Au moment où le « président » Biden, celui qui se dit « catholique » quand ça l’arrange mais se moque ouvertement de l’enseignement moral de l’Eglise, est en « tournée » en Europe pour compter ses troupes, et où l’annonce de sa visite au pape fait l’objet de rumeurs contradictoires, les évêques américains entament une rencontre pour se mettre d’accord sur une ligne à tenir face aux politiciens pro-choice qui réclament ostensiblement la communion. Et comme souvent, François, en maître du double discours a envoyé un signal juste suffisant pour semer le doute lors de l’angelus de dimanche. Explications de Luisella Scrosatti.

En 2004, alors que le candidat démocrate à la Maison Blanche était le « catholique » John Kerry, la question de la communion aux hommes politiques « pro-choice » avait déjà fait débat au sein de l’épiccopat américain, les cardinaux Burke et Chaput défendant une « ligne dure » et le cardinal Ratzinger, alors préfet de la CDF, leur avait transmis une note contenant les « principes généraux » sur la question.
Curieusement, on ne trouve pas trace de cette note dans les documents de la CDF mis en ligne sur le site du Vatican, Sandro Magister expliquait alors:

La note de Ratzinger était confidentielle, mais www.chiesa l’a publiée dans son intégralité. Elle donnait raison aux évêques intransigeants comme Burke et Chaput.

Autrement dit, sans l’autorité de la star des vaticanistes, on n’en aurait pas eu connaissance (on la trouvera en effet sur www.chiesa, et je l’ai reproduite en annexe ici: Communion aux politiciens pro-avortement: Rome botte à nouveau en touche)

Aujourd’hui, comme on le sait, la question revient sur le tapis, avec un nouveau président des Etats-Unis qui se prétend catholique, quasiment un pilier de sacristie (quand cela l’arrange) mais qui se moque ouvertement de l’enseignement moral de l’Eglise.
Alors que les évêques américains entament une rencontre pour se mettre d’accord sur une ligne à suivre, des signaux contradictoires arrivent de Rome.

L’offensive pro-communion à Biden

Luisella Scrosatti
La NBQ
16 juin 2021
Ma traduction

C’est aujourd’hui que commence la rencontre des évêques américains visant à définir une ligne commune sur l’Eucharistie pour les politiciens pro-avortement mais selon le New York Times, le Vatican a déjà décidé de l’issue. Spadaro et le NYT se contredisent, en fournissant des « motivations » politiques par rapport à une question qui concerne le cœur de la foi. Et qui est bien défini tant par le droit canonique que par la note de Ratzinger de 2004 : l’Eucharistie doit être refusée à ceux qui sont en état de péché grave et manifeste.

Jason Horowitz a rendu son verdict depuis les nobles colonnes du New York Times (voir ici): le Vatican a déjà tranché la question de la communion aux politiciens qui soutiennent la législation pro-avortement. Il n’y a pas de péché qui exclut de recevoir l’Eucharistie : François docet. L’argumentum ab auctoritate se trouve dans les paroles de l’Angélus prononcé par le Pontife le 6 juin dernier :

Quand nous recevons l’Eucharistie, Jésus […] nous connaît, sait que nous sommes pécheurs, sait que nous commettons beaucoup d’erreurs, mais il ne renonce pas à unir sa vie à la nôtre. Il sait que nous en avons besoin, car l’Eucharistie n’est pas la récompense des saints, non, c’est le Pain des pécheurs. C’est pourquoi il nous exhorte : « N’ayez pas peur ! Prenez et mangez »

A vrai dire, c’est un refrain du pontificat, mais s’être rafraîchi la mémoire le jour de la Fête-Dieu, aux portes du débat interne de la Conférence épiscopale des Etats-Unis, était particulièrement « providentiel » pour Horowitz.

Selon le journal américain, « le Vatican a mis en garde les évêques américains conservateurs afin qu’ils freinent leur pression pour refuser la communion aux politiciens qui soutiennent le droit à l’avortement, y compris le président Biden, fidèle pratiquant et le premier catholique romain à occuper le bureau ovale depuis 60 ans ».
Pourtant, ajoute le NYT, « malgré le signal d’arrêt public de Rome, les évêques américains persistent et devraient imposer le débat sur la communion lors de la réunion tenue à distance mercredi. » Donc aujourd’hui.

