Il a reçu longuement, en audience privée, Yolanda Diaz, ministre espagnol (très rouge) du travail, dans une ambiance carrément chaleureuse. Une championne de la laïcité la plus agressive bénéficie d’un traitement de faveur habituellement réservé aux chefs d’état (enfin, pas tous…). Giuseppe Rusconi pense qu’il y a « anguille sous roche »: la nomination du prochain ambassadeur d’Espagne près le Saint-Siège. Et c’est encore une gauchiste assumée qui tient la corde. Décidément…

Sainte Marthe et Espagne: curieux sommet Bergoglio-Yolanda Diaz

Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org/rubriche/vaticano/1051-santa-marta-e-spagna-curioso-vertice-bergoglio-yolanda-diaz
14 décembre 2021

Samedi 11 décembre 2021, le pape Bergoglio a reçu le ministre espagnol du Travail lors d’une audience privée solide qui a duré quarante minutes. Il y a anguille sous roche (Gatta ci cova)… peut-être l’approbation d’une nouvelle ambassadrice, laïque jusqu’à la moelle des os ?

Elle a eu lieu le samedi 11 décembre 2021. Elle a duré quarante minutes (en plus des dix minutes réservées à l’entourage). L’hôte a offert au souverain pontife une étole en plastique recyclé et un recueil de poèmes de l’écrivain galicien Rosalia de Castro, que les émigrants emportaient avec eux en Argentine dans les années 1960.

Il s’agissait d’une visite d’État en grande pompe. Mais sans la traditionnelle deuxième partie des rencontres avec les diplomates du Vatican. Comme pour dire : l’affaire est à moi et je la gère, sans intermédiaire.

Un fait curieux, bien qu’il ne soit pas sans précédent dans la manifestation du « style Bergoglio ». Demandons-nous : à quel Président de la République, à quel Premier Ministre François a-t-il accordé un tel honneur ? Surprise : l’invitée était Yolanda Diaz, ministre du travail (et deuxième vice-présidente) du gouvernement espagnol dirigé par le tristement célèbre Pedro Sanchez. Mais quand Bergoglio reçoit-il des ministres individuels en audience privée, à moins qu’ils ne traitent de questions sensibles concernant les relations avec l’Église catholique ? Alors pourquoi le Pontife a-t-il accédé à la demande de Yolanda Diaz ? En lui accordant une audience de pas moins de quarante minutes (même plus que celles accordées à Pedro Sanchez en 2020) ?

Il y a anguille sous roche… il suffit de voir la satisfaction qui transpire éloquemment des sourires écarquillés sur les photos officielles… on est loin des moues

Qui est Diaz ? Née en Galice il y a un demi-siècle, elle a été membre du parti communiste espagnol dès son plus jeune âge. Membre du parlement régional, elle a été coordinatrice nationale d’ Esquerda unida [« Gauche unie », coalition politique espagnole formée en 1986 par différents partis de gauche, de gauche radicale et d’extrême gauche autour du Parti communiste d’Espagne. Wikipédia] jusqu’en 2017. Députée nationale depuis 2016, elle a rejoint le gouvernement Sanchez II en mars 2020 en tant que ministre du Travail. En plein accord avec Podemos de Pablo Iglesias, à tel point que lorsque ce dernier a annoncé en mars 2021 qu’il quittait l’exécutif national pour se présenter au poste de gouverneur de la Communauté de Madrid (avec un résultat électoral heureusement catastrophique), elle l’a remplacé comme deuxième vice-président du gouvernement. Diaz travaille sur la réforme du marché du travail en période d’adversité sanitaire ; et, dans d’autres domaines, elle se manifeste idéologiquement comme une nostalgique de la sinistre Seconde République des années 30 (qui, il convient de le rappeler, spécialement aux sourds volontaires a aussi mis à mort des milliers de prêtres, de religieuses, de séminaristes, ainsi qu’un nombre encore plus important de catholiques laïcs).

Pourquoi Jorge Mario Bergoglio a-t-il accueilli si chaleureusement Yolanda la Rouge ? Selon ses déclarations, les conversations ont porté sur les mesures prises par l’Espagne pour combattre la crise résultant de la pandémie, la protection des travailleurs, des migrants et de l’environnement. Et d’autres sujets que Diaz n’a pas voulu citer.

Quels sont ces autres sujets que le jésuite argentin a voulu traiter personnellement ? Notons d’abord que Yolanda Diaz a été reçue en tant que ministre du travail, mais surtout en tant que représentante du gouvernement espagnol dont elle est la deuxième vice-présidente. Il est certain que Pedro Sanchez était au moins au courant de la réunion en détail. Et que Yolanda la rouge était le porte-parole pendant l’audience des demandes de tout le gouvernement. Ce qui justifierait à la fois l’audience et son timing.

Que demandait l’exécutif national ? Il est bien connu que les gouvernements Sanchez (tant le premier que le second) ont été et sont caractérisés par une robuste veine laïciste, visant à réduire autant que possible l’influence résiduelle de l’Église sur la société espagnole. Y compris à travers des lois totalitaires qui imposent la subversion anthropologique dans les écoles. Afin de briser les dernières résistances contre les projets de lois et les décisions de la République des années trente, le monstre rouge-rouge évoque depuis quelque temps, en guise de chantage, le spectre de l’abolition du financement public de l’Église par le biais du 7 pour mille (en Italie, c’est le 8 pour mille).

Samedi dernier, Yolanda Diaz aurait parlé d’un sujet particulièrement délicat : la nomination d’un nouvel ambassadeur espagnol auprès du Saint-Siège. L’actuelle titulaire du poste, Maria del Carmen de la Pena Corcuera (à Rome depuis fin 2018), aurait été destituée après seulement trois ans de mandat et le gouvernement Sanchez aurait nommé Maria Isabel Celaá Diéguez à sa place. Pas n’importe qui dans la nomenclature socialiste et pas n’importe qui dans la lutte anti-catholique.

Celaá a été ministre de l’éducation et de la formation professionnelle dans le premier et le deuxième gouvernement Sanchez jusqu’en juillet 2021 (tiens donc!) ainsi que porte-parole de l’exécutif, et a donné une impulsion fondamentale à l’approbation de la nouvelle loi organique (laïque) sur laquelle se base le système scolaire espagnol : en fait, la loi porte le nom de Ley Celaá. Pour l’édification de ceux qui nous lisent, citons une déclaration du 17 janvier 2020 sur le PIN parental [le nom – Personal Identification Number – fait référence au système de sécurité des smartphones, ndt] i.e. la demande d’autorisation parentale pour la participation d’enfants scolarisés à des leçons, cours et activités de subversion anthropologique: « Ce PIN parental affecte le droit fondamental et constitutionnel de l’éducation de chaque enfant. (…) Nous ne tolérerons pas ce PIN et ce ministère portera l’affaire devant les tribunaux ».

En temps normal, au Vatican, il serait très difficile pour Celaá d’obtenir l’autorisation nécessaire pour occuper le prestigieux siège diplomatique de la Place d’Espagne. Mais le pape Bergoglio s’est emparé du dossier – ça va sans dire, comme d’habitude quand quelque chose le préoccupe particulièrement – certainement dans un esprit de synodalité et de partage : l’audience avec Yolanda Diaz en est la preuve. Comment cela va-t-il se terminer ? Même la gitane qui lit les cartes dans la Via Condotti n’y arriverait pas. Il ne reste plus qu’à espérer dans l’Esprit Saint.

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