Quelle voix prophétique autre que la sienne pour nous avertir des dérives du monde sans Dieu dans lequel nous vivons aujourd’hui? Dans ce dernier ouvrage, recueil de textes dont certains inédits, à paraître dans toute l’Italie (et ailleurs?) dès aujourd’hui, sous le titre « La vraie Europe. Identité et mission », le théologien Joseph Ratzinger aborde de nombreux sujets aussi brûlants d’actualité que gênants allant de la sexualité à l’avenir de la civilisation européenne [(1)]. Gageons que cela va faire des étincelles (petit détail: François, ou l’une de ses plumes, a préfacé l’ouvrage: mais l’a-t-il lu?)

L’ultime appel de Ratzinger à l’Europe

Emanuel Pietrobon
15 Septembre 2021
it.insideover.com/religioni/l-ultimo-appello-di-benedetto-xvi-all-europa
Ma traduction

Après s’être retiré dans une vie monastique austère et réservée pendant près de dix ans, Benoît XVI rompt périodiquement son abstinence des projecteurs et des micros pour exprimer son point de vue sur des questions d’actualité pressantes, lorsqu’elles sont liées aux enseignements et aux dogmes de l’Église catholique et lorsqu’elles concernent le monde et les relations internationales.

La dernière intervention du pape émérite, dont le contenu sera disponible dans son intégralité dans les prochains jours, a été recueilli par les Edizioni Cantagalli, qui l’ont intégrée dans “La vera Europa. Identità e Missione“, un livre consacré à l’avenir de la civilisation européenne – qui, ce n’est pas un hasard, sort en même temps que le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre l’Union européenne et le Saint-Siège – et qui voit la participation du pontife régnant, François, en tant que préfacier.

Le dernier appel de Ratzinger

Le dernier effort intellectuel du pape émérite, aujourd’hui âgé de 94 ans, sera publié dans les librairies de toute l’Italie le 16 septembre. Le livre offre un recueil de textes choisis de Joseph Ratzinger, allant de la sexualité à l’avenir de la civilisation européenne, et a été conçu comme une sorte de « dernier appel » au Vieux Continent, le lieu qui, plus que tout autre, a été façonné par l’Évangile et qui aujourd’hui, après presque deux millénaires de mariage avec la Croix, semble se diriger inexorablement vers une nouvelle phase historique : le post-christianisme.

Les écrits de Benoît XVI, qui, contrairement au pontife régnant, n’a jamais été friand de tons conciliants avec le monde ni d’ambiguïtés, s’annoncent incendiaires et source de probables répercussions négatives sur l’image de l’Église. Parce qu’on a déjà su, par exemple, que le Pape émérite a défini les mariages homosexuels en termes de « contradiction avec toutes les cultures de l’humanité qui se sont succédé jusqu’à aujourd’hui » et de « révolution culturelle qui s’oppose à toute la tradition de l’humanité jusqu’à aujourd’hui », et a expliqué, en outre, la nature de la relation entre l’homme et la femme comme « ordonnée à la procréation » et non comme orientée vers la séparation « entre fertilité et sexualité ».

Question arc-en-ciel, inversion du rapport entre les deux sexes et changement dans l’approche de la procréation ; pour le pape émérite, tout est lié, tenu par un dénominateur commun et caractérisé par une origine partagée : la révolution sexuelle de 1968. Une interprétation du changement de l’âme et du visage de l’Occident que Ratzinger avait déjà exposée par le passé, s’attirant une pluie de critiques acerbes, et que dans ce livre il voulait approfondir, démêler et fonder – du point de vue catholique, du moins.

La nécessité d’une écologie de l’homme

Ratzinger exhorte le Vieux Continent, de plus en plus sécularisé et post-chrétien, à retrouver la mémoire d’un fait historique tombé dans la damnatio memoriae, à savoir que « la figure de Jésus-Christ est au centre de l’histoire européenne et constitue le fondement du véritable humanisme, d’une nouvelle humanité ». Oublier la « dignité entièrement nouvelle » dont Jésus a investi l’Homme serait anthropologiquement et politiquement dangereux car, poursuit le Pape émérite, « si l’Homme n’est que le produit d’une évolution aléatoire, alors son humanité même est un hasard et donc, à un certain moment, il sera possible de sacrifier l’Homme à des fins apparemment plus élevées ».

Partant de ce point, le Pape émérite explique comment, selon lui, on peut éviter que l’Homme soit déshumanisé par ce que Jean-Paul II avait appelé la « culture de la mort » – mais qui, à la lumière de l’émergence de la révolution transhumaniste qui se profile à l’horizon, pourrait se transformer en « culture du néant », où toute valeur est relative, toute limite est mobile et même la condition humaine est surmontable – : la création d’une « écologie de l’Homme ».

L’écologie de l’homme, explique Ratzinger, doit sauvegarder « la nature de l’homme tout comme le mouvement écologique a découvert la limite de ce qui peut être fait et a reconnu que la nature établit pour nous une mesure que nous ne pouvons pas ignorer impunément ». En effet, l’homme, comme la Création, est doté d’une nature propre, dont la négation « conduit à l’autodestruction ». Ce déni, poursuit le pape émérite, peut prendre diverses formes, parmi lesquelles « la tendance croissante au suicide comme fin programmée de la vie ».

