(Antonio Socci) Eugenio Scalfari (voir ICI), qui a aujourd’hui l’âge vénérable de 96 ans, est le fondateur du journal d’extrême-gauche La Repubblica. En Italie, il est d’ailleurs connu sous le nom ironique Il Fondatore.

Je l’avais découvert en 2009, lorsqu’il s’était permis d’insulter grossièrement Benoît XVI en le qualifiant de « modeste théologien qui fait regretter ses prédécesseurs« .
Mais sa percée médiatique mondiale date de 2013, lorsqu’il avait publié dans son journal (où il garde une rubrique hebdomadaire, malgré son grand âge) un compte-rendu d’un de ses entretiens avec « Papa Francesco » qui avait fait scandale à l’époque pour des affirmations blasphématoires, au point que les pompiers de régime s’étaient empressés de crier au bidonnage, affirmant que le vieil athée avait déformé la pensée du Pape. Sauf que l’article en question avait eu les honneurs du site du Vatican, et fait ultérieurement l’objet d’un livre cosigné « Pape François – Eugenio Scalfari » et intitulé en toute modestie « Ainsi je changerai l’Eglise ».

Depuis, Scalfari, qui a sans doute noué, ou du moins le croit-il, un lien d’amitié avec ce Pape, avec qui il s’entretient régulièrement, est devenu une sorte de porte-parole officieux commode de la pensée bergoglienne, dans ce qu’elle a de moins orthodoxe, et il se verrait bien entrer dans l’Histoire comme chroniqueur du pontificat, théologien de référence de la nouvelle religion et peut-être même « accoucheur » d’une nouvelle doctrine.

Cette semaine, dans son édito du dimanche, il s’est laissé aller à des confidences étonnantes allant jusqu’à admettre qu’il y a effectivement deux Papes, en écrivant que « toutes les décisions de la plus haute importance que les Papes peuvent prendre peuvent et doivent être approuvées et mises en œuvre par les deux« .

Benoît XVI n’est donc plus un médiocre théologien mais l’indispensable soutien du Pape régnant dans une dyarchie boîteuse et sans précédent dans l’histoire de l’Eglise.
Antonio Socci ( qui se venge ici un tout petit peu) fait ici un compte rendu savoureux des dernières divagations de Il Fondatore.

Bergoglio a de fait épuisé son pontificat, désormais noyé et dramatiquement clivant au sein même de l’Église. Est-il plausible qu’il s’illusionne de le relégitimer dans les prochains mois avec l’autorité de Benoît XVI ? Ou bien dans les cercles bergogliens, redoute-t-on le grand charisme de Benoît que de plus en plus de croyants considèrent comme le « vrai pape » et le véritable phare?

Le « cardinal » bergoglien Scalfari « révèle » maintenant que Benoît XVI est toujours Pape (nous l’écrivons depuis des années…). Et puis essaye de l’impliquer avec Bergoglio. Voilà ce qui se cache derrière ces étranges messages.

A 96 ans, Eugenio Scalfari continue de donner à l’humanité ses perles de sagesse. Et il semble qu’il veuille continuer longtemps car il s’inquiète du soleil qui s’éteindra dans 5 milliards d’années.

En fait, de la philosophie à la littérature, de la politique à la théologie, il lui arrive souvent de s’alarmer car « le Soleil – notre étoile portante – vieillit » et, même si « il faudra des millénaires pour voir un soleil obscurci », lui, Scalfari, s’inquiète. A évidence, il s’attend à être présent lors de cet événement désagréable et pense déjà à ce qu’il faut faire.

Hier, cependant, il a évité le final habituel sur le soleil et, après avoir écrit sur les relations entre Benoît XVI et le pape Bergoglio, il a étonnamment conclu en ces termes : « C’est l’avenir, et n’oublions pas les particules élémentaires qui tournent autour du prince de Salina [personnage principal du « Guépard, ndt] . Espérons pour le mieux ».

Quel est le rapport? Un message chiffré ? L’évocation littéraire farfelue habituelle? En vérité, c’est l’article tout entier qui était surréaliste. Cependant, étant donné la relation personnelle de Scalfari avec le pape Bergoglio (qui semble parfois utiliser leurs entretiens pour envoyer des messages sur ses positions doctrinales avancées), j’étais curieux de lire ce texte, notamment parce que « Repubblica » l’a mis en première page avec un titre très prometteur : « Cette entente entre les deux papes sur les grands thèmes de l’humanité« .

