« L’histoire de ce qu’on a nommé le variant anglais du Covid-19 n’est que le signe extrême de la pollution permanente du débat sur ‘l’urgence sanitaire’ dans de nombreux pays occidentaux par des éléments totalement irrationnels. Une intéressante analyse d’Eugenio Capozzi (*) sur La Bussola.

La panique irrationnelle des sociétés irreligieuses

Eugenio Capozzi
La NBQ
23 décembre 2020
Ma traduction

L’histoire du « variant anglais » du virus Covid-19 n’est que le signe extrême de la pollution permanente du débat sur « l’urgence sanitaire » dans de nombreux pays occidentaux par des éléments totalement irrationnels, par des suggestions ancestrales, non plus rattachées à la rationalité pratique qui devrait régir les choix gouvernementaux concernant l’intérêt collectif.

Si un Martien arrivait sur Terre en ignorant totalement ce qui se passe, à écouter les déclarations des politiciens et des « experts » en Europe – en Italie, on n’en parle même pas – il aurait l’idée qu’une épidémie comparable à la peste noire de la fin du Moyen-Âge, ou la variole, ou l’Ebola, incurable et hautement mortelle, est en cours. Et il serait stupéfait d’apprendre qu’il s’agit par contre d’un agent pathogène appartenant à la famille des coronavirus, qui, après un bref pic aigu au printemps, n’est actuellement mortel que dans un cas environ sur 200, et dont les victimes sont pour la plupart âgées de plus de quatre-vingts ans et atteintes de maladies graves.

À la lumière de ces informations, le Martien se demanderait, étonné, pourquoi de nombreux gouvernements des pays les plus industrialisés de l’Occident ont paralysé leur économie à cause de ce virus, ont annulé la vie sociale et civile et ont causé d’énormes dégâts aux écoles, aux universités, à la culture, à l’art, aux divertissements et aux sports. « Des mesures de prévention et de sécurité à la hauteur du risque n’auraient-elles pas pu être mises en place? », dirait-il. « Ne pouvait-on pas se concentrer sur le renforcement des structures de santé, sur des politiques de prévention et de thérapie spécifiques aux personnes les plus fragiles, en rouvrant entre-temps, prudemment et en toute sécurité, toutes les activités économiques pour éviter de plonger vos sociétés dans une dépression aux dimensions irréparables? »

Si ensuite cet extraterrestre apprenait que depuis des mois, beaucoup de ces gouvernements, et parmi les experts qu’ils ont consultés, nourrissent une attente messianique de vaccins comme seule solution au problème, déclarant qu’il faudra pour cela une couverture vaccinale généralisée d’au moins 60-70% de la population, ou même – comme en Italie – proposant que la vaccination soit obligatoire, il secouerait probablement la tête, désolé, convaincu maintenant d’avoir atterri sur une planète-asile de fous. « Mais vous rendez-vous compte – dirait-il – qu’il est absurde de vacciner tout le monde contre une maladie virale qui, dans 95% des cas, est asymptomatique, ou donne des symptômes comparables à ceux d’un rhume, dont les cas graves sont inférieurs à 1% et pour laquelle il existe de nombreuses thérapies valables qu’il serait par contre bon d’adopter à un stade précoce? Vous rendez-vous compte que pour la population jusqu’à 50 ans, la maladie n’est pas du tout un problème ? Et surtout, vous rendez-vous compte que les coronavirus, comme d’autres agents pathogènes para-grippaux, sont en constante mutation, donnant lieu à une myriade de variantes, et donc que rien ne garantit que les vaccins seront efficaces, comme le prouve le fait que les vaccins anti-grippe ne protègent chaque année que contre une partie des infections saisonnières ».

