« Les erreurs de la Russie se répandront », a dit la Sainte Vierge aux petits bergers de Fatima. Or, ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que le socialisme, que l’on avait cru vaincu en 1989, se propage à nouveau sous de nouvelles formes (« transition écologique », réchauffement climatique, lutte contre les discriminations, gender, etc.). D’où la question de plus en plus insistante: la Russie a-t-elle été consacrée au Cœur Immaculé de Marie selon les vœux de la Mère de Dieu, comme l’affirme l’Eglise? Une formidable réflexion de Giuseppe Nardi, qui nous offre ici une clé d’interprétation catholique des derniers évènements, de la crise du covid à la « défaite » de Donald Trump.

Jean-Paul II et Sœur Lucie en 1982 à Fatima

Fatima et l’expansion du nouveau socialisme.

Une question de plus en plus insistante: la Russie a-t-elle été consacrée au Cœur Immaculé de Marie ?

Réflexions de Giuseppe Nardi

Giuseppe Nardi
katholisches.info
22 février 2021
Traduit de l’allemand par Isabelle

L’attitude de plus en plus offensive des partisans d’un régime socialiste, que ce soit en Europe ou en Amérique Latine, et, pour tout dire, à un niveau global, suscite une interrogation : comment est-il possible que tout à coup les erreurs de la Russie de 1917 se répandent à nouveau, si la Russie a bien été consacrée au Cœur Immaculé de Marie, comme la Mère de Dieu en avait exprimé le souhait à Fatima ?

Sous de nouvelles formes le socialisme, que l’on avait cru vaincu en 1989, se propage à nouveau à la surface du globe. Il apparaît avec beaucoup de nouvelles étiquettes. Une partie d’entre elles seulement se revendique directement du socialisme, en se faisant appeler « socialisme démocratique » ou « socialisme du XXIe siècle ». La plupart du temps, ce « socialisme » se déguise sous des thèmes à la mode comme l’écologie et l’anti-discrimination. Les mots d’ordre sont : changement climatique, Fridays for Future, droits des homosexuels, idéologie du genre, Black Lives Matter… Derrière tout cela se cache une volonté totalitaire, qui ne tolère aucune opinion divergente. Le concept de Cancel Culture n’est que la dénomination la plus récente de ce phénomène.

Par les mesures anti-corona, les peuples ont été habitués à accepter sans broncher les mesures coercitives édictées par leurs gouvernements respectifs, – et même à y collaborer, à ostraciser ceux qui pensent autrement. Il y a, dans le processus orchestré à grande échelle qui se déroule aujourd’hui, un aspect psychologique qu’il ne faut pas sous-estimer. Une des récentes victimes de cette mise au ban sociale est Stefan Mickisch, un spécialiste de Wagner prodigieusement doué, qui fut, à cause de sa critique des mesures anti-corona du gouvernement, interdit de séjour dans la villa Wagner à Bayreuth, comme si ces deux choses avaient un quelconque rapport entre elles. Il a été attaqué de manière abjecte par les médias mainstream et démoli. C’est exactement ainsi que fonctionne l’ostracisme. Vendredi dernier, Michisch s’est ôté la vie à l’âge de 58 ans.

Le slogan qui revient sans cesse est : « Il n’y a pas d’alternative », ce qui, à l’avance, exclut toute déviation. Dans la fausse pandémie actuelle, les mesures coercitives prises par les États sont présentées comme étant « sans alternative » : or, au lieu de ces mesures, on pourrait investir dans le renforcement du système de santé afin de fournir l’aide nécessaire à ceux (Dieu merci assez peu nombreux !) qui sont réellement atteints d’une affection respiratoire et de protéger le nombre raisonnable de personnes à risques. Sont également dites « sans alternative » les mesures douteuses « contre le changement climatique » et pour un « tournant écologique ». De cette « conversion écologique » parle aussi le pape François, qui fait partie des plus importants promoteurs de la nouvelle Alliance et de l’élargissement de son agenda.

Le pouvoir politique est largement de gauche, comme l’est aussi et surtout le pouvoir concentré des médias, qui permet de contrôler et de diriger l’opinion publique. Il s’agit cependant d’une gauche différente de celle qui, jusqu’en 1989, était active de part et d’autre du Mur, avec diverses nuances. Mais posons d’abord la question que tout cela appelle : la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie a-t-elle été réellement accomplie, comme le souhaitait la Mère de Dieu ?

Oui, répond-on du côté de l’Eglise. La consécration a été accomplie par le pape Jean-Paul II le 25 mars 1984. C’était là une étape importante, qui devait conduire en 1989 à l’effondrement du bloc de l’Est et de l’Union soviétique.

Le 13 mai 1917, deux des trois petits bergers de Fatima reçurent de la mère de Dieu le message suivant, qui est une partie du soi-disant Deuxième Secret de Fatima :

Pour éviter la deuxième guerre mondiale et d’autres punitions de Dieu, « je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. Si on accepte mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix ; sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites. À la fin, mon Cœur immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie, qui se convertira, et il sera concédé au monde un certain temps de paix. »

La transmission du secret souffre néanmoins d’une difficulté : dans la version citée, le texte n’a été transcrit par Sœur Lucie qu’en 1941 et publié en 1942. A ce moment, contrairement à ce qui se passait en 1917, la terreur exercée par le régime communiste en Union soviétique était connue depuis longtemps et la deuxième guerre mondiale avait éclaté.

