Dans sa rubrique hebdomadaire sur son site en anglais « Monday Vatican », Andrea Gagliarducci reprend sous une forme légèrement différente sa réflexion développée cette semaine sur son blog en italien (Comprendre Benoît XVI et son héritage prophétique) à propos de l’anniversaire du renoncement et de la lettre que le pape émérite a écrite en réponse aux accusations d’avoir mal géré les affaires de pédophilie du temps où il était à la tête de Münich et Freising

Dans une période de pression pour changer la doctrine qui vient aussi des évêques eux-mêmes, dans laquelle la venue du Grand Humaniste prédit par Fulton Sheen semble concrète, cette pensée, si libre, si chrétienne, si avancée, dérange. Benoît XVI devient donc une cible.

Mais, dans sa réponse, il a prouvé une fois de plus qu’il est un « père ».

Et il sera reconnu, un jour, parmi les Pères de l’Église.

Benoît XVI, son regard vers le futur

http://www.mondayvatican.com/vatican/benedict-xvi-his-gaze-towards-the-future

L’anniversaire de la démission historique de Benoît XVI a été assombri par les accusations de ne pas avoir bien géré les cas d’abus dans l’archidiocèse de Munich et Freising, dont il avait été l’archevêque de 1977 à 1983. Ainsi, Benoît XVI, après avoir déjà donné une réponse de 82 pages avec l’aide de quelques avocats, a demandé à ses conseils de donner d’autres éclaircissements, et – surtout – a voulu écrire une lettre personnelle à ces éclaircissements.

Dans cette lettre, c’est toute la pensée de Benoît XVI qui est condensée. Benoît XVI, dans cette lettre, s’est comporté comme un pape. Il a affirmé la véracité de ses déclarations mais n’a pas cherché d’excuses pour le fléau des abus dans l’Église. Au contraire, il a demandé le pardon. Il a abordé la question des abus dans l’Église de manière plus large, comme il le fait de manière générale.

Benoît XVI écrit :

Prions publiquement le Dieu vivant de pardonner notre faute, notre grande et très grande faute. Il est clair que le mot ‘très grande’ ne se réfère pas de la même manière à tous les jours, à chaque jour. Mais chaque jour, il me demande si je ne dois pas parler de très grande faute, même aujourd’hui. Et il me dit avec consolation que, quelle que soit l’ampleur de ma culpabilité aujourd’hui, le Seigneur me pardonne si je me laisse sincèrement scruter par lui et si je suis prêt à me changer.

Ce sont les paroles de quelqu’un qui ne cherche pas l’autojustification facile. Mais, surtout, ce sont des paroles avec lesquelles Benoît XVI démontre le courage d’assumer toutes les responsabilités, de faire partie de la communauté de l’Église même en souffrant pour le péché de ses membres. Nous croyons ensemble, nous souffrons ensemble, nous nous rachetons ensemble, dit Benoît XVI. Selon ses termes, l’Église devient véritablement une communauté de croyants.

Il n’y a pas de personnalisme chez Benoît XVI. Non pas qu’il ait été un pape qui n’a pas pris de décisions. Mais toutes les décisions qu’il a prises partaient avant tout de la prière, de l’analyse de la volonté de Dieu. Rien ne devait être séparé de l’Évangile. Rien ne devait faire primer ses pensées personnelles.

Neuf ans après sa démission, on se rend compte que la pensée de Benoît XVI était véritablement révolutionnaire. À une époque de personnalisme et d’individualisme, Benoît XVI a tenté d’enseigner que l’Église n’existe pas grâce aux individus mais grâce au Christ. Quand un gouvernement fort semblait inévitable, Benoît XVI a géré un pontificat au cours duquel il a gouverné avec légèreté, en regardant toujours d’abord les personnes et ensuite les choix.

La lettre en réponse aux abus n’est pas surprenante car Benoît XVI a toujours fonctionné ainsi. De la même manière, il avait écrit une lettre aux évêques sur la levée de l’excommunication de quatre évêques lefebvristes. En outre, il avait écrit une lettre aux catholiques d’Irlande, submergés par le scandale des abus.

Le radicalisme de Benoît XVI se lit précisément dans le fait qu’il est avant tout un prêtre, et donc un père. Il est un homme libre parce qu’il n’est pas un homme de pouvoir. Et c’est dans cette optique qu’il faut lire la renonciation d’il y a neuf ans.

Un renoncement qui témoigne que Benoît XVI est véritablement un homme nouveau. On parle beaucoup de modernité et de rendre l’Église plus moderne, plus proche du sentiment populaire. Mais le fait est que l’homme nouveau est déjà là et qu’il est né avec Jésus-Christ. Toute poussée séculière regarde non pas vers l’avant mais vers l’arrière, vers le vieil homme. Un homme qui, au fond, n’a pas été libéré par le Christ.

Pour cette raison, Benoît XVI est véritablement le pape de la modernité. Dans la biographie de Peter Seewald, Benoît XVI répond à ceux qui ont dit que le Pape avait été amené à renoncer à cause de Vatileaks ou de pressions extérieures. Benoît XVI explique que « l’éventail de perception qu’un pape peut craindre est très réduit » et que « la véritable menace pour l’Église et donc pour le service pétrinien ne réside pas dans ces choses, mais dans la dictature mondiale d’idéologies apparemment humanistes, là où s’y opposer conduit à l’exclusion du consensus social ultime ». « 

Et d’ajouter :  » Il y a cent ans, quelqu’un aurait jugé absurde de parler du mariage homosexuel. Aujourd’hui, ceux qui s’y opposent sont excommuniés socialement. Il en va de même pour l’avortement et la production de personnes en laboratoire. La société moderne est en train de formuler un credo anti-chrétien, et si l’on s’y oppose, on est frappé d’excommunication. »

Benoît XVI conclut : « La crainte de cette puissance spirituelle de l’Antéchrist n’est donc que trop naturelle, et il faut l’aide de la prière de l’Église universelle pour y résister. »

Les défis auxquels Benoît XVI pense sont importants et profonds et dépassent les vues du monde. C’est une pensée très significative. Et nous revenons donc à la lettre qui accompagnait sa réponse à l’affaire des abus à Munich : s’il faut la prière de l’Église universelle pour résister, alors nous sommes tous responsables des péchés de l’autre. C’est une pensée universelle.

Dans une période de pression pour changer la doctrine qui vient aussi des évêques eux-mêmes (pensons au Synode de l’Église d’Allemagne), dans laquelle la venue du Grand Humaniste prédit par Fulton Sheen [*] semble concrète (pensons aux débats sur l’Église), cette pensée, si libre, si chrétienne, si avancée, dérange. Benoît XVI devient donc une cible. Mais, dans sa réponse, il a prouvé une fois de plus qu’il est un « père ». Et il sera reconnu, un jour, parmi les Pères de l’Église.

NDT

(*) Cf. https://fidecatholica.wordpress.com/2019/03/11/propheties-mgr-fulton-j-sheen-les-12-ruses-de-lantechrist-et-les-conseils-pour-les-combattre/

L’antéchrist ne sera pas ouvertement connu comme tel, car autrement, il n’aurait pas d’adeptes.
(…) Il viendra sous le déguisement d’un grand humaniste : il parlera de paix, de prospérité et d’abondance, non pas comme des moyens de nous élever à Dieu, mais comme des fins en elles-mêmes.

Share This