Ou quand la pièce est pire que le trou! Suite à la polémique suscitée par les propos du Pape dans le docu « Francesco » et sans doute pressée de toutes parts par les interrogations et les protestations de prêtres déroutés et inquiets, la Secrétairerie d’Etat a envoyé au évêques du monde entier une lettre pour clarifier la position de François sur les unions homosexuelles. Clarifier, oui. Et comment! Maintenant, tout est clair et c’est lui-même qui le dit!

La lettre de la Secrétairerie d’État, donc:

. confirme les phrases du Pape,

. confirme qu’il est contre le mariage homosexuel mais pas contre les unions civiles,

. confirme qu’il parle des droits du couple homosexuel et non des droits individuels,

. confirme que par le critère du cas par cas, il affirme l’impossibilité de reconnaître une situation objective injuste, ce qui révolutionne la théologie morale catholique de toujours.

Photo La Voix du Nord

Le pape et les unions gays, la Secrétairerie d’État aggrave les choses

Stefano Fontana
La NBQ
3 novembre 2020
Ma traduction

Une lettre de la Secrétairerie d’État du Vatican adressée aux conférences épiscopales du monde entier prétend expliquer et clarifier les phrases du pape François sur la reconnaissance juridique des couples homosexuels, mais en réalité, elle aggrave encore la situation : elle confirme les phrases du pape, confirme qu’il est favorable aux unions civiles et qu’avec ses critères, il révolutionne la théologie morale catholique.

Le 30 octobre dernier, la Secrétairerie d’État a envoyé une lettre aux nonces du monde entier, pour transmission aux conférences épiscopales, avec des directives sur comment interpréter les fameuses phrases du pape François sur la reconnaissance juridique des couples homosexuels. Certaines sources d’information, comme Aleteia.org, par exemple, ont titré: « Le Vatican clarifie les déclarations du Pape sur les unions civiles entre personnes du même sexe » [sur Aleteia-France, une variante]. Mais nous, on a l’impression que rien n’a été clarifié, au contraire, que les choses se sont aggravées.

La lettre rappelle certains aspects des phrases du Pape contenues dans le documentaire « Francesco« . Rappelons encore que c’était un montage de phrases décontextualisées et assemblées dans un but d’instrumentalisation.
Ensuite que les phrases sur le « droit à la famille » des personnes homosexuelles faisaient référence à la famille d’origine et non au couple homosexuel.
Enfin, la phrase dans laquelle le pape plaide en faveur de la reconnaissance et dit s’être battu pour elle, est tirée d’une interview réalisée quelques années auparavant et répond à la question concernant une loi locale d’il y a dix ans en Argentine sur les « mariages égalitaires des couples de même sexe », qui avait rencontré l’opposition de l’évêque de Buenos Aires de l’époque [sans toutefois rappeler que Bergoglio lui-même était en faveur des unions civiles].

À cette question, le pape a répondu par la déclaration désormais bien connue selon laquelle « c’est une incohérence de parler de mariage homosexuel », ajoutant : « Ce que nous devons faire, c’est une loi de cohabitation civile ; ils ont le droit d’être couverts par la loi. Je l’ai aussi défendue ».

Où sont les clarifications ? Ce sont plutôt des confirmations : le pape s’était exprimé alors pour reconnaître les unions civiles entre personnes de même sexe.

La nouveauté de la lettre réside dans le rappel d’un autre pas fait à partir d’une interview du Pape en 2014 où l’on lit: « Le mariage est entre un homme et une femme. Les États laïques veulent justifier les unions civiles pour réglementer diverses situations de cohabitation, poussés par la nécessité de réglementer les aspects économiques entre les personnes, comme par exemple garantir les soins de santé. Il s’agit de pactes de cohabitation de nature différente et de formes diverses dont je ne suis pas en mesure de faire une liste. Il est nécessaire d’examiner les différents cas et de les évaluer dans leur diversité ».

Mais comment ce passage pourrait-il alléger le poids? Au contraire, il aggrave la lourdeur de la situation.

Tout d’abord, il élimine tout doute quant au fait que l’objet de la question n’est pas les individus mais les couples homosexuels, c’est-à-dire les unions civiles ou les pactes de cohabitation. Les différentes situations économiques ou sanitaires que le Pape souhaitait voir couvertes par la loi ne concernent pas les individus en tant que tels mais les individus en tant que couple. Elles impliquent donc la reconnaissance juridique du couple.

On n’échappe pas à l’impossibilité d’une telle reconnaissance, du point de vue catholique et du point de vue de la raison juste, en prétendant qu’il ne s’agit pas d’un mariage, ou en affirmant que les droits des individus mais pas ceux du couple sont affirmés. Il ne suffit pas de distinguer le couple homosexuel du mariage entre un homme et une femme pour le rendre acceptable. Dire que « c’est une incongruité de parler de mariage homosexuel » ne permet pas d’admettre la reconnaissance des couples homosexuels, même si on n’appelle pas cela mariage.
Et c’est une tromperie de prétendre qu’il est nécessaire de garantir les droits individuels lorsqu’il s’agit de droits de couple. Dans le passage cité ci-dessus, le pape affirme le caractère raisonnable de cette couverture législative, qu’il conseille de faire « au cas par cas ».

Ce critère du « cas par cas » est également très lourd, et de nature à révolutionner la théologie morale catholique. Il est cité ici comme échappatoire, au contraire, il constitue un fardeau pesant. Les cas sont différents par les circonstances dans lesquelles ils se produisent. Les circonstances sont accidentelles et ne peuvent pas modifier la nature d’une action. Elles peuvent dans certains cas changer le type d’une action et l’aggraver, comme quand quelqu’un vole à l’église et que donc, en plus d’être un voleur, il commet aussi un sacrilège, mais elles ne peuvent jamais transformer une mauvaise action en une bonne. Si le pacte de cohabitation entre homosexuels est injuste, aucune circonstance ne peut le transformer en juste et le soumettre à une réglementation légale, comme le soutient au contraire le Pape.

Ce point est fondamental pour la théologie morale catholique. A travers la voie du « cas par cas », on nie la possibilité de reconnaître la relation homosexuelle comme une situation immorale objective, indépendante des circonstances, et l’on affirme que les circonstances peuvent devenir exceptions, c’est-à-dire transformer une action injuste en une action juste. Notez que, si les circonstances sont accidentelles, les exceptions postulent une nouvelle loi, dans la mesure où elles changent l e type de l’action.
C’est, comme on le sait, le changement opéré par Amoris laetitia qui, précisément pour cette raison, a révolutionné la théologie morale catholique. Pour les divorcés remariés également, il a été dit qu’il n’est pas possible de connaître la situation objective et qu’elle doit être examinée au cas par cas avec le fameux discernement. Nous sommes au même niveau.

La lettre de la Secrétairerie d’État, donc : confirme les phrases du Pape, confirme qu’il est contre le mariage homosexuel mais pas contre les unions civiles, confirme qu’il parle des droits du couple homosexuel et non des droits individuels, confirme que par le critère du cas par cas, il affirme l’impossibilité de reconnaître une situation objective injuste, ce qui révolutionne la théologie morale catholique de toujours.

« Le Vatican clarifie les déclarations du Pape sur les unions civiles entre personnes de même sexe » : c’est vrai, la lettre de la Secrétairerie d’État a clarifié.

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