Dans l’imposante biographie de Peter Seewald « Benedikt XVI, Ein leben » sortie en mai 2020 (on ne sera pas étonné qu’il n’y ait à ce jour pas de traduction en français), le Saint-Père nous a offert des pistes pour déchiffrer les temps que nous vivons, où l’on reconnaît « l’esprit du mal » sous la forme du faux humanisme de l’Antéchrist. Paroles prophétiques (avec l’extraordinaire conférence de Subiaco, « L’Europe dans la crise des cultures« ), prononcée en avril 2005, juste avant la mort de Jean-Paul II) que Luisella Scrosatti a choisi de rappeler comme hommage d’anniversaire.

La dernière prophétie de Benoît XVI. L’humanisme de l’Antéchrist

Luisella Scrosati
La NBQ
16 avril 2021
Ma traduction

Le 94e anniversaire de Benoît XVI. Précisément en 2020, année où le monde a commencé à faire l’expérience de sa propre fragilité et de la tromperie de la fausse liberté, Benoît XVI indique au monde entier l’identité de l’Antéchrist, en décrivant ses deux caractéristiques fondamentales: le faux humanisme et l’exclusion sociale de ceux qui ne s’y soumettent pas.

La dernière interview de Benoît XVI, que Peter Seewald a placée à la fin de sa volumineuse biographie du pontife bavarois, a connu une diffusion immédiate, mais on l’a ensuite laissé s’éteindre, dans l’espoir qu’elle tombe dans l’oubli. Et pourtant, dans ses réponses calculées, Benoît XVI avait offert une clé d’interprétation cruciale pour notre époque. À beaucoup de questions de Seewald, le pape émérite avait décidé de ne pas répondre, car « traiter les arguments que vous soulevez dans certaines de vos questions conduit naturellement à traiter de la situation actuelle de l’Église » et donc à interférer « dans le fonctionnement du pontife actuel ».

Invité à donner son avis sur le refus de François de répondre aux fameux dubia des quatre cardinaux, Benoît XVI a de nouveau décliné l’invitation, choisissant toutefois cette fois de se « limiter » à rappeler la dernière audience générale du 27 février 2013:

Au milieu de tous les tourments qui affligent l’humanité et de la force inquiétante et destructrice de l’esprit du mal, dans l’Église on réussira toujours à reconnaître la force silencieuse de la bonté de Dieu.

L’esprit du mal est donc à l’œuvre à plein temps, pour détruire et perturber les hommes ; et il le fait en se cachant derrière une « dictature universelle d’idéologies apparemment humanistes, dont la contradiction entraîne l’exclusion du consensus de base de la société ». Parole de Benoît [voir sur ce site: La menace vient de la dictature universelle d’idéologies apparemment humanistes]. C’est avec une justification humaniste que les plus grandes abominations ont été réalisées dans un passé récent, comme à notre époque. Et c’est toujours au nom du nouvel humanisme sans Dieu – il est bon de le rappeler – que l’on nous enferme dans nos maisons, que l’on nous prive de la possibilité de travailler dignement, et que l’on nous oblige de plus en plus à être les cobayes des plus grands essais de vaccins de l’histoire. Oui, parce que Giuseppe Conte, le 29 août 2019, après avoir reçu le mandat de gouvernement, a indiqué précisément le nouvel humanisme comme l’horizon vers lequel orienter le pays. Le nouvel humanisme a été relancé quelques jours plus tard, le 12 septembre, par le pape François, dans son message de soutien au Global pact on Education.

Quelques mois plus tard, voilà qu’arrive la pandémie. Étrange coïncidence, étant donné qu’Edgar Morin, que Conte appelait « un penseur raffiné qui m’est très cher », dans son « must » Vers l’abîme? (Flammarion 2020), écrivait en toutes lettres qu’ « il faudrait une augmentation soudaine et terrible des dangers, l’avènement d’une catastrophe pour constituer l’électrochoc nécessaire à la prise de conscience et à la décision ». L’objectif? La naissance d’une Terre-Patrie, « une amplification des Nations unies, qui ne remplace pas les patries, mais les inclut ». Morin a compris que le plus grand obstacle à ce changement serait les peuples et les nations eux-mêmes, qui pourraient toutefois devenir particulièrement dociles lorsqu’ils comprendraient « la grandeur du défi. Bien que presque personne n’en soit encore conscient, il n’y a jamais eu de cause aussi grande, aussi noble, aussi nécessaire, que celle de l’humanité, pour, ensemble et inséparablement, survivre, vivre et s’humaniser ». Un cadre idéal approprié à la « responsabilité éthique » de certaines pratiques exotiques de confinement de la contagion de cette dernière année.

