Si, comme les rumeurs le laissent entendre (mais les rumeurs, savamment « fuitées » par qui de droit, sont peut-être des ballons d’essai lancés pour tester les réactions des fidèles) le motu proprio de Benoît XVI venait à être vidé de son contenu, ce serait un coup bas pour la liturgie, mais surtout pour l’autorité. Y compris l’autorité suprême, celle du Pape. Réflexion d’un salésien italien, don Marco Begato, reprise par AM Valli.

Devant une dévaluation d’un motu proprio, ne risque-t-on pas d’enlever du crédit aux interventions du Pape en tant que telles ? Ne risque-t-on pas de donner l’impression que les interventions directes du Pape sont très sujettes au doute, valables pour quelques décennies tout au plus, bonnes à être retoquées ?

Don Begato

La revue à la baisse de « Summorum Pontificum » et le problème de l’autorité

Don Marco Begato
(via Duc in Altum)
20 juin 2021
Ma traduction

Selon les dernières nouvelles en provenance du monde liturgique, un document qui supprimerait, ou du moins redimensionnerait, la portée du motu proprio Summorum Pontificum serait sur le point d’être publié.

Cette rumeur a suscité plus d’une appréhension, surtout dans les diocèses (et donc dans la majorité des diocèses italiens) où la défense de la célébration Vetus Ordo ne trouve de protection que dans Summorum Pontificum et certainement pas dans le dialogue avec les Pasteurs.

En défense du statu quo, deux princes de l’Eglise se sont exprimés, en la personne du Cardinal Müller et du Cardinal Zen.

Mon commentaire d’aujourd’hui attire l’attention sur le problème de l’autorité.

Ma thèse est qu’une décision portant tort à Summorum Pontificumsurtout si elle est prise alors que Benoît XVI est encore en vie – serait un coup bas pour la liturgie, mais surtout un coup dur pour l’autorité.

La question que je me pose est de savoir quelle valeur il faudrait accorder à un document qui, en l’espace de quelques décennies, serait retourné comme une chaussette. Bien peu, je dirais. Mais la valeur du document dans notre cas dit aussi la valeur de son auteur, et puisqu’un motu proprio est une intervention éminente et autonome du Souverain Pontife, il dit la valeur des déclarations pontificales et de leur rapport avec l’épiscopat (par exemple avec la disposition d’un épiscopat à obéir à un motu proprio). Et donc, devant une dévaluation d’un motu proprio, ne risquerait-on pas d’enlever du crédit aux interventions du Pape en tant que telles ? Ne risquerait-on pas de donner l’impression que les interventions directes du Pape sont très douteuses, valables pour quelques décennies tout au plus, bonnes à être retoquées ?

C’est en ce sens que toucher à Summorum Pontificum reviendrait à mes yeux à toucher à la crédibilité même du Pontife et de la hiérarchie, à toucher à leur autorité. Et cela, je le dis non pas pour exprimer un sentiment psychologique personnel de confiance trahie, mais pour mettre en évidence un état de confusion radical et objectif que l’Anti-Summorum attribuerait ipso facto aux plus hautes charges.

Le raisonnement est aussi simple que désarmant : si les dirigeants ne sont pas clairs sur ce qu’ils veulent faire et pourquoi, s’ils agissent pour des équilibres curiaux changeants ou des modes sociales et non selon des présupposés théologiques définis et stables, pourquoi devrions-nous leur obéir ? Je veux dire, sur la base de quels présupposés devrions-nous leur obéir ? A quelles conditions ? Mieux encore, à quoi devrions-nous obéir ? A l’écrit changeant? A l’intention qui a fuité à travers les journaux les journaux ? Aux déclarations des pasteurs à la télévision ? Au Pape 1 ou au Pape 2 ? A l’évêque qui suit la lettre ou à l’évêque de l’esprit ? Pour la mode ou pour la commodité ? Au premier ou au second lustre ?

Je le répète, ma réaction n’est pas une réaction psychologique, mais une sérieuse difficulté déontologique. Je suis tenu d’obéir à ceux qui me montrent certainement la volonté de Dieu, mais une communauté ecclésiale qui est confuse, qui change continuellement ses exigences, qui fournit de moins en moins d’explications théologiques, qui tend à ne pas répondre ou à éluder les doutes soulevés, qui, dans le millénaire de la liberté et dans l’Église postconciliaire enfin libérée des légalismes, pousse à une obéissance intransigeante, en quoi une telle réalité peut-elle être dite crédible et fiable ? En quoi doit-on le croire et le suivre ? Pour combien de temps ? Avec quels critères ? Quel sérieux faut-il lui accorder ? Dans quelle mesure puis-je l’interpréter et le réinterpréter à ma guise ? Qui détermine cela ?

Ce sont des questions vraiment ouvertes, auxquelles, aujourd’hui encore, je ne sais pas répondre. Lorsque Summorum aura été châtié, une réponse définitive deviendra encore plus difficile pour moi, car donner de la crédibilité aux autorités sera par définition un pari, une roulette, un jeu. Et d’ailleurs de moins en moins divertissant et de plus en plus risqué.

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