Outre la sortie discutable, mais malgré tout générique, du pape François, les autres signaux faisant autorité sont venus de l’omniprésent Antonio Spadaro et du cardinal Luis Ladaria. Ce dernier, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avait envoyé un message pour le moins ambigu dans une lettre datée du 7 mai 2021, dans laquelle il se limitait à donner des indications de procédure aux évêques américains et s’écartait de façon flagrante de la ligne clairement indiquée par Ratzinger/Benoît XVI, sur la spécificité des principes non négociables.

Spadaro, quant à lui, adopte le ton journalistique : « Le souci du Vatican est que l’admission à l’Eucharistie ne soit pas utilisée comme une arme politique ». Le New York Times saisit immédiatement la balle au bond et pose le cadre dans lequel elle doit être encadrée éditorialement: « Certains évêques éminents, dont les priorités sont clairement alignées avec l’ancien président Donald J. Trump, veulent à présent répéter la centralité de l’opposition à l’avortement dans la foi catholique et adopter une ligne dure ».

La dignité de l’Eucharistie ? La nécessité de ne pas scandaliser les fidèles ? Un simple prétexte. Ces évêques conservateurs seraient en fait tellement pro-Trump qu’ils ne freineraient même pas face au risque de « briser la façade de l’unité avec Rome, de souligner la polarisation politique au sein de l’église américaine et de créer ce que les historiens de l’église considèrent comme un dangereux précédent pour les conférences épiscopales du monde entier. »

Il ne faudrait pas que sous d’autres latitudes, on commence à refuser la communion à cause d’un simple avortement… Pas mal : pour que l’admission à l’Eucharistie ne devienne pas une question politique, on donne des « motivations » de nature exclusivement politique.

Le Corriere della Sera a préféré s’aventurer sur les chemins d’ordre sacramentel et canonique, écartant hâtivement le canon 915 comme une « formulation […] suffisamment élastique pour permettre différentes interprétations au cours du temps ». En vérité, Gian Guido Vecchi [le vaticaniste du Corriere] néglige le fait que le canon est tout à fait précis, car il définit avec une extrême clarté les catégories de personnes qui ne peuvent pas être admises à la Communion : tous ceux qui sont soumis à la censure ferendae sententiae et latae sententiae d’excommunication ou d’interdiction [voir explication wikipedia]; et ceux qui « persévèrent obstinément dans le péché grave et manifeste » (can. 915). Deux adjectifs et un adverbe qui disent tout. S’il n’est peut-être pas immédiatement évident qu’un homme politique qui encourage l’avortement par le biais de la législation entre dans la catégorie concernée par l’excommunication latae sententiae prévue par le can. 1398, il ne fait aucun doute en revanche qu’il entre dans la catégorie de ceux qui se trouvent dans une situation de péché grave et manifeste ; ils doivent donc être rappelés et corrigés, comme l’expliquait le préfet de la CDF d’alors, le cardinal Joseph Ratzinger, dans la note envoyée au cardinal Theodore E. McCarrick et à l’archevêque Wilton Gregory, à l’époque respectivement archevêque de Washington et président de la conférence épiscopale des Etats-Unis, en juin 2004:

Concernant le péché grave d’avortement ou d’euthanasie, quand la coopération formelle d’une personne devient manifeste (ce qui, dans le cas d’un homme politique catholique, s’entend par le fait de faire régulièrement campagne pour des lois permissives en matière d’avortement et d’euthanasie), son pasteur devrait s’entretenir avec lui pour l’informer de l’enseignement de l’Église, l’informer qu’il ne doit pas se présenter pour recevoir la sainte communion tant qu’il ne met pas fin à sa situation de péché objective et l’avertir qu’autrement, on lui refusera l’Eucharistie.
Quand « ces précautions n’ont pas eu d’effet ou non pas été possibles » et que la personne en question, avec une persistance obstinée, se présente malgré tout pour recevoir la sainte communion, « le ministre de la distribution de la communion doit se refuser de la donner » (cf. Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs, « Déclaration sur la communion pour les personnes divorcées et remariées [24 juin 2000] », nos 3-4).
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https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2021/05/12/communion-aux-politiciens-pro-avortement-rome-botte-a-nouveau-en-touche/, Annexe

Des indications claires et précises qui, toutefois, selon Gian Guido Vecchi, étant donné que « le Magistère de l’Église change et évolue dans le temps », auraient été supplantées par la « profonde articulation théologique et canonique » d’affirmations telles que: « Qui suis-je ? Je suis un pécheur que le Seigneur a regardé » ; ou par des déclarations « inclusives »comme celle d’Amoris Laetitia : « Il s’agit d’intégrer tout le monde, il faut aider chaque personne à trouver sa propre manière de participer à la communauté ecclésiale' ».

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