Mise à jour le 10/11. Le navrant spectacle de la pré-campagne électorale française avec des histrions (je n’osais pas dire guignols… mais trop tard! c’est fait!) qui s’agitent devant et derrière les écrans avec la complicité des médias alignés et se prennent pour des hommes d’état, jette une lumière impitoyable sur la vacuité de leur discours, l’inexistence de leurs idées et l’interchangeabilité de leurs « programmes« . Tous parlent de redresser la France et de faire triompher des « valeurs » dont ils prennent bien soin de ne pas préciser ce qu’elles sont, mais tous rampent devant le politiquement correct, aucun n’ose remettre en cause les soi-disant « avancées » sociétales (dictature LGBT, féminisme révolutionnaire, culture de la repentance, etc..) (sauf Zemmour, soyons juste), la doxa sur le réchauffement climatique, la tyrannie de Bruxelles, et surtout la narration officielle de la pandémie et la formidable atteinte aux libertés que constitue le « passe sanitaire » (pas encore, au moment où j’écris ces lignes « passe vaccinal ») et la société de surveillance et de contrôle qui se profile. En réalité la droite, stupidement qualifiée en France de « républicaine », et qu’il vaudrait mieux appeler « honteuse » ne défend pas la tradition, elle singe tellement la gauche que si l’on prend un débat télévisé en route et qu’on ne connaît pas les participants, il est généralement impossible de savoir de quel bord est l’intervenant qui a la parole. Et parallèlement, la gauche dont ce serait la vocation ne défend plus le peuple (qui ne s’y trompe pas et ne vote plus pour elle), elle se vautre dans l’autoréférentialité (pour reprendre un concept cher à une vieille connaissance) et affiche sa supériorité de classe, elle est devenue « le parti des privilégiés, de l’élite, de l’establishment« , son nouveau mot-talisman est « inclusivité », et gare aux déviants . Chez nous, on la connaît sous le nom de « gauche caviar« , en Italie « radical chic« , aux States « liberal« , mais ce sont les mêmes hommes, les mêmes idées, le même complexe de supériorité, et le même mépris du peuple. Au final, fausse droite et fausse gauche se rejoignent dans un magmas qui n’est mou qu’en apparence, cachant en réalité un terrorisme intellectuel impitoyable où la seconde a absorbé la première et lui impose son tempo. Le phénomène n’est évidemment pas que français. Eclairage (passionnant) à travers l’exemple des Etats-Unis, sur La Bussola. A lire et à méditer avant de voter!

Des leaders mondiaux interchangeables à Glasgow

Le socialisme des privilégiés

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Comment se fait-il que la gauche soit devenue, au cours des vingt dernières années, le « parti » des privilégiés, de l’élite, de l’establishment ? Il s’agit d’un phénomène indéniable et international. Et il est beaucoup plus agressif que ses prédécesseurs dans la répression de la dissidence. Il inclut désormais aussi la droite, dans une social-démocratie « inclusive ».

Comment se fait-il que la gauche soit devenue, au cours des vingt dernières années, le « parti » des privilégiés, de l’élite, de l’establishment ? Une affirmation que contestent presque tous les leaders du camp progressiste, à l’exception de ceux de la frange d’extrême-gauche ou quelques mal-pensants.

Il s’agit d’un problème intéressant sur le plan historique, philosophique et politique. Depuis la naissance de la gauche, avec la Révolution française, il est arrivé plusieurs fois qu’elle entre au gouvernement, mais cela ne l’a pas transformée en parti des privilégiés – quelque chose de plus qu’une question de richesse et de revenu. Sauf dans les pays communistes, où la gauche était (et les régimes communistes le sont toujours) le parti de l’establishment, de l’élite, du régime.

Le fait que ce processus soit international, et pas seulement européen, peut être observé dans le cas des États-Unis. Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que la gauche s’est identifiée au parti démocrate, et vice versa. Même à l’époque de Carter, et même de Clinton, il y avait de larges sections de démocrates conservateurs, bien représentées par des membres du Congrès et des sénateurs. Et les liberal étaient une frange, pas nécessairement majoritaire, du parti, à tel point que, lors de sa première campagne présidentielle, Clinton a dû jurer – et se parjurer – qu’il n’était pas un liberal, contrairement à sa femme. Aujourd’hui, les quelques sénateurs démocrates du Parlement qui contestent la politique socialiste de facto de Biden sont ostracisés, insultés et menacés d’expulsion.

Ce virage à gauche, essentiellement imprimé par l’obamisme mais désormais réalisé (on verra jusqu’à quand) par Biden, n’a pas pour autant coïncidé, statistiques à l’appui, avec le retour du vote ouvrier vers le Parti démocrate, une hémorragie qui a commencé lors de la candidature catastrophique de George Mc Govern en 1972 (le véritable mentor des actuels Dems), s’est intensifiée dans les années Reagan avec le Reaganisme dit des cols bleus [blue collars], puis s’est achevée avec Trump, paradoxalement plus dans la campagne malheureuse de 2020 que quatre ans plus tôt. Au contraire, nous pouvons dire que plus le parti démocrate consolide sa position de parti des privilégiés, des dominants, de l’élite, de l’establishment, plus il accentue sa politique de gauche, socialiste sur le plan économique, et sa politique de guerre culturelle (woke, politiquement correct, théorie critique de la race, genderisme, etc.) sur le plan des valeurs.

