


Les nouvelles infections sont physiologiques. Au cours du congrès, j’ai présenté le diagramme du déroulement de la grippe espagnole. Eh bien : il y a eu la première vague, puis le pic, un temps d’intervalle et puis la deuxième vague. Comme vous pouvez le voir, l’histoire se répète, mais nous savons que nous n’aurons pas 50 millions de morts comme avec l’Espagnole fait parce que la médecine a appris de l’expérience et de ses erreurs.

Dans le monde, on a continué à vous demander de l’aide pour le plasma?


Oui, nous sommes devenus le principal centre de la Commission européenne pour l’étude du traitement du plasma et nous sommes en train de rédiger les lignes directrices.

Cet hiver, il y avait des questions auxquelles vous ne pouviez toujours pas répondre. Par exemple, si les patients traités et guéris avec du plasma sont eux-mêmes immunisés.


L’immunité est une « bête » difficile à traiter. Pendant un certain temps, de trois à six mois, nous avons la preuve que les patients maintiennent les anticorps en circulation, puis ceux-ci diminuent comme pour n’importe quelle grippe à coronavirus.

Donc, avec le temps, on ne trouve plus d’anticorps ?


C’est une idiotie, notre corps est un système exceptionnel, il y a des cellules mémoire qui produisent des anticorps.

Qu’en est-il des effets secondaires ?


Nous surveillons les effets à long terme. Nous le saurons dans cinq ou six mois.

Où en est la recherche sur les médicaments dérivés du plasma ?


Je ne sais pas, beaucoup sont intéressés, mais à Pavie, nous ne suivons pas la partie qui est éminemment pharmacologique. Il y aura certainement un développement, mais nous, nous ne parlons que de thérapies d’urgence.

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