Nostalgie, encore, après Le Vendredi saint de Marcello Veneziani. Claudio Gazzoli, sur son très beau blog « Fragmenti » nous fait revivre les Pâques d’autrefois en Italie, à la campagne, avec un titre, et un contenu, qui renvoient aux « nouveaux païens » évoqués par le jeune théologien Joseph Ratzinger en 1958. Aujourd’hui, Pâques ne célèbre plus la Résurrection du Seigneur, mais la chasse aux œufs. Une fausse tradition, dérisoire et banale, qui se substitue à la grande Tradition et qui s’est désormais imposée dans le ressenti populaire.

Le Samedi Saint, le curé bénissait les maisons

Le nouveau paganisme

Claudio Gazzoli
1er avril 2021
Ma traduction

Certaines fêtes religieuses sont issues de la transformation d’anciennes fêtes païennes. Aujourd’hui, c’est le contraire qui se produit, les fêtes religieuses, à commencer par les plus importantes, se transforment en fêtes païennes. Non pas le retour aux dieux païens, comme celui voulu par un empereur philosophe, Flavius Claudius Julianus, ennemi du christianisme, mais la transition, désormais achevée, vers un nouveau paganisme qui utilise les mêmes symboles dont la signification originelle a été complètement altérée. Ainsi, la profusion d’œufs en chocolat de tous les parfums et de toutes les couleurs et de colombes [colomba di Pasqua, gâteau moulé en forme de colombe et traditionnellement servi à Pâques, ndt] disposées en pyramides dans les supermarchés sont là pour chanter les louanges du retour du printemps, du cycle de la vie qui recommence sous la poussée de « mère terre ». Mais les nouveaux dieux, qui ne sont rien d’autre que le déguisement multiforme de l’antique serpent, ont soif de sang. Ainsi, le samedi saint, juste à la veille de la plus importante fête religieuse, alors que l’autel est totalement dépouillé, que l’Église se recueille pour Jésus qui repose dans le tombeau en attendant la victoire finale sur la mort, dans certaines églises est mise en place la « vaccination de masse ». Telle est la fête du lugubre nouveau paganisme.

La tension de la Semaine sainte était perceptible dans l’air, dans le silence, dans la liturgie, dans la procession du Vendredi saint et s’évaporait dans la lueur infinie du jour de Pâques. Le lundi de Pâques, Pasquetta [petite Pâque, nom donné au lundi de Pâques en Italie] nous allions chez grand-mère pour déjeuner avec la famille, comme nous le faisions chaque année. Les abats d’agneau aux œufs en entrée [coratella, plat typique servi traditionnellement durant les fêtes pascales], puis les vincisgrassi [lasagne typiques des Marches], cuits au four à bois, le canard à l’étouffée, puis bien sûr le poulet rôti avec des pommes de terre, le rosbif et plein d’accompagnements d’herbes de campagne. C’était presque toujours une belle journée de printemps, où l’on pouvait vraiment sentir « l’amère odeur de l’aubépine » (allusion au poème « Novembre » de Giovanni Pascoli], l’air clair et frais dans une campagne encore non contaminée, la lumière radieuse de la Résurrection projetée dans le ciel bleu.

Pour nous, les enfants, le matin, dès notre arrivée, grand-mère nous donnait à chacun un œuf cuit, coloré en bleu ou en rose avec plein de points blancs. Puis, sur la table dressée dans la cour de la ferme, avec la nappe blanche brodée, la pizza de Pâques, qui chez nous n’est pas au fromage, mais douce et jaune foncé avec une croûte très sombre. Elle nous faisait également goûter une goutte de vin cuit. C’était la fête lumineuse de Notre Seigneur.

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