Lors de la rencontre organisée samedi dernier par le Bureau de la catéchèse de la CEI, François a réaffirmé que « le Concile EST le Magistère de l’Église » et que ceux qui ne suivent pas Vatican II ne sont pas avec l’Église. Plus qu’au « Chemin Synodal » allemand (alors que lui-même insiste pour entamer un « Chemin synodal » italien…!), comme semble le penser Nico Spuntoni, son avertissement ne visait-il pas plutôt – et surtout – ceux (de l’autre bord) qui ces jours-ci, à l’instar d’AM Valli élèvent la voix pour demander qu’on en finisse avec la méthode de la « quadrature du cercle » dans l’interprétation du Concile?

« Concile non négociable. Et il faut un synode italien ».

Nico Spuntoni
31 janvier 2021
La NBQ
Ma traduction

Hier, Bergoglio a reçu dans la salle Clémentine les participants à la rencontre promue par le Bureau national de la catéchèse de la Conférence épiscopale italienne devant laquelle il a prononcé un discours d’une importance non négligeable. En présence du Cardinal Bassetti et de Mgr Russo, respectivement président et secrétaire de la CEI, le Pape a de nouveau insisté sur l’opportunité de convoquer un Synode de l’Eglise italienne. Il l’a fait en termes plus péremptoires que par le passé, probablement dans la conscience que ce scénario – déjà largement espéré – réchauffe le cœur des prélats italiens. « L’Église italienne », a déclaré François, « doit entamer un processus de Synode national, communauté par communauté, diocèse par diocèse », indiquant également le périmètre concerné: celui qu’il a lui-même marqué dans son discours à la Convention ecclésiale nationale de 2015 à Florence. « Dans la Convention de Florence », poursuit Bergoglio, « il y a précisément l’intuition de la voie à suivre dans ce Synode; maintenant, il faut la reprendre: c’est le moment. Et commencer à avancer (caminare – un des verbes fétiches de François ».

Une voie préconisée dans un éditorial du père Antonio Spadaro, rédacteur en chef de la Civiltà Cattolica, il y a deux ans, qui a ouvert le débat dans les milieux du catholicisme démocrate (/progressiste) et qui a été suivie en septembre de la même année par un article de son prédécesseur, le père Bartholomé Sorge, dans lequel le « probable Synode » se situe dans le sillage de la première Conférence Ecclésiale de 1976, en lui attribuant la tâche de reprendre le virage interrompu à l’époque. Cette conférence, où prévalait un langage plus sociologique et moins biblique (selon le jugement publié dans Civiltà Cattolica neuf ans plus tard), a été dépassée en 1985 par le rendez-vous de Lorette, plus influencée par le nouveau climat du pontificat de Wojtyla.

L’objectif de l’assemblée chère au père Sorge – qui en fut l’un des protagonistes – était de « traduire le Concile en italien » : une expression similaire à celle utilisée hier par le pape François, selon laquelle « la foi doit être transmise en dialecte« , se référant non pas « au dialecte linguistique, dont l’Italie est si riche », mais « au dialecte de la proximité, au dialecte que je peux comprendre, au dialecte de l’intimité ». D’autre part, recevant en audience le jésuite aujourd’hui disparu il y a un peu plus de deux ans, le Pontife a publiquement fait l’éloge de l’article sur le « probable Synode », affirmant y avoir trouvé une « clarté qui a fait trembler, je ne dirai pas la politique italienne, mais certainement au moins l’Eglise italienne ». L’œuvre du Père Sorge ne se limite d’ailleurs pas à attribuer au Synode si convoité la tâche de reprendre ce tournant commencé en 1976 et interrompu ensuite, mais va jusqu’à tirer les oreilles des évêques italiens pour ne pas avoir encore donné suite aux indications exprimées par Bergoglio dans la Convention florentine de 2015.

Ce n’est pas un mystère, en effet, que les hiérarchies ecclésiastiques du Belpaese [l’Italie] sont décidément moins enthousiastes que les jésuites face à la perspective d’un synode de l’Église italienne. Au cours de ces six années, la direction de la Conférence épiscopale italienne a changé, mais ce que François avait appelé 2019 « une rumeur arrivée dernièrement à Santa Marta », suggérant que sa convocation était imminente, est restée telle, ne se traduisant pas dans la réalité. Le cardinal Bassetti lui-même, qui a succédé à Bagnasco à la tête de la Conférence, n’a jamais explicitement demandé son ouverture, bien qu’il ait qualifié le discours prononcé par Bergoglio à Florence de « stupéfiant » et « à approfondir ». Les paroles prononcées hier par le Pape, avec l’utilisation des termes « il faut » et « maintenant » concernant le début du processus synodal par l’Église italienne, pourraient contribuer à dissiper les doutes qui ont survécu parmi les évêques.

