Selon ce qui est un peu plus qu’une rumeur, François – qui vient de nommer à la tête de la Congrégation pour le culte divin l’ « anti-Sarah ») s’apprête à franchir un pas de plus dans la liquidation de l’héritage de Benoît XVI (envers qui, pour donner le change, il n’épargne pas les flatteries et les gestes d’apparente cordialité), en soumettant le motu proprio libéralisant la dite « messe en latin » à des restrictions drastiques qui reviendraient à la faire retourner dans le ghetto dont elle était sortie en 2007. Mais qui y gagnerait? Très intéressant (et paradoxal seulement en apparence) commentaire d’Andrea Zambrano, attaché à l’ancien rite mais pas franchement en harmonie avec la FSSPX.

C’est évidemment une querelle dans laquelle je ne suis pas partie prenante, et que je n’ai aucun titre pour trancher (d’ailleurs qui suis-je pour juger??) mais je ne peux m’empêcher de me rappeler à quel point les disciples de Mgr Lefèbvre ont mené la vie dure à Benoît XVI, alors qu’ils sont aujourd’hui étonnamment patients avec François.

D’une certaine manière, le pontificat de Bergoglio convient aux lefebvristes car il ne les a jamais mis en difficulté comme cela s’est produit avec Benoît XVI et, dans leurs plans, cette limitation redoutée du motu proprio ne ferait qu’amener de nouveaux fidèles à Econe, ce qui est leur véritable objectif.

La nouvelle donnée par le site très informé « Messa in latino »

INFO : SUMMORUM PONTIFICUM, FRANÇOIS VEUT L’ABOLIR ! IL L’A DIT LORS DE LA PLÉNIÈRE DE LA CEI
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Il s’agit, pour l’instant, de nouvelles encore fragmentaires, provenant de nos multiples sources, épiscopales et au sein de la CEI, mais il semble qu’hier (24/5/2021) le Pape, s’adressant aux évêques italiens à l’ouverture des travaux de l’assemblée annuelle de la CEI (et lors d’une rencontre ultérieure avec un groupe d’entre eux), a annoncé la réforme imminente en pire du Motu proprio « Summorum Pontificum » (SP).
Après une énième mise en garde contre l’acceptation au séminaire de jeunes gens « rigides » (c’est-à-dire fidèles à la doctrine), François a annoncé aux évêques qu’il était parvenu à la troisième mouture d’un texte qui contient des mesures restrictives concernant la célébration par les prêtres catholiques de la messe dans la forme extra-ordinaire libéralisée par Benoît XVI, lequel selon lui voulait avec Summorum Pontificum aller à la rencontre des seuls lefebvristes, – alors qu’aujourd’hui ce sont surtout les jeunes prêtres qui veulent célébrer la messe tridentine, parfois même sans connaître le latin.

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À cet égard, il a raconté l’histoire d’un évêque auquel un jeune prêtre s’était adressé pour exprimer son intention de célébrer sous la forme extraordinaire. A la question de savoir s’il connaissait le latin, le jeune prêtre lui a répondu qu’il l’apprenait. L’évêque lui a répondu qu’il serait préférable qu’il apprenne l’espagnol ou le vietnamien, car il y avait beaucoup d’Hispaniques et de Vietnamiens dans le diocèse.

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Pour autant qu’on comprenne, il y aurait un retour à l’indult – avec autorisation préalable de l’évêque, voire du Vatican – avec tout ce qui s’ensuivrait et qui est une réintroduction de l’interdiction de célébrer selon le Missel de Saint Jean XXIII, de nombreux refus d’autorisations et la ghettoïsation pratique des prêtres et des fidèles attachés à l’ancien rite. Après Moïse le libérateur, Pharaon reviendrait.

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La croyance selon laquelle Summorum Pontifucum a été rédigé uniquement pour tendre la main aux lefebvristes est infondée et fausse : non seulement parce que cela ressort clairement du texte du Motu proprio (et d’Universae Ecclesiae [lettre apostolique de Benoît XVI, en 2011, « instruction pour l’application de SP »)), mais aussi parce que Benoît XVI lui-même le dit expressément, dans le livre « Dernières conversations »: la réhabilitation de l’ancienne Messe avec Summorum Pontificum ne doit absolument pas être comprise comme une concession à la FSSPX, mais comme un moyen pour l’ensemble de « l’Eglise de préserver la continuité interne avec son passé. Ce qui était sacré avant ne doit pas devenir mauvais d’un moment à l’autre. Aujourd’hui, il n’y a pas un autre messe. Il n’y a que des formes différentes du même rite ».
Un prêtre nous a dit à ce propos : « Il ne me semble pas étrange que les évêques attaquent Summorum Pontificum : au fond, le problème de l’ancienne liturgie est le problème le plus grave, le plus sérieux et le plus actuel de l’Église ».

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S’ils sont déjà arrivés au troisième projet, cela signifie qu’ils travaillent sérieusement (et depuis un certain temps) à limiter et – en fait – à annuler Summorum Pontificum. Il y a donc vraiment lieu de s’inquiéter et de prier: Benoît XVI aura-t-il son mot à dire?