En 1982, le pape Jean-Paul II, qui avait survécu avec de graves blessures à l’attentat perpétré contre lui, reçut à Fatima Sœur Lucie dos Santos, l’unique voyante et témoin des messages encore en vie. On rapporte qu’à cette occasion elle le pressa de procéder à la consécration de la Russie conformément au souhait de la Mère de Dieu.

Le 8 décembre 1983, le pape s’adressa aux évêques du monde entier et leur demanda de procéder avec lui à la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Cela eut lieu le 25 mars 1984. Mais la Russie ne fut pas mentionnée. Pourquoi des papes ont-ils fait tant de manières pour réaliser exactement ce qu’a voulu la Mère de Dieu, c’est-à-dire citer nommément la Russie ? Cela est l’une des énigmes de l’histoire récente de l’Eglise.

Jean-Paul II fit ensuite demander par le nonce apostolique à Sœur Lucie si la consécration de la Russie avait bien été accomplie. Aux dires du nonce, Sœur Lucie aurait donné une réponse affirmative. « Maintenant, nous attendons le miracle », dit le nonce. « Dieu tiendra sa parole », promit Sœur Lucie et elle ajouta que, sans la consécration, il y aurait eu, en 1984, une guerre nucléaire.

Après l’acte de consécration par Jean-Paul II, la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du Bloc de l’Est semblèrent réaliser la prophétie. Une nouvelle situation géopolitique se dessina, qui amena l’Eglise à publier, au cours de l’année sainte 2000, le soi-disant « troisième secret de Fatima », dont il ne doit pas être question ici.

Pourtant, ce qui semblait plausible avec la chute du Mur de Berlin en 1989 et la fin de l’Union soviétique en 1991 semble de moins en moins crédible 30 ans plus tard. Il est un fait que, peu d’années seulement après ces événements, à partir du milieu des années 1990, une nouvelle alliance entre libéraux et forces de gauche commença à se former en Occident. Le plus remarquable dans cette alliance est la conjonction d’anciennes forces communistes avec l’establishment financier occidental, qui a pris le commandement. C’est une alliance qui depuis lors n’a cessé de se renforcer. Tout ce qui trouble son hégémonie – par exemple l’élection de Donald Trump à la présidence des USA, ou des coalitions gouvernementales indésirables, comme avec le FPÖ en Autriche ou la Lega en Italie – est éliminé au prix d’un considérable déploiement de force, mais toujours avec succès. Les organisations de la société civile, les ONG et, surtout, la politique semblent être devenues vénales.

Ainsi, l’Alliance envisage-t-elle un pouvoir absolu pour une élite restreinte et le socialisme pour les masses. Cette dernière perspective assure à l’establishment non seulement l’adhésion des partis de gauche, mais elle fait même des violents Antifa des troupes de combat à sa solde. Un développement qu’on aurait tenu pour impensable en 1990.

La question de savoir si la consécration de la Russie a été accomplie selon la volonté de la Mère de Dieu exprimée à Fatima, fait l’objet, depuis des dizaines d’années, d’intenses discussions dans lesquelles nous ne devons pas entrer ici. Mais devant la progression, dans le monde entier, des idées socialistes et des politiques répressives, à tout le moins vis-à-vis des masses, la question se pose néanmoins à nouveaux frais. Il semble à peine croyable que la promesse de paix de la Mère de Dieu, liée à la consécration de la Russie (à savoir : que les doctrines erronées de la Russie ne se répandraient plus) puisse avoir une validité de seulement 30 ans. Et peu importe qu’aujourd’hui la Russie ne soit pas le moteur de la nouvelle expansion du socialisme. Ce qui compte, c’est que l’establishment occidental, qui n’a absolument rien de socialiste, ait reconnu que le socialisme pouvait, entre ses mains, représenter un instrument éprouvé de contrôle des masses. En réalité, une petite élite de super-riches essaie, sous ce couvert, de remplacer la démocratie par une sordide oligarchie.

Mais par ailleurs il y a aussi la République Populaire communiste de Chine, qui après son ouverture au capitalisme tout en maintenant l’emprise totalitaire du Parti Communiste Chinois, semble être l’idéal et le modèle de l’avenir que l’on souhaite. Le bras politique du pape François, l’évêque de curie Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, qui appartient lui-même à la haute société argentine, s’est exprimé en ces termes le 2 février 2018 :

« En ce moment, ceux qui appliquent le mieux la doctrine sociale de l’Eglise, ce sont les Chinois. »

Ces développements ne sont pas des coïncidences, ils s’intègrent plutôt dans un tout. Au vu de la propagation rapide des idées socialistes et des tendances à la prise de pouvoir par une oligarchie, à la faveur d’une déformation de la démocratie réduite à une façade, la question de savoir si la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie a réellement été faite ou non, se pose avec une insistance jamais vue depuis 1989.

A moins qu’il n’y ait d’autres explications ?

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