En plus d’être un voyage à haut risque, il risque d’être contre-productif si, dans les rencontres avec les dirigeants musulmans, François n’adopte pas un ton de franchise et une exigence de réciprocité. L’analyse de l’essayiste franco-italien Alexandre del Valle, recueillie par le site italien « Chiesa e post Concilio ».

Alexandre del Valle

Maria Guarini, l’animatrice du blog, écrit en guise de présentation:

Le voyage du pape François en Irak du 5 au 8 mars est le premier voyage apostolique dans un pays à majorité chiite, qui a connu quatre conflits au cours des quatre dernières décennies, mais aussi le premier de l’ère pandémique. L’accent est mis sur une clé interreligieuse comme « sous le signe d’Abraham » et cela nous rappelle le malentendu sur les monothéismes et le Dieu unique dont nous avons déjà parlé. Désormais, il est en roue libre, imparable et sans retenue, suivant une pente dévastatrice pour l’Église et pour les âmes.

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Des rencontres sont prévues avec d’importants leaders religieux sur le leit motiv désormais bien établi de Fratelli tutti et de la Déclaration d’Abu Dhabi.

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Dans le sillage de l’émoi provoqué par ce voyage, je reçois les textes de deux récentes interviews d’Alexandre del Valle, professeur et commentateur politique italo-français, célèbre pour ses études sur l’extrémisme islamique. La première interview a été accordée au portail portugais Dies Irae, la seconde au journaliste Colm Flynn du réseau EWTN.

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http://chiesaepostconcilio.blogspot.com/2021/03/il-viaggio-in-iraq-del-papa-piu-filo.html
Extrait de la première interview dans ma traduction (c’est là où del Valle aborde le sujet du voyage papal):

Question: Entre le 5 et le 8 mars, le pape François se rendra en Irak. Les chrétiens, autrefois une communauté importante dans ce pays, ont subi de dures persécutions de la part de la majorité islamique et, aujourd’hui, sont réduits et humiliés. Quel panorama le Pontife trouvera-t-il de ce point de vue en Irak ? Le dialogue œcuménique catholique-islamique apportera-t-il des résultats concrets?

AdV: À quelques jours de l’arrivée du pape François en Irak, les attentes de l’Église locale sont grandes. « Nous espérons que sa visite dans le pays permettra de sensibiliser davantage les chrétiens d’Irak ». Le pape rencontrera des dirigeants chrétiens et musulmans, dont le chef des chiites irakiens, le grand ayatollah Ali Al Sistani, considéré comme un homme de paix pour les chrétiens d’Orient. Mais je crains que les autres rencontres interreligieuses que le pape François aime tant ne soient non seulement inutiles mais même contre-productives, si le pape n’adopte pas un discours d’exigence de franchise et une exigence de réciprocité qui n’a jamais existé entre chrétiens et musulmans, qu’ils soient chiites ou sunnites. A quoi servira la rencontre interreligieuse symboliquement prévue à Ur, dans le sud de l’Irak, la ville d’origine des juifs et donc des premiers monothéistes, « patrie d’Abraham et des trois religions », s’il se contente de répéter les idées habituelles politiquement et islamiquement correctes selon lesquelles « les juifs, les chrétiens et les musulmans ont un père commun en Abraham ». Je crains que le pape François, le pape le plus islamophile de l’histoire de l’Église, n’ose et ne songe même pas à dénoncer – avec respect mais aussi avec franchise – l’absence de réciprocité islamo-chrétienne et le fait que les pays et les autorités islamiques du monde entier réclament en Occident davantage de mosquées et le droit de convertir les chrétiens à l’Islam alors que les chrétiens sont persécutés dans presque tous les pays musulmans et ne peuvent y construire de nouvelles églises comme ils le souhaitent. À mon avis, le Pape adoptera une attitude plus politico-diplomatique que celle de la vérité théologique, car il n’est pas le Pape de la cohérence doctrinale comme Benoît XVI qui a osé dire la vérité sur l’Islam, mais un Pape argentin qui ignore ce qu’est le monde islamique et qui se trompe en croyant que les chrétiens seront mieux traités ou « épargnés » en échange de ses discours « interreligieux » et de ses fausses déclarations selon lesquelles « le vrai Islam est tolérant »…
J’espère qu’il sera inspiré par la grâce des martyrs chrétiens d’Irak et qu’il parlera de la vérité, mais j’en doute vraiment…. La vérité est qu’il va dans une région où les chrétiens qui, il y a 50 ans, étaient là plus 1,5 million et qui sont maintenant moins de 250 000…. et ils continuent tous à essayer de fuir et d’émigrer vers l’Occident… Ensuite, si le pape croit que sa présence « interreligieuse » en Irak va arrêter l’hémorragie des chrétiens et rendre les fondamentalistes islamiques plus « ouverts » ou « amicaux », il rêve, car au contraire, du côté des fondamentalistes, les « dialogues interreligieux » tant souhaités par les papes catholiques (sauf Ratzinger) depuis le Concile Vatican II, jamais conditionnés par des demandes de réciprocité, sont essentiellement perçus comme des signes de faiblesse et donc une incitation à persécuter encore plus de chrétiens qui sont objectivement non défendus par les pays occidentaux en voie vers l’apostasie. .. Par ailleurs, même s’ils savent parfaitement que le pape n’a pas l’intention de convertir qui que ce soit au christianisme ou de proclamer la Parole, de nombreux leaders religieux islamiques irakiens manifestent leur hostilité au voyage du pape sur les réseaux sociaux et profitent de sa venue pour faire croire que le christianisme occidental tente de relancer les croisades ou voudrait « provoquer » les pays musulmans par un prosélytisme chrétien… D’où le thème obsessionnel des « croisés ». Bien qu’il soit hyper pro-immigrationniste et pro-islamique, le pape est présenté par des islamistes radicaux et même orthodoxes, en particulier des sunnites, comme « le roi des Croisés qui entre dans le pays comme missionnaire.

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