Un rappel très utile en ce moment, même pour les non-catholiques. Stefano Fontana ne prend pas position et ceux qui espèrent une polémique resteront sur leur faim. Il se contente de répéter les éléments du magistère qui définissent les critères d’une guerre « juste » (il faudrait mettre plusieurs guillemets) ou plutôt qui enferment un conflit armé dans le périmètre très strict de l’ « acceptable » (idem). Tout est question de « nécessité » et de « proportionnalité ». A noter: il n’y a pas qu’en politique, au niveau de l’Eglise aussi, les cartes sont rebattues. Il faut reconnaître à François le mérite de faire ce qu’il peut pour la paix (et on ne peut pas ne pas souscrire à son appel lors de l’Angelus de dimanche dernier), sans jeter inutilement de l’huile sur le feu (impression à confirmer…): pour une fois il « fait » le Pape, et cela mérite d’être souligné.

Des soldats ukrainiens secourent une femme

Chaque guerre a une histoire derrière elle. C’est une série de malentendus, de violences et d’injustices qui se sont accumulés et sont devenus des « structures de péché » (Jean-Paul II). Les iniquités produisent des dégâts dans le temps et laissent des traces qui pèsent sur l’avenir. Il est de notre devoir de revenir en arrière, de regarder le passé, de le clarifier à la lumière de la raison et de le pardonner à la lumière de la foi.

Défense et succès: ce que dit la doctrine sur la guerre

Stefano Fontana
7 mars 2022
https://lanuovabq.it/it/difesa-e-successo-cosa-dice-la-dottrina-sulla-guerra

Que dit la Doctrine sociale de l’Église à propos de la guerre ? Il n’existe aucun droit à une guerre d’agression, et même une guerre de défense est soumise à des critères très exigeants. La guerre d’agression doit toujours être condamnée et le droit à la légitime défense doit toujours être confirmé. Cependant, la légitime défense doit être proportionnelle et il doit y avoir des « conditions de succès fondées » pour pouvoir continuer à combattre.

Dans son homélie d’Angelus du dimanche 6 mars, le pape François a lancé un nouvel appel à la paix en Ukraine :

Je remercie tous ceux qui accueillent des réfugiés. Avant tout, j’implore que les attaques armées cessent et que la négociation et le bon sens prévalent. Et que l’on revienne au respect du droit international !

(…)

Le Saint-Siège est prêt à tout faire, à se mettre au service de cette paix. Ces jours-ci, deux cardinaux sont allés en Ukraine pour servir le peuple, pour aider. Le cardinal Krajewski, aumônier, pour porter secours aux nécessiteux, et le cardinal Czerny, préfet en exercice du Dicastère pour le service du développement humain intégral. Cette présence des deux cardinaux est la présence non seulement du Pape, mais de tout le peuple chrétien qui veut se rapprocher et dire : « La guerre est une folie ! Arrêtez, s’il vous plaît ! Regardez cette cruauté ! ».

La Doctrine sociale de l’Église a beaucoup traité de la paix et donc aussi de la guerre. En ces temps de danger et de tragédie, nous pouvons à nouveau nous appuyer sur ses critères de jugement. Il est bon d’essayer de comprendre les faits et le comportement des acteurs et d’étudier les antécédents des conflits. Pour ne pas se perdre, toutefois, dans la complexité de la casuistique, il est essentiel de se référer aux principes. La Doctrine sociale de l’Église donne ses enseignements à la lumière de la loi naturelle, élevée et purifiée, mais jamais niée ni étouffée, par la morale évangélique des béatitudes.

La guerre peut être d’agression ou de défense. Une guerre d’agression doit toujours être condamnée et le droit à la défense légitime de la patrie doit constamment être répété, tout comme le droit à la défense légitime de la famille contre ceux qui la menacent gravement. L’utilisation d’armes, même lorsqu’il y a un motif défensif évident, est toujours soumise à des limites éthiques. Le dommage causé par l’agression doit être « durable, grave et certain ». Il faut également qu’on ait pris sans succès toutes les mesures nécessaires pour éviter la nécessité d’utiliser les armes y compris pour la défense, qu’il existe des « conditions fondées de succès » pour éviter le sacrifice d’une nation entière et, enfin, que l’utilisation des armes ne cause pas de dommages et de désordres plus importants que le mal à éviter. Les deux principaux critères sont donc la nécessité et la proportionnalité. Il n’existe aucun droit à une guerre d’agression, et même la guerre de défense est soumise à des critères très exigeants.