L’homme n’a pas le choix, selon Ratzinger, car il est placé à la croisée des chemins : être un avec Dieu – c’est-à-dire être « créature, image et don de Dieu » – ou appartenir au Monde – épousant ainsi l’idée que « l’homme est un produit que lui-même sait créer », c’est-à-dire que l’être humain « n’est plus engendré et conçu, mais fait ». En optant pour la seconde voie, explique le pape émérite, « on renonce à l’idée de la Création, on renonce à la grandeur de l’Homme, on renonce à son indisponibilité et à sa dignité qui est au-dessus de toute planification ».

Bien que les habitants de cette partie de l’humanité – l’Europe -, à ce moment précis de l’histoire, semblent plus orientés vers la terre que vers le ciel, préférant la perspective d’une vie finie et terrestre à celle d’une vie éternelle et d’un autre monde, Ratzinger, en accord avec son propre optimisme chrétien, a conçu l’épilogue du livre comme un message d’espoir pour les contemporains et la postérité. Le pape émérite, en effet, se dit convaincu du « fait que la recherche de Dieu est profondément inscrite dans chaque âme humaine et ne peut pas disparaître […], certes, pendant un certain temps, on peut oublier Dieu, le mettre de côté, s’occuper d’autres choses, mais Dieu ne disparaît jamais ».

Reprenant Saint Augustin, l’un des Pères de l’Eglise catholique, Ratzinger croit « que nous, les hommes, sommes inquiets jusqu’à ce que nous ayons trouvé Dieu [et] que cette inquiétude existe encore aujourd’hui », confiant dans le fait que « l’homme, aujourd’hui encore, se met en route vers ce Dieu ». Une conclusion optimiste pour une œuvre réaliste qui, conçue comme le dernier appel de l’Église à l’Europe, peut aussi être lue comme une sorte de testament spirituel de ce pape-philosophe, qui n’a jamais oublié ses origines malgré une vie consacrée à l’écoumène.

[(1)] Post-scriptum

La revue « Il Timone » nous en dit un peu plus:

Le pape émérite Benoît XVI est de retour et s’exprime à travers les pages d’un livre intitulé « La vraie Europe. Identité et mission » qui sera en librairie à partir de demain, jeudi 16 septembre. Le chapitre « Rendre justice devant Dieu de la tâche qui nous est confiée pour l’humanité« , comme le rapporte l’agence AGI est totalement inédit, et a été livré par le pape émérite en avril dernier. Le livre comporte également une préface du pape François.

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Le titre fait référence à un appel à l’Europe pour qu’elle soit vraiment elle-même, comme l’écrit l’éditeur Cantagalli dans l’introduction du livre: « Il ne s’agit pas d’imposer les vérités de la foi comme fondement de l’Europe, mais plutôt de faire un choix.. qui reconnaisse qu’il est plus naturel et plus juste de vivre ‘comme si Dieu existait’ plutôt que ‘comme si Dieu n’existait pas’ « .

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Benoît XVI, selon les anticipations d’Agi, revient sur le thème qui lui est cher de l’écologie humaine, pierre angulaire de toute écologie. Dans ce passage, il dit des paroles claires sur la complémentarité entre l’homme et la femme et l’importance du mariage et de la famille. « Le thème du mariage et de la famille », écrit le pape Benoît, « a pris une nouvelle dimension qui ne peut être ignorée, nous assistons à une distorsion de la conscience qui a manifestement pénétré profondément dans des secteurs du peuple catholique ».
« La communauté de l’homme et de la femme », poursuit-il, « et l’ouverture à la transmission de la vie déterminent l’essence de ce qu’on appelle le mariage ». Ainsi, « le concept de ‘mariage homosexuel‘ est en contradiction avec toutes les cultures de l’humanité qui se sont succédé jusqu’à ce jour, et signifie donc une révolution culturelle qui s’oppose à toute la tradition de l’humanité jusqu’à aujourd’hui« .
Le tournant de cette révolution, selon Ratzinger, a été la diffusion de la pilule contraceptive à la fin des années 1960. « Un événement qui a transformé la conscience des hommes en mettant sur le même plan les différentes formes de sexualité et en ouvrant ainsi la voie à une fécondité sans sexualité ».

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C’est pourquoi le pape Ratzinger appelle à une écologie saine de l’homme, qui ne peut ignorer une pierre angulaire toujours ferme dans la théologie de Benoît XVI : « soit l’homme est la créature de Dieu, il est l’image de Dieu, il est le don de Dieu, soit l’homme est un produit que lui-même sait créer. Quand on renonce à l’idée de création, on renonce à la grandeur de l’homme, on renonce à son indisponibilité et à sa dignité qui est au-dessus de toute planification« .

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https://www.iltimone.org/news-timone/benedetto-xvi-luomo-non-un-prodotto/
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