Pourquoi l’horloge de l’Eglise ne peut pas remonter le temps…

Que se passera-t-il quand ce pontificat prendra fin? Le blog argentin The Wanderer explore des pistes. Mais au-delà des projections dans le futur, toujours hasardeuses, une chose, selon lui est certaine: le pontificat de François aura le mérité d’avoir définitivement mis au jour l’échec de Vatican II – un échec qui en réalité remonte à bien plus loin que son élection. Le retour au statu quo ante étant impossible – toujours selon lui – il ne reste aux fidèles qu’à enterrer – discrètement – le funeste Concile, et organiser, chacun à son niveau, « des actions discrètes et planifiées » pour préparer l’avenir.

Original en italien: http://caminante-wanderer.blogspot.com/2021/07/la-era-postbergoglio.html
Ma traduction d’après la traduction en italien d’Aldo Maria Valli

Comme l’affirment déjà de nombreux médias catholiques de différentes tendances, il ne fait aucun doute que nous sommes face à un pontificat fini, qui laisse à une Église mourante le soin de témoigner de la pierre tombale sous laquelle sera définitivement enterrée l’expérience commencée dans les années 60 avec le Concile Vatican II. On ne pouvait pas s’attendre à autre chose de la part de Bergoglio, que nous, Argentins, connaissions très bien en tant qu’archevêque de Buenos Aires.

Face à un tel désastre, paradoxalement, je pense que nous devons rendre grâce à Dieu, car c’est le moyen le plus efficace de convaincre tout le monde que l’Église conciliaire a échoué. Ce serait une grave erreur de supposer que la crise actuelle est l’œuvre de François, qui s’est limité à poursuivre, de manière brutale et vulgaire, ce que Paul VI et Jean-Paul II avaient commencé. N’oublions pas Montini se jetant aux pieds d’un archevêque orthodoxe en 1975 ou Wojtyla organisant les ravages d’Assise en 1986, pour ne citer que quelques exemples. Le problème n’est pas Bergoglio ; le problème est Vatican II, qui a causé des ravages sans précédent dans l’Église catholique. Et les tentatives ultérieures de la sauver par une « herméneutique de la continuité », c’est-à-dire la promotion de la « réforme de la réforme » promue par Benoît XVI, ont échoué.

C’est précisément pour cette raison que le pape François s’est comporté comme un grand immunisateur, c’est-à-dire comme un vaccin capable de neutraliser tout variant progressiste à l’avenir, puisque nous savons déjà comment cela se terminera ; le pape argentin a « brûlé » le progressisme, il a révélé en quoi consiste l’expérience d’assimilation de l’Église au monde avec ses ouvertures et ses ponts : en une Église fanée, en un sel qui a perdu sa saveur, en une terre de désolation où les courants d’un vent glacial soufflent sur les ruines de couvents vides, d’écoles et d’universités catholiques qui ne le sont plus, de cérémonies vulgaires qui prétendent être sacrées et d’une caste sacerdotale vouée aux vices les plus abjects et les plus méprisables.

Il s’agit, je pense, d’une situation évidente que seul le progressiste le plus aveugle ou le plus stupide peut nier. Il faut le dire et le redire : Vatican II a été un échec et il est inutile de continuer à faire semblant de l’appliquer et de continuer à en respirer l’esprit qui, au lieu d’être un air sain et renouvelé, s’est révélé être du gaz moutarde. Je n’exige pas, bien sûr, que tous les documents soient brûlés lors d’une cérémonie solennelle sur la place Saint-Pierre. La meilleure chose à faire avec eux est de se taire, de les laisser tomber dans l’oubli.

Mais cette situation soulève une grande question : que se passera-t-il dans l’ère post-Bergoglio, qui sera aussi l’ère post-Vatican II ? L’indication des secteurs les plus traditionalistes sera certainement de revenir à ce que l’Église était avant les années 1960, une position à laquelle j’ai deux objections. La première est que l’Église a connu de nombreux problèmes graves et qu’il est insensé de prétendre refaire la cuisine dans la même soupe. Et on peut le dire avec certitude parce que ce sont précisément les dirigeants de cette Église qui nous ont embarqués dans cette catastrophe. Ceux qui ont levé la main avec joie, et applaudi avec fureur aux propositions préparées par Congar ou Rahner et présentées dans la salle du Conseil par le petit club des évêques progressistes, étaient plus de trois mille prélats du monde entier formés par cette Église que beaucoup voudraient revoir aujourd’hui. L’apparition de telles absurdités est un signe clair que quelque chose d’important ne fonctionnait pas. Nous avons déjà longuement discuté de ce sujet sur le blog, et tous ceux qui veulent faire le point sur l’état de cette Église en décomposition peuvent lire le court mais brillant ouvrage de Louis Bouyer, La décomposition du catholicisme.

Ma deuxième objection à la prétention de faire revenir en arrière l’horloge de l’Église vient de la leçon que nous donne l’histoire : une fois que les catastrophes qui anéantissent les sociétés humaines sont terminées, il est impossible de revenir au statu quo ante. Après les guerres de religion, la paix de Westphalie du XVIIe siècle a dû dessiner une nouvelle carte et l’Europe n’est pas redevenue ce qu’elle était depuis près de mille ans. Après les guerres napoléoniennes, même de plein gré et avec des personnalités conservatrices comme von Metternich et Castlereagh, le Congrès de Vienne n’a pas réussi à revenir à l’Europe qui existait avant la Révolution française et les raids ultérieurs du Corse. Et le traité de Versailles, après la première guerre mondiale, avec l’aide de l’incapacité de ses protagonistes, en particulier le président Wilson, a détruit l’Europe traditionnelle, la remplaçant par un puzzle rationaliste qui n’a duré que quelques décennies.

L’Église, à la mort de Bergoglio, ne célébrera pas une conférence de la paix, mais un conclave, dont bien peu osent présager quoi que ce soit de bon, puisque ses protagonistes seront, pour la plupart, des cardinaux choisis par le pape défunt et créés à son image et à sa ressemblance, c’est-à-dire médiocres et incompétents. Cependant, la proximité de l’abîme peut les faire reculer. Mais reculer où ? Comment peut-on faire marche arrière dans des situations comme celle-ci ? Quel est l’objectif à fixer et comment y parvenir ? Le prochain pape devra être, en plus d’un saint, un homme d’une prudence raffinée, un stratège et un exécutant au tempérament de neurochirurgien.

Qui vivra verra, mais ce qui est notre devoir en ce moment – et j’insiste sur les heures cruciales que nous traversons, dont on nous demandera des comptes – c’est de prévoir quelles positions et quels bastions nous occuperons. Et dans ce panorama, chacun a des responsabilités : dans une mesure plus ou moins grande, nous sommes tous responsables. Les cardinaux qui conservent encore la foi catholique, ou les supérieurs des quelques congrégations et instituts religieux véritablement catholiques qui existent encore, n’auront pas le même rôle que les simples curés, ni celui des fidèles.

En parlant de la nécessité d’occuper des places fortes et de défendre des positions, je n’ai pas l’intention d’encourager les fantasmes militaristes ou de promouvoir des discours grandiloquents pour défendre la tradition. Tout cela a déjà suffisamment démontré que cela ne fonctionne pas dans les circonstances actuelles. Au contraire, ce qui s’est avéré vraiment efficace pour préserver et gagner des positions, ce sont les actions discrètes et planifiées qui évitent d’inutiles conflits sans renoncer à un seul iota des principes non négociables.

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