L’électrochoc est donc arrivé, comme une horloge, habilement orchestré par la communication qui compte, dont le pouvoir de persuasion n’a pas besoin d’être démontré, au point qu’aujourd’hui nous acceptons paisiblement qu’il puisse y avoir des personnes discriminées pour le fait, par exemple, de ne pas vouloir se faire vacciner, pour ne pas accepter que soit établi un passeport avec leurs données de santé (et pas seulement), sans lequel il deviendra impossible de se déplacer librement.

Mais une aide inattendue est aussi arrivée. En mai 2020, alors que le premier lockdown, qui avait littéralement paralysé le monde entier, était sur le point de se terminer, la biographie Benedikt XVI. Ein Leben (traduit en octobre également en italien), était publiée en Allemagne. Dans le dernier chapitre du livre, peu après les passages cités ci-dessus, on trouve une affirmation décisive:

La société moderne entend formuler un credo anti-chrétien: ceux qui le contestent sont punis d’une excommunication sociale. Avoir peur de cette puissance spirituelle de l’Antéchrist n’est que trop naturel, et il est en effet nécessaire que les prières de diocèses entiers et de l’Église mondiale viennent à la rescousse pour lui résister.

Précisément en 2020, année où le monde a commencé à faire l’expérience de sa propre fragilité et de la tromperie de la fausse liberté, Benoît XVI indique au monde entier l’identité de l’Antéchrist, en décrivant ses deux caractéristiques fondamentales: le faux humanisme et l’exclusion sociale de ceux qui ne s’y soumettent pas. Cette dernière sera la caractéristique qui permettra de reconnaître l’humanisme de l’Antéchrist; tout le monde, mais vraiment tout le monde, sans distinction de race, de religion et de classe sociale sera poussé à entrer aux noces de l’Antéchrist; une fraternité meilleure que celle que le Christ lui-même a pu réaliser. Mais ceux qui s’y opposent, ceux qui refusent de recevoir la marque de la bête sur leur main et leur front (cf. Apocalypse 13, 16-17), ne peuvent ni acheter ni vendre. Intelligenti pauca [«A ceux qui comprennent, peu de mots suffisent», ou si l’on veut « A bon entendeur, salut], ndt]

Le contenu de ce faux humanisme a déjà été décrit en 2005, à Subiaco (texte complet de la conférence en pdf: benoit-et-moi.fr/2014) :

La sécurité, dont nous avons besoin comme présupposé de notre liberté et de notre dignité, ne peut pas provenir en dernière analyse de systèmes techniques de contrôle, mais peut, en fait, naître uniquement de la force morale de l’homme : là où elle fait défaut ou n’est pas suffisante, le pouvoir que l’homme possède se transformera de plus en plus en un pouvoir de destruction.

Cette force morale n’a rien à voir avec ce « nouveau moralisme dont les mots clés sont justice, paix, préservation de la création ». Ni avec cet autre moralisme à la sauce chrétienne qui réduit « le cœur du message de Jésus, le ‘Royaume de Dieu’, aux ‘valeurs du Royaume’, identifiant ces valeurs aux grands mots d’ordre du moralisme politique, et les proclamant, en même temps, comme une synthèse des religions. Oubliant cependant, de cette manière, Dieu, alors qu’il est précisément le sujet et la cause du Royaume de Dieu ». Bref, pas vraiment fratelli tutti.

Le ciel fermé du faux humanisme ne peut être déchiré que par « Jésus-Christ, Fils de Dieu, donné par le Père à l’humanité pour en restaurer l’image défigurée par le péché, l’homme parfait, sur lequel se mesure le véritable humanisme », comme il l’enseignait déjà au début de son pontificat (Xe Session publique des Académies pontificales, 15 novembre 2005).

C’est au pape émérite, aujourd’hui âgé de 94 ans, qu’il est revenu d’indiquer l’avènement de l’Antéchrist et la « fin des temps » [Über das Ende der Zeit. Eine geschichtsphilosophische Meditation, 1950], selon le titre du livre du philosophe que Ratzinger estimait beaucoup, Josef Pieper. La fin des temps, dans l’analyse de Pieper, coïnciderait justement avec « la seigneurie de l’Antéchrist ».

C’est peut-être précisément pour cette raison que saint Malachie d’Armagh, dans sa prophétie sur les papes, le qualifie de Gloria olivae. Les deux témoins du chapitre 11 de l’Apocalypse, qui doivent remplir leur mission de prophètes jusqu’à ce qu’ils soient vaincus (momentanément) par la Bête qui monte de l’abîme, sont appelés précisément les deux oliviers. Et c’est lui, Benoît, qui est leur « gloire », un terme qui signifie renommée, et aussi littéralement « être entendu ».

Ad multos annos, Sainteté !

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