Sociologue, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’université d’Aix-Marseille, il tient un blog hébergé par Mediapart (une partie en a d’ailleurs été supprimé par l’hébergeur-censeur). Il n’est donc pas (a priori) du même bord que moi, mais la capacité de se poser des questions, de préférence intelligentes, n’est pas l’apanage d’un parti. Or, il a commis la faute médiatiquement impardonnable de tenir sur la gestion politique et sanitaire de la pandémie des propos iconoclastes, par ailleurs remarquablement documentés, ce qui lui a valu de devenir la cible d’une féroce campagne de censure, d’intimidation et de dénigrement (dernier épisode en date, aujourd’hui même: Sociologues ou gardiens de la doxa ? Qui entache la réputation de notre discipline ?) , jusqu’à la menace d’être congédié du CNRS. Il est interviewé ici par wonderfulnews.world , une plateforme participative qui se présente comme « un réseau de journalistes d’investigations ».

Extraits

(mais tout est à lire!)

Si nous étions dans une rationalité scientifique et médicale, des chercheurs employés dans le public et/ou le privé travailleraient pendant des années pour mettre au point un vaccin, seraient parfaitement transparents sur les produits et les processus de fabrication, le testeraient longuement et à très grande échelle, en conformité avec les règles de sécurité et en transparence sur les protocoles des essais cliniques réalisés, puis signeraient des contrats honnêtes avec des organismes de santé publique. Par la suite, des médecins le proposeraient à leurs patients au terme d’un examen minutieux de l’histoire médicale de chaque personne et d’une évaluation conjointe de la balance bénéfice/risque, parce que 1) chaque individu est différent, 2) certaines personnes doivent être considérées « à risque » au regard de leurs antécédents (cardiaques, neurologiques, allergiques, etc.) ou de leur situation présente (les femmes enceintes, les personnes malades ou en convalescence, prenant déjà d’autres traitements médicamenteux plus ou moins lourds, etc.), 3) sauf exceptions, toutes les personnes encore jeunes et en parfaite santé n’ont rien à redouter du coronavirus (elles sont asymptomatiques ou paucisymptomatiques (qui présentent très peu de symptômes ndlr) en cas d’infection).

Vous dites que cette idéologie de la vaccination intégrale est portée par les industries pharmaceutiques, les gouvernements et les principaux médias. Pensez-vous que les médias soient complices de cette désinformation ?

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Cela ne me fait pas spécialement plaisir de le dire mais la réponse est oui. Depuis un an et demi, la quasi-totalité des grands médias (télévisions, radios, presse papier et Internet) sont incapables de prendre une véritable distance d’analyse vis-à-vis de la communication des gouvernements et de l’OMS. J’ai consacré un long article à analyser ce phénomène dans le cas français. La question financière est évidemment centrale dans l’analyse de la perte d’indépendance des médias. Mais il est frappant aussi de voir comment, au sein même des rédactions, les spécialistes de santé ou de science sont souvent relégués au second plan par les « fact-checkers », ces jeunes journalistes, issus souvent du numérique, qui prétendent qu’il est possible de départager le Vrai du Faux sur n’importe quel sujet, et qui se croient parfois même autorisés à trancher eux-mêmes des controverses scientifiques mondiales (voir l’affaire Raoult). Ceci non plus n’est pas sérieux. Et cela doit être mis en lien avec un quatrième acteur (après les gouvernements, les industries et les grands médias) qui est devenu très important pour comprendre le fonctionnement du débat public : Internet et les réseaux sociaux. Google (qui est aussi propriétaire de YouTube) et Facebook (propriétaire d’Instagram) jouent un rôle de plus en plus important dans le formatage de la pensée. Ils opèrent notamment une censure énorme sur Internet, qui contribue à rendre invisibles les opinions contraires à la ligne gouvernementale. Le dernier exemple que j’ai observé date de quelques jours. Un groupe Facebook s’était créé pour permettre aux victimes d’accidents vaccinaux de le déclarer. En 3 semaines, le groupe a rassemblé 200 000 membres. Il a été censuré par Facebook ! Est-ce que ceci n’est pas totalement anti-démocratique et par ailleurs radicalement contraire aux valeurs de liberté d’expression et d’échange que vantaient ces réseaux sociaux lors de leur création ?

Comment pourrait-on accéder à des études scientifiques d’experts indépendants des pharmas ?

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C’est très difficile. L’emprise des industries pharmaceutiques est énorme. Elles arrosent la recherche médicale, financent des laboratoires entiers, contrôlent les éditeurs qui publient les principales revues scientifiques. De nombreux savants et de nombreux médecins le dénoncent depuis des années. La première chose que devraient faire les journalistes lorsqu’ils invitent l’un d’entre eux à parler dans les médias est d’indiquer non seulement son titre professionnel mais aussi ce qu’il a déclaré comme argent perçu directement ou indirectement des industries pharmaceutiques ces dernières années. Cela réserverait des surprises. Mais je n’ai vu aucun journaliste avoir ce courage en France.

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Propos recueillis par Grégoire Praz, journaliste RP [Registre professionnel des journalistes en Suisse], 17.08.2021.
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