Il y a quelques jours, François a reçu en audience Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio qui considère la Convention ecclésiale de 1976 comme l’acte fondateur de l’Église italienne et qui, en mai 2019, d’un point de vue probablement favorable, avait analysé les raisons de l’échec de la réalisation de la proposition faite par le Pape à Florence: « Il n’y a pas de forces obscures qui se cachent derrière – avait écrit l’historien dans un article d’Avvenire – mais plutôt la paresse, l’emprise des calendriers et des logiques institutionnelles », expliquant en outre qu’ « une certaine surdité aux messages s’est produite, peut-être due à la profusion de mots de notre temps ou à une mauvaise écoute ». La position de Riccardi est que le Synode est la proposition du Pape pour secouer un catholicisme italien à court d’idées et, d’autre part, les conférences ecclésiales ont été instituées par Saint Paul VI comme une sorte de contrôle cyclique pour surveiller l’état de santé de l’Eglise italienne. Si celle de Florence en 2015 ainsi que celle de Vérone en 2006, malgré les discours chargés d’expectatives de François et de Benoît XVI, n’ont pas provoqué de réaction significative comme ce fut le cas après Palerme (1995), Lorette (1985) et Rome (1976), on comprend alors l’insistance à donner un coup de fouet à un environnement atone et de moins en moins déterminant.

Mais en quels termes et dans quelles limites ? La voie synodale allemande en cours, où – comme l’a dit Saint Paul VI – « le mot magique d’aggiornamento a poussé certains au-delà des limites », fait peur et ne semble certainement pas être un exemple à suivre. Le pape François lui-même semble en être conscient, et dans son discours d’hier dans la salle Clémentine, il a eu recours à des remontrances à saveur montinienne. Il l’a fait, et ce n’est pas un hasard, en défendant le Concile Vatican II en des termes jamais aussi clairs et en citant à plusieurs reprises son prédécesseur lombard qu’il a lui-même canonisé : « Le Concile est le magistère de l’Église », a déclaré Bergoglio. « Soit vous êtes avec l’Église et donc vous suivez le Concile, et si vous ne suivez pas le Concile ou si vous l’interprétez à votre manière, comme vous le souhaitez, vous n’êtes pas avec l’Église ». François a déclaré que sur ce point, il faut être « exigeant, sévère », reprochant à ceux qui voudraient négocier l’héritage du Concile « d’en vouloir plus ». « Non, le Concile, c’est ça. Et ce problème que nous connaissons, de sélectivité à l’égard du Concile, s’est répété tout au long de l’histoire avec d’autres Conciles ».

Le Pape a demandé qu’aucune « concession ne soit faite à ceux qui cherchent à présenter une catéchèse qui n’est pas en accord avec le Magistère de l’Eglise » et a proposé le parallèle historique avec les vétéro-catholiques qui se sont séparés de l’Eglise de Rome en 1870 et qui « sont partis (…) pour continuer la ‘vraie doctrine’ qui n’était pas celle de Vatican I », se disant « vrais catholiques » ; et « aujourd’hui ils ordonnent des femmes ». La référence au schisme vétéro-catholique et à l’ordination féminine aujourd’hui admise par l’Union d’Utrecht rappelle ce qui se passe dans l’Église allemande avec le spectre du schisme évoqué à plusieurs reprises par des évêques faisant autorité et la demande d’ouverture aux femmes prêtres en tête de l’agenda synodal. Ce ne serait pas la première fois que François lance des piques à l’extrémisme dont fait preuve l’épiscopat allemand dans le développement du Chemin inauguré il y a un an à Francfort.

Une interprétation du discours du Pape qui pourrait également être confirmée par une autre citation de Montini utilisée hier: Bergoglio, en effet, a dit qu’il faisait siennes les paroles de son prédécesseur prononcées lors de la première Assemblée générale de la CEI après le Concile, qualifié de « grand catéchisme des temps nouveaux ». Dans ce même discours, immédiatement après le passage mentionné par François, Saint Paul VI précise que « il n’autorise bien sûr pas, et même il contient et corrige les abus doctrinaux et disciplinaires que certains esprits agités voudraient en tirer ». Ces esprits agités qui, plus d’un demi-siècle après l’avertissement de Montini, voudraient « renégocier le Concile pour obtenir plus » y compris sur l’ordination des femmes : mais même sur ce point, comme Joseph Ratzinger l’a rappelé à Peter Seewald en 1997, les Pères du Concile se sont exprimés clairement dans Lumen Gentium, arguant que « lorsqu’il arrive que des évêques, sur une très longue période, s’accordent sur une doctrine et adoptent une conduite unitaire, c’est un enseignement infaillible, qui est l’expression d’un lien, qu’ils n’ont pas créé eux-mêmes ».

Et hier, François, se référant à Saint Paul VI, semble avoir laissé peu de marge de manœuvre aux « esprits agités » de l’autre côté du Rhin : « Soit vous êtes avec l’Eglise et donc vous suivez le Concile, et si vous ne suivez pas le Concile ou si vous l’interprétez à votre manière, comme vous le souhaitez, vous n’êtes pas avec l’Eglise ».

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