Le début est solennel : « En ces heures », écrit Scalfari, « un accord intellectuel de grand intérêt pour l’Église catholique et au-delà se confirme. C’est un accord entre les deux papes : Le pape François et le pape Ratzinger« .

L’article est accompagné d’une photo des deux pontifes au Consistoire, mais, à part cette photo (qui ne signifie rien d’autre que la courtoisie mutuelle), on ne voit pas quelle « confirmation » il y a eu (et quand et où) d’un « accord intellectuel » puisque les pontificats de Benoît XVI et de Bergoglio sont sur des voies diamétralement opposées et que même les déclarations de Ratzinger, en tant que pape émérite, sont toutes sur la ligne catholique de son pontificat et du pontificat de Jean-Paul II. Aux antipodes des déclarations et des gestes de Bergoglio.

Même « les grands thèmes de l’humanité » sur lesquels, selon Scalfari, ils seraient d’accord, ne sont pas creusés parce qu’ils n’existent pas. Pour Benoît XVI, la plus grande tragédie du temps présente est l’annulation de Dieu, alors que pour Bergoglio, c’est le climat. Plus divergent que cela…

Mais cette insistance de Scalfari est curieuse: Benoît XVI est « démissionnaire de ses anciennes fonctions, mais conserve ses fonctions théoriques qui dureront aussi longtemps que sa vie le lui permettra ».

Je ne sais pas si Scalfari est conscient de la complexité théologique de l’argument qu’il énonce et du bourbier canonique qu’il implique, mais il est certainement significatif que ce concept soit issu de ses conversations avec Bergoglio.

Parce qu’il confirme que, par son (mystérieux) « pas de côté », Benoît XVI n’a pas renoncé au « munus petrino » et cela ouvre d’énormes questions sur la situation actuelle de l’Eglise et sur qui est le Pape.

Scalfari écrit même que « toutes les décisions de la plus haute importance que les papes peuvent prendre peuvent et doivent être approuvées et mises en œuvre par les deux« . Mais cela ne s’est jamais produit au cours de ces huit années et signifierait une papauté partagée, une nouveauté d’importance historique.

Scalfari poursuit de manière énigmatique : il dit qu' »une telle situation ne s’était jamais produite » (c’est vrai), mais il cite ensuite trois noms de papes comme précédents (à moins qu’il ne fasse allusion à ceux du schisme occidental et alors, c’est un signal qui n’est pas « farine de son sac » ).

Il parle d’une « entente fraternelle entre les deux… déjà discutée depuis un certain temps par les deux papes actuels dont la parité » aurait été « reconnue depuis longtemps au niveau de la pensée, mais pas de façon aussi formelle et substantielle ». Mais à quoi fait-il allusion? Il est affirmatif, mais ne mentionne aucun fait public.

Scalfari ajoute qu’ « aujourd’hui, on peut presque imaginer la présence de deux Papes qui parviennent à aborder ensemble les grands thèmes de l’humanité ». Il conclut ensuite sur le thème de la Trinité, avec un final exaltant sur les « différentes religions » pour lesquelles « François et Ratzinger se partageront la tâche d’avoir des contacts ». Les exemples ? « Pensez aux Vaudois, aux Chinois, aux Russes, aux Irlandais, aux Turcs » (est-ce que « les Irlandais » ou « les Chinois » seraient des religions ?)

Il est difficile de s’y retrouver dans un tel fouillis. Mais peut-être que le « Cardinal Scalfari » a entendu quelque chose. Bergoglio a de fait épuisé son pontificat, désormais noyé et dramatiquement diviseur au sein même de l’Église. Est-il plausible qu’il s’illusionne de le relégitimer dans les prochains mois avec l’autorité de Benoît XVI ? Ou bien dans les cercles bergogliens, redoute-t-on le grand charisme de Benoît que de plus en plus de croyants considèrent comme le « vrai pape » et le véritable phare?

Scalfari rapporte de manière confuse des stratégies qu’il a entendues en écoutant aux portes et il lui a semblé pertinent de citer le prince de Salina, protagoniste du « Guépard ». Mais quid des particules élémentaires ? Une allusion à l’indivisibilité ?

Que se passe-t-il oltretevere?

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