Encore une réflexion très intéressante de Marcello Veneziani. Selon lui, la défaite de Donald Trump, « coupable » d’avoir mal géré la pandémie (ce qui se discute) ne marque pas la fin du souverainisme; il l’a d’ailleurs incarné de façon difficilement exportable en dehors des Etats-Unis, sans chercher à le théoriser, ni à devenir le chef de file d’une « internationale », Ce que Veneziani omet de mentionner, toutefois, c’est que Trump n’a pas été battu à cause du covid, mais d’une fraude gigantesque.

Le covid démocrate a-t-il raison du souverainisme?

Marcello Veneziani
Il Borghese, décembre 2020
Ma traduction

L’année 2020 sera-t-elle l’année du covid mais aussi celle de la défaite du souverainisme ? Les deux ne sont pas sans rapport l’un avec l’autre. De Chine est venu le Dragon qui a vaincu la Sorcière populiste. C’est le coronavirus qui a mis Trump en faillite. Et toute l’année, la guerre contre la pandémie a été menée contre les pays souverainistes accusés de sous-estimer le virus – la Grande-Bretagne de Johnson, le Brésil de Bolsonaro, l’Amérique de Trump, à bien des égards la Russie de Poutine et l’Italie de Salvini. Et le covid, selon le récit planétaire officiel, les avait pris particulièrement comme cibles.

Contre le virus, aucune stratégie sanitaire gagnante n’a été observée, la virologie et la médecine ont jusqu’à présent échoué, et aucun protocole n’a été approuvé pour faire face à la pandémie dans ses premiers stades, si ce n’est des mesures archaïques de confinement.

D’autre part, le virus a été affronté sur le plan moral et idéologique, à travers l’éthique du masque et la vertu de la distanciation sociale. En conséquence, au terme d’une année où le virus a été le premier rôle absolu sur la scène mondiale, on peut dire qu’est né le Covid démocrate, représenté par des gouvernements progressistes, dont la future administration Biden qui, comme Obama pour la paix, à peine entré en fonction, a pris son prix Nobel préventif pour la lutte contre le covid. Avec Trump, les États-Unis ont atteint 300 000 morts, ce qui représente un peu moins des 64 000 morts de chez nous par rapport à la population (l’Italie est le leader européen en matière de victimes).

L’avènement du covid démocrate a balayé Trump : il aurait été réélu malgré la guerre mondiale permanente contre lui, pour ses grandes réalisations en matière de relance économique, d’emploi, d’absence de guerre, de bons succès internationaux. Mais le covid, et la forfanterie dont il a fait preuve pour y faire face, voire son arrogance, comme l’a qualifiée son précurseur italien Berlusconi, l’ont vaincu. Le message est passé, identifiant la catastrophe pandémique aux États-Unis avec son leadership. Et les Américains, pour en finir avec le covid, en ont fini avec lui.

Mais il reste une question gigantesque qui plane comme un nuage sur le monde: avec Trump, le souverainisme a-t-il été vaincu et éradiqué, l’ère du souverainisme est-elle terminé? Il est peut-être vaincu, mais éradiqué, c’est trop tôt pour le dire. Aussi parce que Trump n’a été qu’un véhicule du populisme souverainiste, un collecteur, mais il n’a été ni l’inventeur ni le seul propriétaire de sa formule politique. Parce qu’il s’agit d’un phénomène mondial aux racines profondes et réelles, survenant simultanément dans plusieurs pays, s’épanouissant en Europe, et déjà bridé lors des dernières élections européennes, mais pas pour autant éradiqué.

Le problème est que les malaises, les protestations, les attentes qui ont généré le souverainisme sont tous restés. On peut parler d’interprètes inadéquats, à commencer par Trump. On peut parler d’une capacité insuffisante à faire face à la réalité et à ses articulations, ou mieux – dans de nombreux cas – d’une grande capacité à rassembler des voix mais sans la même expertise pour les gouverner et les traduire en une vision complète. Mais il faut surtout parler de l’énorme difficulté de gouverner contre l’establishment, la machine médiatique et judiciaire, les oligarchies financières et intellectuelles, les agences d’influence telles que l’Église de Bergoglio.

Néanmoins, la défaite de Trump n’est pas la fin du souverainisme, mais indique son besoin de se redéfinir et de se redessiner.
Trump avait fait un choix précis et évident : il ne s’était pas positionné comme le leader mondial du souverainisme mais comme le président des États-Unis qui entendait penser d’abord à son pays, et non au monde, pour le protéger des attaques et le protéger économiquement et commercialement. En conséquence, son influence sur les autres pays a été presque inexistante ; jamais Trump n’a prétendu créer une internationale souverainiste, mais il s’est placé en concurrence commerciale et en antagonisme avec la Chine, avec l’Asie, avec l’Europe. Son mot d’ordre a été « tarifs », certainement pas « souverainisme ». Trump a opposé le protectionnisme à la mondialisation.

Par conséquent, sa défaite n’a fait exploser aucune filière, aucune internationale souverainiste. Au cours de ses quatre années, Trump n’a même pas tenté de s’attaquer à la bataille culturelle contre le politiquement correct sur la scène mondiale ; il n’a pas opposé une autre façon de penser et de voir à la façon dominante. Il s’est limité, et c’est déjà beaucoup, à défendre la véritable Amérique de toujours, sur le plan pratique et juridique. La seule tentative vaguement esquissée est celle de Steve Bannon, et elle a très vite été désavouée par Trump.

Bref, le souverainisme comme variante nationale et décisionnelle du populisme reste un pari à jouer. Mais après Trump, il doit redéfinir ses limites, faire un saut de qualité et de vision, et ne pas se contenter de jouer sur la défensive avec le protectionnisme et l’enfermement dans la primauté nationale.

Ce qui manque à ce stade, c’est un souverainisme européen audacieux, une sorte de gaullisme 2.0, révisé et actualisé, une alternative au serpent de l’Atlantique, qui se présente comme une confédération de souverainetés nationales. Le covid a confirmé une Europe qui avance en ordre dispersé, désynchronisé, avec des défenses déconnectées et divergentes, même lorsque le problème commun est la santé et non la géopolitique. L’Europe redevient la troisième force entre la société américaine du politiquement correct et la dictature chinoise qui mondialise les produits, les virus et les mesures restrictives.

L’année qui se termine, l’une des plus affreuses de notre histoire et la plus affreuse pour nous, contemporains, devrait être surmontée avec une nouvelle vision publique, civile et culturelle, avant d’être politique ; et par une nouvelle prise de conscience des scénarios géopolitiques. L’ennemi n’est pas Merkel, ni même l’insignifiant Macron. Mais c’est la pandémie idéologique exprimée par le court-circuit sino-américain et leur colonisation mondiale.

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