Derrière les sourires de circonstance, les démonstration d’affection et les salamalecs pour la galerie, le Pape actuel cachait bien une solide aversion pour son prédécesseur, et la volonté tenace de détruire son œuvre. Avec le dernier Motu proprio, c’est chose faite et il laisse tomber le masque ( si l’on peut dire). L’a-t-il fait maintenant en urgence parce qu’il sait que ses jours – terrestres, ou comme Pape – sont comptés? En tout cas, Traditionis custodes est un désaveu cinglant et une énorme gifle pour Benoît XVI, de son vivant. C’est ce que met bien en évidence cet article de Luisella Scrosatti.

La lettre d’accompagnement portant la signature de François, adressée aux évêques (traduction en français ici: fr.zenit.org) est un sommet d’impudence et d’hypocrisie, qui culmine dans ce passage:

C’est pour défendre l’unité du Corps du Christ que je me vois contraint de révoquer la faculté accordée par mes prédécesseurs. L’usage déformé qui en a été fait est contraire aux motifs qui les ont conduits à leur accorder la liberté de célébrer la messe avec le Missale Romanum de 1962.

jusqu’à la conclusion impitoyable:

Répondant à vos demandes, je prends la ferme décision d’abroger toutes les normes, les instructions, les concessions et habitudes antérieures au Motu Proprio actuel, et de considérer les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, comme la seule expression de la lex orandi du Rite Romain. 

Le Pape décrète la condamnation à mort de l’ancienne Messe

Luisella Scrosatti
La NBQ
17 juillet 2021
Ma traduction

Avec le Motu Proprio Traditionis Custodes, publié hier, le pape François démolit ce que Benoît XVI avait voulu avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, qui reconnaissait la légitimité et la beauté de la forme liturgique « ancienne ». Maintenant, ceux qui assistent à l’ancienne messe sont méprisés, réduits à un ghetto, à peine tolérés, empêchés de se développer.

Nous espérions qu’il mourrait plus tôt, mais comme il persiste à rester en vie, allons-y quand même.
Le sujet en question, qui persiste à vivre, entre deux infirmités, c’est Benoît XVI. Telle est la synthèse non pas du contenu, mais de l’esprit du nouveau Motu Proprio, voulu par François, Traditionis Custodes, présenté hier. Un « titre » qui est un véritable chef-d’œuvre d’hypocrisie, puisque les articles du Motu Proprio décrètent la mort de ce que, au nom de tous, nous continuons à appeler la Forme Extraordinaire du Rite Romain, rehaussée au contraire par le Motu Proprio Summorum Pontificum (2007) de Benoît XVI. Une mort par suppression ou extinction, selon le contexte.

Avec une ironie typiquement jésuitique, François fait référence à ses prédécesseurs vénérés, y compris Benoît XVI, dont il ne mentionne que le nom, pour détruire son œuvre. Nous y étions déjà habitués à l’époque d’Amoris Laetitia, lorsque Jean-Paul II et Thomas d’Aquin étaient cités comme auctoritates pour affirmer exactement le contraire de leur enseignement.
Il est en effet évident que le Motu Proprio Summorum Pontificum a exprimé la reconnaissance de la légitimité et de la beauté de cette forme liturgique, que nous appelons par commodité « ancienne », ainsi que le profond respect pour les prêtres et les fidèles qui y ont trouvé une pâture pour leur vie chrétienne. Avec la décision d’hier, nous sommes au contraire confrontés à la démolition du Motu Proprio de Benoît XVI, point par point. À commencer par l’article 1, qui ne reconnaît plus les anciens livres liturgiques comme des expressions de la lex orandi unique du Rite romain.

Ainsi, si l’usus antiquior n’a plus rien à voir avec la prière liturgique de l’Église, il devient clairement la liturgie des réserves indiennes. Il faut les tolérer pendant un certain temps encore, jusqu’à ce qu’ils disparaissent, afin d’éviter que ces personnages archaïques ne se multiplient et n’infectent les autres. C’est exactement le sens des décisions prises par le Motu Proprio, qui trouvent leur âme dans la conviction exprimée par François, totalement incongrue par rapport à la réalité, selon laquelle ses prédécesseurs ont simplement « voulu faciliter la communion ecclésiale aux catholiques qui se sentent liés à certaines formes liturgiques antérieures et non aux autres ». La citation interne est tirée du Motu Proprio Ecclesia Dei de 1988, auquel François a jugé nécessaire d’ajouter les mots « et non aux autres », ce qui va dans le sens diamétralement opposé par rapport à l’autre Motu Proprio, Summorum Pontificum, qui voulait également étendre à ces « autres » la possibilité de jouir des richesses de cette forme liturgique.