Le droit des nations à la défense peut permettre des formes d’alliances entre États afin que même les plus faibles puissent être protégés. Les alliances défensives ne doivent cependant pas se transformer en alliances offensives qui menacent la paix. L’utilisation des armements pour des raisons défensives ne doit pas se faire en négligeant le devoir de rechercher énergiquement des accords internationaux pour un désarmement équilibré et progressif. La possession d’armements à des fins de défense n’est donc pas indifférente du point de vue moral et politique, comme si la question ne se posait que de leur utilisation. La possession n’est pas une variable indépendante, elle trouve sa légitimité dans l’effort constant pour convenir d’un désarmement progressif afin de réduire également les limites de la possession. Les deux critères de nécessité et de proportionnalité concernent donc non seulement l’utilisation des armes mais aussi leur possession, dans l’engagement de relever progressivement le seuil des deux critères. Sans cet engagement réel, la course aux armements devient coupable. L’accumulation d’armes n’est pas non plus destinée à la dissuasion, c’est-à-dire à retenir ou à dissuader les adversaires d’une éventuelle agression. La dissuasion devient une incitation à la poursuite d’armements toujours plus importants et accroît le danger.

La doctrine sociale de l’Église a imposé des limites très strictes non seulement au déclenchement d’une guerre, mais aussi à l’utilisation des armes après qu’une guerre ait éclaté, quel que soit le camp en conflit. Conformément au droit international humanitaire, les civils doivent être préservés, tant par l’agresseur éventuel que par ceux qui organisent une action militaire défensive. Le recours aux milices civiles et à la résistance civile, en particulier l’utilisation de femmes et d’enfants, doit être évité par les parties belligérantes. Les personnes qui cherchent à se réfugier dans d’autres pays pour échapper à la guerre dans leur propre pays doivent pouvoir compter sur des couloirs confidentiels et sur l’aide de la communauté internationale.
En de telles occasions, il convient de veiller tout particulièrement à ne pas diviser les familles.

Il est possible qu’une minorité soit soumise à de graves menaces non seulement pour sa liberté, mais aussi pour sa survie même. Dans de tels cas, la communauté internationale a un devoir d’ingérence humanitaire, sur la base duquel elle peut intervenir pour protéger les victimes et empêcher une violence systématique qui va parfois jusqu’au génocide. Dans ces cas très graves, la souveraineté des Etats peut ne pas être respectée, mais il faut faire très attention car l’intervention humanitaire n’est pas un droit, c’est un devoir. Elle est donc soumise aux principes généraux qui rendent la guerre légitime, comme on l’a vu plus haut, ainsi qu’au droit international.

Les sanctions, notamment économiques, ne peuvent être prises que dans certaines conditions et à certaines fins. Elles doivent conduire à la négociation et au dialogue, elles ne doivent pas peser sur la population comme une punition aveugle, elles doivent être limitées dans le temps, judicieusement contrôlées pour ne pas faire souffrir toute la population.

Chaque guerre a une histoire derrière elle. C’est une série de malentendus, de violences et d’injustices qui se sont accumulés et sont devenus des « structures de péché » (Jean-Paul II). Les iniquités produisent des dégâts dans le temps et laissent des traces qui pèsent sur l’avenir. Il est de notre devoir de revenir en arrière, de regarder le passé, de le clarifier à la lumière de la raison et de le pardonner à la lumière de la foi. Les idéologies politiques athées et inhumaines ont été et sont encore de grandes causes de guerres. Vérifier et purifier le passé implique également de s’en libérer. L’Europe, en particulier, en est encore lourdement chargée, ce qui a conduit et conduit encore à des formes de « guerre civile » européenne à surmonter.

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