Un commentaire fort de Mgr Aguer, évêque émérite de la Plata en Argentine (entre autre infatigable défenseur de la vie, on se rappelle qu’en 2018, il avait été précipitamment éloigné de son siège dès les 75 ans canoniques révolus, alors que le Parlement de son pays s’apprêtait à voter une loi facilitant l’avortement – cf. La disgrâce de Mgr Aguer -, pourfaire place au « chouchou » de François, Victor Manuel Fernandez, alias « Tucho » ). Benoît XVI est le contre-exemple éclatant de la catastrophe ecclésiale dénoncée par le prélat argentin (qu’on observe aussi au niveau de l’école, où des gourous inquiétants s’échinent depuis un demi-siècle à détruire ce qui en reste, en remplaçant inlassablement le contenu par le contenant, l’acquisition des connaissances par une fumeuse « pédagogie »… avec les résultats que l’on voit… mais c’est une autre histoire) .

Benoît XVI : Un grand théologien, qui a passé sa vie à chercher la vérité et à enseigner à l’université, puis est devenu le pasteur de toute l’Église, qu’il a dirigée de manière décisive dans la recherche de Dieu, car seul Dieu assure la survie de l’homme. Un théologien humble, silencieux et priant, devenu un pasteur exemplaire, explique ce qu’il faut concevoir comme une authentique pastorale.

Le pastoralisme, ruine des prêtres et des fidèles

L’un des mythes post-conciliaires prétend qu’il y a une opposition entre l’étude et la pastorale : il ne serait pas « pastoral » de se consacrer à l’étude, à la recherche philosophique ou théologique, à l’enseignement de ces disciplines et à la publication de leurs résultats. Il arrive cependant que ce que les champions du mythe considèrent comme « pastoral » soit une piètre tromperie, un activisme « sans tête ». Les séminaristes sont envoyés prématurément dans les paroisses, avec pour conséquence la détérioration et le report des études ; de cette manière, la formation qui devrait être offerte au séminaire est sapée, et ainsi la désorientation s’implante dans la vie sacerdotale. En réalité, l’étude, dans le processus de formation au sacerdoce, doit aller de pair avec la prière, le silence et le détachement de la frénésie et de l’agitation « pastorale » (si nous pouvons les appeler ainsi). Il s’agit là d’un critère traditionnel dans l’Église, un critère que le Concile Vatican II a repris dans ses décrets : Presbyterorum ordinis, sur le ministère et la vie des prêtres, et Optatam totius Ecclesiae renovationem, sur la formation des prêtres.

Les déviations, dues à ce que l’on appelait  » l’esprit du Concile « , signifiaient que peu de séminaires offraient une préparation solide et approfondie. De vénérables maisons de formation au sacerdoce qui, en d’autres temps, disposaient de professeurs brillants, dotés d’une solide formation philosophique et théologique et donc d’un engagement total pour le salut des âmes, sont aujourd’hui tiraillées entre le rachitisme, l’agonie et, sous peu, plus que probablement la fermeture. La « pastorale » a fini par éclipser, voire exiler, le pasteur. Cette fausse opposition entre études et pastorale a également conduit, comme nous l’avons vu récemment, à la fermeture de séminaires professionnels florissants.

Lorsque j’étais séminariste, le séminaire de l’Immaculée Conception à Buenos Aires formait des jeunes hommes de tout le pays, et chacun était libre de choisir le séminaire dans lequel il souhaitait se préparer au sacerdoce. Mais après le Concile Vatican II, une division irréparable s’est créée dans l’Église. Si de nombreux séminaires sont restés prisonniers de positions progressistes, certains ont adopté le style traditionnel, adapté toutefois aux nouvelles circonstances. Ceux-ci ont dû surmonter de nombreuses difficultés, dues à une opposition majoritaire. Ils ont été calomniés et accusés de ne pas avoir pris en compte les innovations du Concile.

Pour ma part, tant comme recteur du séminaire diocésain de San Miguel, que l’évêque de ce diocèse m’avait demandé d’organiser, puis comme coadjuteur pendant un an et demi, que pendant les dix-huit années suivantes comme archevêque de La Plata (j’en étais le septième), j’ai commenté inlassablement les documents du Concile. Malheureusement, le progressisme, tant le plus intense que le plus ténu, a envahi, en général, la vie de l’Église ; avec les très graves conséquences que l’on peut observer : séminaires vides ou à moitié vides ; congrégations religieuses en ruines, sans vocations ; désorientation et division parmi les fidèles.

