Le 18 juin 2020, il y a presque un an, Benoît XVI se rendait en Bavière pour une ultime rencontre sur cette terre avec son frère Georg, qui devait s’éteindre paisiblement peu de temps après, le 1er juillet, à 96 ans (voir dossier sur ce site). A l’occasion de ce premier anniversaire, Mgr Gänswein et Christian Schaller (vice-directeur de l’Institut Papst Benedikt XVI de Ratisbonne, et lauréat du Prix Ratzinger en 2013) ont publié un livre d’hommages, présenté ici par Elio Guerriero, lui-même auteur d’une biographie de Benoît XVI « Serviteur de dieu et de l’humanité ».

L’héritage des frères Ratzinger pour renaître après la pandémie

Elio Guerriero
Il Sussidiario
10 juin 2021
Ma traduction

Un livre dédié à Georg Ratzinger, frère aîné de Benoît XVI décédé il y a un an, vient d’être publié en Allemagne sous le titre Ein Priester im Dienst an der Musica Sacra: Zum Gedenken an Domkapellmeister Georg Ratzinger (« Un prêtre au service de la musique sacrée: en mémoire du Directeur du chœur de la cathédrale Georg Ratzinger ») [en réalité, le livre est sorti en décembre dernier, ndt]

Il y a un peu moins d’un an, l’opinion publique mondiale a été surprise par la décision de Benoît XVI de rendre visite à son frère aîné Georg, gravement malade. Pour certains, même, la vision du frêle pontife émérite, assis dans un fauteuil roulant et soulevé par un élévateur pour entrer dans l’avion pour l’Allemagne, évoquait un risque inutile qu’il fallait éviter.

Pour le pape Benoît, cependant, cette visite était une nécessité intérieure à laquelle il ne pouvait échapper.

Je suis reconnaissant d’avoir eu l’occasion d’être avec lui une fois de plus dans les derniers jours de sa vie. Il ne m’a pas demandé de lui rendre visite. J’ai cependant senti que le moment était venu pour moi de lui rendre visite une fois de plus. Je suis profondément reconnaissant pour ce signe intérieur que le Seigneur m’a donné. Lorsque j’ai pris congé de lui le matin du 22 juin, nous savions tous deux que cette séparation serait définitive dans ce monde. Mais nous savions aussi que le bon Dieu, qui nous a fait le don de pouvoir être ensemble dans ce monde, est aussi le Seigneur de l’autre monde et nous donnera la possibilité d’y être ensemble aussi

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Message lu par Mgr Gänswein, en larmes, au cours de la messe de funérailles: https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/07/08/ladieu-de-benoit-xvi-a-son-frere/

Comme on le sait, Mgr Georg Ratzinger est décédé quelques jours après la visite de son frère, le 1er juillet suivant.

Un an plus tard, un ouvrage commémoratif intitulé Ein Priester im Dienst an der Musica Sacra: Zum Gedenken an Domkapellmeister Georg Ratzinger est publié en Allemagne.

Ce qui explique la profondeur de l’amour qui a maintenu les deux frères unis pour la vie, c’est d’abord l’idée de service mûrie pendant les années du séminaire et l’opposition commune au nazisme. Là, où un pouvoir fou voulait créer un nouveau monde dominé par la haine et l’abus de pouvoir, les deux frères ont développé ensemble la vocation au sacerdoce, compris comme service de leurs frères dans la foi, comme amour de la catholicité de l’Église qui, comme le dit saint Pierre dans les Actes des Apôtres, ne fait aucune distinction entre les personnes et les peuples, mais les accueille tous avec une égale ouverture et générosité dans l’amour reçu du Christ.

Le cardinal Ratzinger écrivait en 1994 dans un article publié dans un volume consacré à son frère, qui après trente ans quittait la direction des célèbres Passeri di Regensburg, le chœur de la cathédrale de la ville sur le Danube : « Dans le vent contraire de l’histoire, dans l’expérience d’une idéologie dépourvue de sens artistique et anti-chrétienne, de sa brutalité et de son vide intérieur, une constance d’âme et une fermeté ont pris forme qui lui ont donné la force de parcourir le chemin à venir ».

Le service de Georg Ratzinger s’est ensuite concrétisé dans sa brillante carrière musicale. Prêtre et musicien, appelé à diriger l’un des chœurs les plus prestigieux d’Allemagne, Georg s’est également révélé être un pédagogue exceptionnel. Sous sa direction, la réputation du chœur de la cathédrale de Ratisbonne n’a cessé de croître, tandis que son art a non seulement formé d’excellents musiciens, mais a également éduqué le caractère de ses élèves et renforcé la foi de nombreux mélomanes. Les deux vocations, sacerdotale et musicale, ont ainsi fusionné dans l’unité, portant de nombreux fruits.

Monseigneur Georg était également un compositeur de talent, comme en témoignent ses nombreux enregistrements pour des maisons de disques renommées. Enfin, il convient de souligner, comme l’a fait l’évêque de Ratisbonne, Mgr Rudolf Voderholzer [Cf. Le pélerinage de Benoît XVI], dans son homélie lors de la messe de funérailles, que « la qualité artistique de la musique et sa dimension spirituelle non seulement ne s’excluent pas, mais se développent ensemble ».

Plus généralement, Mgr Georg Ratzinger a maintenu vivante la relation entre l’Église, l’art et la culture et laisse un témoignage qui doit être repris et transmis aux générations futures. Ce n’est qu’ainsi qu’un nouvel humanisme pour le troisième millénaire peut être mis en marche, comme le soutenait son frère cadet dans l’un de ses plus beaux discours au Collège des Bernardins à Paris. La recherche de l’art et de la beauté, en effet, est un choc salutaire qui fait sortir l’homme de lui-même, l’arrache à la résignation, à l’accommodement du quotidien, et le réveille ainsi à l’espoir, aux valeurs de l’absolu.

C’est l’héritage commun des deux frères Ratzinger, un cadeau précieux pour un nouveau départ d’espoir et de beauté après le temps de la pandémie.

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