Après l’urgence sanitaire, quelle sera la suivante? L’urgence climatique? Stefano Magni tire la sonnette d’alarme à l’intention des irénistes invétérés qui persistent à ne pas voir où est le problème. Et il énumère les raisons d’avoir peur du passeport sanitaire, qui ne relèvent désormais plus de la science-fiction. L’UE et l’Italie l’appellent déjà Green Pass (référence à la couleur du feu de circulation homonyme, mais surtout à une idéologie répressive qui prétend défendre la nature et les petits oiseaux mais en réalité veut mettre les citoyens sous tutelle), de sorte qu’il n’y aura même pas besoin de changer son nom. Et les banderoles illustrées d’une croix gammée brandies par les protestataires pour dénoncer l’abus de pouvoir, sont un nuage de fumée. La référence n’est pas tant aux défuntes idéologies du XXe siècle, qu’à une dictature encore bien vivante qui maintient sous une poigne impitoyable plus d’un milliard d’êtres humains. Bref, le « modèle chinois »

Le modèle chinois: crédits sociaux et surveillance

Pourquoi il est juste d’avoir peur du Green Pass

Stefano Magni
La NBQ
27 juillet 2021
Ma traduction

Green Pass, de quoi faut-il avoir peur ? Beaucoup s’interrogent et ne comprennent pas où se situe le problème. Au départ, il s’agissait d’un laissez-passer pour voyager en toute sécurité, mais la France et l’Italie en ont fait un instrument de contrôle. En Chine, il est intégré au système de crédits sociaux, grâce auquel l’État contrôle et évalue chaque citoyen.

Green Pass – de quoi faut-il avoir peur ? Une grande partie des manifestations contre l’introduction de l’obligation du laissez-passer vert ont été alimentées par cette question : de quoi avoir peur ? S’il est vrai que 73% des Italiens sont d’accord avec le nouveau devoir du citoyen vacciné (ou guéri, ou testé négatif), alors cette petite minorité qui manifeste dans les rues est accueillie par l’étonnement d’une majorité qui ne comprend pas où est le problème. Ceux qui protestent, au contraire, craignent une dictature sanitaire.

L’utilisation des symboles nazis pour indiquer le danger de la dictature, les étoiles jaunes et le parallèle avec les lois raciales (qui discriminaient les Juifs, depuis 1938) a été très souvent utilisée dans les manifestations et a provoqué l’indignation des communautés juives et de l’opinion publique plus modérée. Le nazisme est toujours évoqué lorsqu’il s’agit de contester un abus de pouvoir (reductio ad hitlerum) et la comparaison avec les lois raciales revient souvent à l’esprit, dans le cas de la discrimination, parce qu’il s’agit d’une blessure indélébile dans l’histoire italienne. Mais en réalité, le parallèle est impropre: ici, on ne prépare pas une discrimination sur une base raciale, mais sur une base comportementale. Les fascistes, à partir de 1938, les nazis à partir de 1933, ont persécuté les Juifs indépendamment de leurs idées ou de leur comportement.

Alors qu’y a-t-il à craindre ? Les défenseurs de l’obligation du Green Pass soulignent qu’elle est absolument normale: tout comme on doit s’arrêter si le feu est rouge, tout comme piloter un avion ou conduire une voiture nécessite un permis, de la même façon, en période de pandémie, entrer dans un restaurant nécessite un Green Pass.
Y a-t-il de quoi avoir peur ? Eh bien oui. Voyons de quoi.

Le Green Pass est une idée européenne, mais son origine est la République populaire de Chine. Bien que d’autres entités l’aient introduit à petite échelle, en mars de l’année dernière, le régime de Pékin a promu l’idée à l’échelle mondiale. L’objectif déclaré du « passeport vaccinal » chinois et du passeport vert européen est de pouvoir voyager « librement » en toute sécurité.

Cependant, quiconque connaît les méthodes communistes sait qu’un instrument créé dans un but formellement inoffensif peut se transformer en un rien de temps en un autre dispositif de contrôle totalitaire.

Quel type d’instrument ? En Chine notamment, il s’agit d’un complément au système de « crédit social », par lequel l’État évalue le comportement de chaque citoyen et lui attribue une note positive ou négative. Si le score est trop faible, le citoyen est exclu d’une série de services, jusqu’à ce qu’il devienne prisonnier de son propre domicile et privé d’accès à ses économies. S’il est particulièrement bas, le citoyen est exposé à la risée publique, au pilori électronique, sur Internet, sur les écrans géants des lieux publics et dans les médias. Si elle est inférieure à un seuil minimal, le citoyen désobéissant se retrouve dans un camp de rééducation.

En Europe, il n’existe pas (encore) de système de crédit social. Le Green Pass n’était censé être qu’un moyen de voyager en toute sécurité, sans être soumis à des quarantaines ou devoir subir des prélèvements au départ et au retour. Mais la France, et bientôt l’Italie, en ont fait un instrument de contrôle et d’évaluation. Ceux qui n’ont pas suivi certains comportements, comme se faire vacciner, sont exclus, pour des raisons sanitaires, d’une série de services auxquels, jusqu’à la veille, ils auraient pu avoir accès gratuitement. Il est déjà devenu un petit système de crédit social. Il est vrai qu’il est présenté comme un instrument ad hoc, justifié par la pandémie (à un moment, cependant, où les hospitalisations sont au plus bas) et pour cette raison il est volontiers accepté par les citoyens qui ne posent pas trop de questions.

Mais peut-il dégénérer et devenir un instrument de contrôle, tout court ? A ce stade, oui. Il n’en faut pas beaucoup. Si l’on légitime cette logique, il ne faudra pas longtemps pour arriver à un système de crédit social à la chinoise.

Tôt ou tard, l’urgence pandémique prendra fin, mais il y a déjà une « urgence climatique ». La liberté individuelle est considérée comme un obstacle également à la gestion de l’urgence climatique. En cas de pandémie, ils disent que votre liberté doit être restreinte pour protéger le reste de la communauté de la contagion, car n’importe qui peut être un porteur involontaire de la maladie. Après l’introduction des vaccins, ils disent aussi qu’on ne peut pas choisir de ne pas se faire vacciner, car l’immunité de groupe doit être obtenue collectivement. Pour lutter contre l’urgence climatique, ils affirment que votre liberté doit être encore plus limitée, car la consommation, les voyages et les modes de vie modernes produisent des effets externes qui deviendront de plus en plus inacceptables, comme les émissions de CO2 ou la simple « empreinte écologique » (combien nous « pesons » sur les ressources de la planète).

Et si le Green Pass était appliqué demain pour imposer un comportement écologiquement correct, en excluant de tous les services ceux qui ne répondent pas aux exigences nécessaires ? Une petite mise à jour du logiciel serait suffisante. Il n’aurait même pas besoin d’un nouveau nom. La lutte contre le changement climatique n’est qu’un exemple, mais il pourrait y avoir bien d’autres raisons de déduire des points à un citoyen du futur. Il suffit de voir combien de causes apparemment insignifiantes vous font déjà bannir des principaux réseaux sociaux…

Voilà ce que craignent ceux qui manifestent contre l’obligation du Green Pass. Contrairement à la majorité des journalistes et des intellectuels, ils voient venir le danger. Ils l’appellent « nazisme », car c’est la tyrannie que nous avons tous en tête. Mais c’est du modèle chinois que nous devons avoir sérieusement peur.

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