En effet, sur ce dernier point, le « variant anglais » dont tous les grands médias ont parlé est la énième forme produite par le virus depuis son arrivée en Occident en provenance de Chine : comme toutes les autres, elle essaie de trouver de nouvelles façons de survivre et de s’adapter à son hôte, en modifiant des parties minimales de son code génétique. Cette variété était probablement déjà en circulation depuis longtemps, et s’accompagne parallèlement d’autres qui n’ont pas été enregistrées avec autant de précision. C’est à ces mutations qu’il faut attribuer les « foyers » de contagion qui se sont développés à tour de rôle dans divers continents et pays : y compris cette « deuxième vague » automnale – en réalité la poursuite de la même épidémie dans des conditions climatiques automnales – qui s’est développée en Europe à partir de l’Espagne et de la France, et probablement dérivée de virus « de retour » d’Amérique. Mais les mutations du virus signifient aussi presque toujours, comme pour chaque spécimen de sa « famille », une « domestication » progressive, qui se traduit par un danger toujours plus faible. D’ici là, le Covid deviendra l’un des nombreux virus saisonniers physiologiquement, cycliquement présents parmi les différentes populations du monde. Présenter ses mutations comme un événement apocalyptique dénote soit une mauvaise foi totale, soit la perte la plus totale du sens de la mesure et des proportions.

À la lumière de tout cela, nous pouvons affirmer une fois de plus que l’effet le plus traumatisant de la pandémie Covid-19 sur la plupart des sociétés occidentales n’a pas été de nature sanitaire, ni même économique, mais politique et culturelle : elle a représenté la véritable désertification d’une dialectique civile fondée sur la rationalité pratique, et en particulier sur l’analyse du rapport entre les coûts et les bénéfices. Ces sociétés qui étaient souvent présentées comme étant uniquement fondées sur le calcul, sur l’intérêt, et poussées à un cynisme endurci par une surexposition aux médias, semblent avoir totalement perdu en peu de temps toute capacité à discuter lucidement des problèmes et des solutions : le débat politique est réduit à une perpétuelle vague émotionnelle, alimentée à tour de rôle par des craintes et des espoirs excessifs, des voix incontrôlées, des déclarations autoritaires et apodictiques.

En réalité, il s’agit d’un phénomène qui n’est certes pas apparu ces derniers mois, mais qui a des racines profondes.

Le fait est que plus les sociétés sont radicalement sécularisées, plus le retrait du sacré de la sphère qui lui est propre conduit à une invasion d’attitudes para-religieuses dans le domaine de la politique et, en général, de la vie sociale et civile. Plus une société est irréligieuse, moins elle est « laïque », capable de raisonner de manière pragmatique sur les problèmes qui l’assaillent.

La suppression du sacré hébraïco-chrétien a produit dans les sociétés occidentales une inflation de millénarisme, une demande de rituels et de sacrifices, un retour substantiel à des formes de paganisme et d’idolâtrie. Les idéologies des XIXe et XXe siècles, les religions sécularisées, ont longtemps joué une fonction de « substitution » par rapport au vide qui s’était ouvert. Au cours des dernières décennies, avec leur déclin inévitable, cet abîme s’est manifesté sous sa forme la plus affligeante, entraînant une véritable explosion de nouvelles formes d’irrationalisme et de superstition mondaine.

Nous en avons eu un premier exemple puissant avec la forme ouvertement apocalyptique et païenne que prend l’environnementalisme, dont la figure prophétique de Greta Thunberg est la représentation symbolique la plus éloquente. Aujourd’hui, le virus chinois a déclenché une réaction psychotique en chaîne d’une ampleur absolument disproportionnée par rapport à son entité réelle, produisant la course de masse désespérée pour sauver « la vie nue », la dépendance fidéiste aux autorités politiques et techniques, le régime sanitocratique. Il ne sera pas facile de ramener la dialectique civile à une saine rationalité laïque.

(*) Du même auteur, dans ces pages

Eugenio Capozzi, né en 1962, et professeur d’histoire contemporaine à l’Università degli Studi di Napoli «Suor Orsola Benincasa» et membre du comité scientifique de la revue culturelle bisanuelle  » VENTUNESIMO SECOLO« . Il est l’auteur de plusieurs essais, dont « Politicamente corretto, Storia di un’ideologia » (2018), et collabore régulièrement à La Bussola,

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