Il y a des évêques, il est vrai, qui se préoccupent sérieusement de leurs séminaires, sagement considérés comme le « cœur du diocèse », et qui, avec la collaboration de formateurs choisis et préparés, s’efforcent de former des pasteurs selon le Cœur du Christ et non fonctionnels à l’esprit du monde. Une fois ordonnés, ces prêtres sont envoyés se spécialiser dans des universités romaines, ou d’autres cloîtres européens prestigieux, et là, ils se consacrent pleinement à leurs études, ils ne font pas de travail pastoral, c’est-à-dire qu’ils ne rejoignent aucune paroisse ou mouvement et se contentent de célébrer la messe, peut-être dans un couvent voisin.

Malheureusement, il y a d’autres évêques qui professent le mythe qui oppose l’étude au travail pastoral, et les conséquences sont, dans de nombreux cas, regrettables. Sans une préparation solide, il est bien connu que pas mal de prêtres sont dévorés par le monde ; et le ministère lui-même finit par se désintégrer, souvent au milieu de désertions douloureuses et même de scandales.

La formation intellectuelle sûre, large et profonde obtenue par des années d’études garantit un engagement sérieux dans l’action pastorale directe, qui acquiert un sens d’inspiration à travers une dimension intellectuelle claire, solide et éclairée. Le mythe post-conciliaire de l’opposition a causé d’énormes dommages à l’Église. Plusieurs générations de prêtres, manquant de préparation intellectuelle, ont désorienté les fidèles ou, pire, les ont égarés avec des doctrines extravagantes et des idées de théologiens qui ne répondent pas à la grande tradition ecclésiale, ou les ont laissés désemparés devant toutes les erreurs du monde moderne. Le pastoralisme est relativiste, et son faux populisme est ruineux pour les fidèles.

Il faut relire les évangiles, pour reconnaître que Jésus n’a pas seulement annoncé la venue du Royaume, mais a aussi enseigné une doctrine. Les Apôtres, comme nous le voyons dans les épîtres de saint Paul, ont accordé une place importante à la dimension doctrinale, contemplative et priante du Royaume.

Il est nécessaire de relire les évangiles, reconnaître que Jésus n’a pas seulement annoncé la venue imminente du Royaume, mais qu’il a aussi enseigné une doctrine. Les Apôtres, comme nous le voyons dans les Lettres de saint Paul, ont accordé une place importante à la dimension doctrinale, contemplative et priante de la vie chrétienne. Cette expérience intérieure de la doctrine de la foi permettait de reconnaître les erreurs et de les combattre. Telle est la charge de Paul à ses disciples, par exemple, lorsque nous lisons dans la deuxième lettre à Timothée : « Je t’en conjure devant Dieu et devant le Christ Jésus qui doit venir juger les vivants et les morts, pour sa manifestation et son règne : annonce la parole, insiste à chaque occasion opportune et inopportune, avertis, réprimande, exhorte en toute magnanimité et doctrine. Car un jour viendra où l’on ne supportera plus la saine doctrine, mais où, pressés d’entendre quelque chose, les hommes s’entoureront de maîtres selon leurs propres désirs, refusant d’écouter la vérité et se tournant vers les fables. Mais veillez bien, supportez les épreuves, accomplissez votre travail d’annonce de l’Évangile, accomplissez votre ministère » (2 Tim 4, 1-5). Cette exhortation de l’Apôtre s’adresse (et c’est ainsi que nous devons la comprendre) aux pasteurs de l’Église de tous les temps ; et comment pourraient-ils la reprendre s’ils ne fondaient pas leur action pastorale sur l’étude assidue et la prière, toutes deux exercées par la foi ?

En outre, pour conclure, je dois dire que ceux qui se consacrent exclusivement à la recherche de la vérité, à l’enseignement et à la diffusion par le biais de publications, qui acquièrent aujourd’hui le nouveau mode de diffusion rapide via Internet, exercent une fonction strictement pastorale. Le populisme relativiste est une calamité qui doit être dépassée.

Une démonstration de haut niveau de ce que j’ai exprimé peut être trouvée dans l’œuvre modèle de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, qui est aujourd’hui à nouveau violemment vilipendé par les ennemis du Christ et de l’Église. Benoît XVI : Un grand théologien, qui a passé sa vie à chercher la vérité et à enseigner à l’université, puis est devenu le pasteur de toute l’Église, qu’il a dirigée de manière décisive dans la recherche de Dieu, car seul Dieu assure la survie de l’homme. Un théologien humble, silencieux et priant, devenu un pasteur exemplaire, explique ce qu’il faut concevoir comme une authentique pastorale. Benoît XVI s’inspire de l’œuvre de saint Benoît, telle qu’elle est exprimée dans la Regula monachorum : le triple engagement quotidien de prière, d’étude et de travail.

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