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http://blog.messainlatino.it/2021/05/news-summorum-pontificum-francesco.html

Messe antique, « assist » du pape aux extrémistes et aux lefebvristes

Andrea Zambrano
La NBQ
29 mai 2021
Ma traduction

Les rumeurs d’une revue à la baisse de Summorum Pontificum s’intensifient, mais à qui profiterait-elle? Aux extrémistes des deux côtés, au cléricalisme épiscopal, et aux lefebvristes, qui deviendraient les seuls dépositaires de la tradition et qui se sont toujours opposés au motu proprio de Benoît XVI sur la messe en latin. Mais en 14 ans, elle a eu un mérite: montrer que la tradition est un droit et peut vivre en équilibre au sein de l’Eglise.

Si le pape François devait réellement procéder à une révision de Summorum Pontificum, liant la célébration de la messe dans la forme extraordinaire à un feu vert épiscopal qui bénéficierait de cette restriction ?

Il faut poser la question pour réaliser que les destinataires d’une telle mesure, qui serait un coup de tonnerre étant donné que Bergoglio toucherait à un motu proprio de son prédécesseur encore vivant, ne sont pas, comme on l’a dit superficiellement, les lefebvristes. En effet, les lefebvristes auraient tout à gagner d’un coup d’arrêt à la libéralisation du motu proprio qui autorise la « messe en latin ». A Econe, ils n’ont jamais digéré Summorum Pontificum et la codification faite par Benoît XVI de l’existence d’un rite unique, divisé entre forme ordinaire et forme extraordinaire. Pour la Fraternité Saint Pie X, il s’agit d’une distinction qui ne peut être faite : les deux messes sont par essence deux rites différents. Dès lors, ce virage supposé de François ne peut que les réjouir car ils deviendraient les seuls dépositaires de la tradition.

Bergoglio le sait et, d’une certaine manière, s’en accommode puisque, dans l’esprit du pontife argentin, traditionalisme rime avec rigidité. Mais il le tolère, tout comme on tolère les dérives schismatiques des diocèses allemands aujourd’hui protestantisés, le culte « catholicisé » du Pachamame et de ses dérivés en Amazonie, et tout comme on tolère la situation chinoise d’une Église d’État désormais acceptée.

La tradition, étiquetée avec mépris comme traditionalisme, est un excès, une hyperbole, un héritage du passé à reléguer dans une enceinte « protégée », contrôlée et limitée. Cela convient à Bergoglio et cela convient aux disciples d’Econe. Pour simplifier un peu et en utilisant grossièrement des catégories politiques: avec une intervention restrictive contre Summorum Pontificum, Bergoglio rendrait idéologiquement heureuse l’aile gauche de l’Église, mais d’un point de vue pratique favoriserait l’ « extrême droite », les lefevbristes n’ayant jamais digéré le dédédouanement de la messe en latin, car Summorum Pontificum contient aussi la forme ordinaire, la messe de saint Paul VI tant contestée, qui dans leur schéma s’oppose à la messe tridentine. Et cela, ils ne l’accepteront jamais.

D’une certaine manière, le pontificat de Bergoglio convient aux lefebvristes car il ne les a jamais mis en difficulté comme cela s’est produit avec Benoît XVI et, dans leurs plans, cette limitation redoutée du motu proprio ne ferait qu’amener de nouveaux fidèles à Econe, ce qui est leur véritable objectif.

Alors que Summorum pontificum du Pape Ratzinger, même avec toutes ses limites, a établi un nouvel équilibre en montrant clairement qu’il est possible de vivre le droit à la forme traditionnelle dans le cadre des canons de l’Eglise catholique, sans le vivre en contradiction avec la Messe novus ordo mais dans une perspective – bien que difficile – d’enrichissement mutuel. Mgr Marcel Lefebvre a le mérite historique d’avoir gardé (comme aurait dit Guareschi) la graine de la tradition. Mais après le déluge, cette graine a dû être réensemencée dans le champ et le champ, toujours pour parler comme Guareschi, était le même qu’avant. Le motu proprio a réalisé cela, et a permis cet ensemencement.

Mais surtout il a fait fleurir dans les paroisses des groupes de fidèles parfaitement à l’aise avec l’ancienne forme de la messe, mais pas du tout enclins à céder sur l’efficacité de la nouvelle, dans un printemps de vocations, d’intérêts, de redécouvertes et de fruits spirituels que les seuls qui ne peuvent comprendre sont ceux qui ne veulent pas reconnaître la fraîcheur des groupes stables, fréquentés pour la plupart par des fidèles d’une moyenne d’âge de 40 ans, actifs et engagés dans l’Église. Des fidèles qui assistent à la messe de tous les temps, qui a nourri la foi millénaire, mais qui ne souffrent pas du complexe de se sentir accusés d’être des parias.

Si le document limitant l’ancienne messe dont on parle avec insistance dans les cercles proches du coetus fidelium [assemblée de fidèles] des groupes stables et confirmé par des sources de presse de plus en plus nombreuses est en préparation, François ira remettre aux lefebvristes le contenant de la tradition, en renvoyant la messe en latin dans les ghettos et en plaçant ainsi de force des milliers de fidèles en communion avec Rome devant un choix douloureux et absurde. Ce n’est pas par hasard que des sites proches de la Fraternité Saint Pie X comme Radio Spada ont accueilli les rumeurs avec suffisance et satisfaction, confirmant ce qui pour eux est le malentendu du moment.

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