La récente défaite en Virginie, un État qui n’est certes pas profondément républicain, montre que le mélange d’aide sociale, de subventions et de guerre culturelle, si cher à la Silicon Valley, et un peu moins aux Californiens eux-mêmes, fait horreur non seulement aux cols bleus, mais à la classe moyenne, celle qui a toujours voté démocrate. Le socialiste allemand August Bebel, à la fin du XIXe siècle, qualifiait l’antisémitisme, très répandu dans la classe ouvrière allemande, de « socialisme des imbéciles ». La politique progressiste d’aujourd’hui pourrait être appelée « socialisme des privilégiés ».

Nous ne voulons pas ennuyer le lecteur avec la nature et les origines de ces changements, mais seulement conclure avec deux réflexions de deux des plus prestigieux journaux new-yorkais, l’un conservateur, le Wall Street Journal, l’autre progressiste, le New York Times. Tous deux s’accordent curieusement pour écrire que le progressisme est désormais l’idéologie des classes dominantes – et une idéologie beaucoup plus brutale, malgré le langage « inclusif » et politiquement correct.

Dans le journal de Wall Street (même Wall Street a viré à gauche, oubliez Gordon Gekko [personnage fictif du film Wall Street]), l’ex-directeur et désormais chroniqueur Gerard Baker (For Privileged Progressives, ‘We’ means ‘you’, 1er novembre) écrit que la gauche moderne, désormais immergée dans une « religion laïque », répète à tous les autres, qui ne sont pas de gauche ou ne le sont plus, qu’elle est « plus compétente et plus vertueuse que vous, la classe inférieure ». Baker saisit parfaitement le fait que, depuis cinquante ans, la gauche « a maintenant le contrôle total de l’establishment« . Ils sont désormais les « maîtres », et bien sûr, comme tous les maîtres dans l’histoire, des chefs tribaux aux patriciens romains, des monarques absolus aux tyrans totalitaires, « leur supériorité est perçue dans le fait que les devoirs qu’ils imposent ne s’appliquent pas à eux-mêmes. Ils ne s’appliquent qu’à vous, les non-éclairés ». L’environnementalisme du récent G20 à Rome et à Glasgow est un bon exemple de ce qu’écrit Baker.

Dans le New York Times, quelques jours plus tard, David Brooks (Democrats need to confront their privilege , 4 novembre) écrit que, autrefois parti des opprimés, les démocrates sont maintenant devenus le parti de l’élite et des privilégiés, qui veulent imposer leur propre vision du monde, politiquement correcte, « antiraciste » et, ajoutons-le, athée et laïque, à travers le forcing législatif, ainsi qu’en imprégnant les universités, les journaux et la télévision. La réaction du vote en Virginie indique cependant, selon Brooks, que l’Amérique résiste et se retournera vers Trump si les démocrates ne sont pas capables de proposer un « progressisme pour la nation ».

Nous doutons beaucoup que les progressistes puissent réussir dans cette tâche : ne serait-ce que parce qu’ils ont perdu, même ceux Américains, l’idée et la substance de l’appartenance nationale. Et si les Américains, qui maintiennent encore fermement leur souveraineté, l’ont perdue, imaginez les Européens, qui ont cédé une grande partie de leur souveraineté à une classe de privilégiés, à une élite, à un établissement techno-bureaucratique, qui a son point de rattachement dans l’UE, comprise comme un super-État fédéral sous domination (tacite) allemande – bien que cela ne s’arrête certainement pas à Bruxelles.

Cette idéologie traverse les familles politiques, unifiant la soi-disant droite et la soi-disant gauche. En écoutant le langage des « grands » et des « puissants », comme la presse appelle les présidents et les premiers ministres, à Rome et à Glasgow, nous avons en effet entendu Scholz et Sanchez, qui seraient la « gauche », Merkel et Johnson qui seraient la « droite », Macron et Draghi qui seraient le « centre », parler de la même manière. Un nouveau Tina, comme Margaret Thatcher aimait à le dire (There Is No Alternative), qui a remplacé le langage unique de l’époque de la mondialisation heureuse des années 1990 et du début des années 2000 par une nouvelle pensée unique, pandémique et politiquement correcte.

Acronyme pour acronyme, nous l’appellerons SDI, social-démocratie inclusive. Tous en faveur de l’ « inclusivité », un mot clé du langage néo-orwellien qui signifie le droit des minorités à s’imposer sur les majorités ; tous en faveur de l’augmentation des impôts puis de la « redistribution » (d’où le caractère socialiste) ; tous en faveur des lois sur la police de la pensée : parce que l’inclusivité est une valeur sacrée, mais seulement si vous pensez comme eux. Cela ne s’applique pas à vous : en fait, le nouveau langage de la SDI est bien plus violent, censuré et prévaricateur que le Tina de Maggie ou la pensée unique de la mondialisation heureuse. À l’époque, la dissidence était au moins autorisée, aujourd’hui elle ne l’est même plus, si vous vous autorisez seulement à sortir du périmètre de l' »inclusivité ».

Marco Gervasoni, 8/11/2021

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