Manifestement contaminé par ces idéologies qui ont fait de la contradiction le moteur de l’histoire, François aime passer de contradiction en contradiction, comme lorsque, dans la lettre accompagnant Traditionis Custodes, il réussit incroyablement à prétendre être conforté dans sa décision de détruire Summorum Pontificum par le fait que, « après le Concile de Trente, saint Pie V abrogea également tous les rites qui ne pouvaient se targuer d’une antiquité avérée, établissant pour toute l’Église latine un unique Missale Romanum« . Si François avait suivi les critères de son prédécesseur, il aurait dû abroger systématiquement les nouveaux livres liturgiques, qui ne peuvent revendiquer qu’un demi-siècle de vie.

En substance, le nouveau Motu Proprio est une déclaration de guerre à ceux qui assistent à l’ancienne Messe. Outre l’article 1 précité, selon lequel  » les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II […] sont l’unique expression de la lex orandi du Rite romain « , l’orientation est celle d’un retour à un régime d’indult, dans lequel les prêtres et les fidèles doivent pratiquement être contrôlés et tolérés . En fait, la compétence exclusive revient aux mains des évêques, qui pourront éventuellement supprimer les centres où l’ancien rite est célébré, mais ne pourront pas en ériger de nouveaux. En effet, l’art. 3 § 6 précise que l’évêque  » veillera à ne pas autoriser la création de nouveaux groupes « . Les groupes existants, en revanche, seront passés au crible pour s’assurer qu’ils « n’excluent pas la validité et la légitimité de la réforme liturgique, des prescriptions du Concile Vatican II et du Magistère des Souverains Pontifes ». Il pourrait être intéressant – par souci d’égalité – que les fidèles qui assistent à la nouvelle messe soient interrogés sur les canons du Concile de Trente, ou sur Evangelium Vitae

En outre, l’évêque doit procéder « dans les paroisses personnelles érigées canoniquement au profit de ces fidèles, à une vérification congruente de leur utilité effective pour la croissance spirituelle, et évaluer s’il convient ou non de les maintenir » (§ 5).
L’évêque pourra alors autoriser des lieux de célébration pour les groupes « passés au crible », « mais pas dans les églises paroissiales et sans ériger de nouvelles paroisses personnelles » (§ 2). On ne sait jamais, ils pourraient contaminer quelqu’un.

Les prêtres qui « célèbrent déjà selon le Missale Romanum de 1962, demanderont à l’évêque diocésain l’autorisation de continuer à utiliser la faculté » (art. 4), tandis que ceux qui ont été ordonnés « après la publication du présent Motu Proprio, et qui ont l’intention de célébrer selon le Missale Romanum de 1962, doivent faire une demande formelle à l’évêque diocésain qui consultera le Siège Apostolique avant d’accorder l’autorisation ».

La guillotine tombe également sur les instituts ex-Ecclesia Dei tels que la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi Grand Prêtre, l’Institut du Bon Pasteur, la Fraternité Saint-Vincent Ferrer et d’autres encore. En vertu de l’article 6, ces instituts « relèvent de la compétence de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique ». Le duo Braz de Aviz-Carballo se frotte déjà les mains…..

Première considération. La lettre et le Motu Proprio révèlent à chaque ligne le mépris des fidèles attaché à l’ancienne liturgie : c’est à eux et à personne d’autre que l’on demande la « preuve de fidélité » à l’Église ; c’est eux et personne d’autre que l’on doit reléguer loin des paroisses ; c’est à eux et à personne d’autre que l’on interdit l’expansion. C’est une ghettoïsation à tous égards.

Deuxième considération : la différence entre l’attitude de Benoît XVI et celle de François. Le premier a travaillé sans relâche, supportant de fortes résistances, afin que l’Église ne crée pas de rupture interne avec ce qui était sacré pour les générations précédentes. Le second coupe tous les ponts avec cet héritage, qu’il utilise à sa guise, le violant, juste pour se donner raison. Le premier a tenté de faire en sorte que tous les fidèles qui ont subi le choc des réformes, autorisées ou non, des années 70 se sentent chez eux dans l’Église, en appréciant leur loyauté et leur sérieux et en les impliquant dans un service de l’Église. Le second les place dans un ghetto, les tolérant à peine, les soumettant à un interrogatoire et les empêchant de croître et de se multiplier.

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