La chronique hebdomadaire en anglais d’Andrea Gagliarducci revient sur cet anniversaire du 13 mars qui, actualité oblige est passé cette année largement en dessous des radars. 9 ans, c’est le temps du bilan, mais aussi de la perspective d’un prochain conclave (ce n’est pas une spécificité de ce pontificat). Andrea Gagliarducci pose la question « Quelles promesses ont été tenues?  » : soit dit en passant, une question qui devrait concerner un politicien, pas un Pape – mais avec CE Pape, tous les repères ont été chamboulés -. Et d’ailleurs, de quelles promesses parle-t-on? Celles faites au « peuple de Dieu », ou à la « mafia de Saint-Gall »? En fin de compte,, si on lit l’analyse qui suit entre les lignes, les promesses qui ont été tenues sont celles qui nuisent à l’Institution.

Le pape François a demandé [le 13 mars 2013] au peuple de le bénir avant de donner la bénédiction. Que signifiait ce geste ? Neuf ans après, il ressemble presque à une demande de légitimité.


En Amérique latine, les dirigeants comptent plus que les institutions. Et ils comptent plus que les institutions parce que la volonté du peuple les soutient. La bénédiction du peuple, donc, confirme cette volonté du peuple. Avec cette demande, le pape François nous a dit qu’il prendrait lui-même toutes les décisions et briserait toutes les formalités pour en créer de nouvelles.

Pape François, quelles promesses ont été tenues ?

http://www.mondayvatican.com/vatican/pope-francis-what-promises-have-been-kept

Le 13 mars dernier, c’était le neuvième anniversaire de l’élection du pape François. Au moment où François est sorti de la loge des bénédictions et a prononcé ses premiers mots en tant que pape, a commencé un pontificat qui promettait beaucoup et suscitait de nombreux espoirs. Maintenant que nous entrons dans la dixième année du pontificat, quelles sont les promesses qui ont été tenues ? Et quel sera l’héritage du pape François ?

Dans son premier discours, le pape François a souligné qu’il voulait commencer un voyage « entre l’évêque et le peuple, entre le peuple et l’évêque. » Dès le début, le pape François a voulu marquer son pontificat sur le thème de l’Église sortante, qui avait également caractérisé son discours aux congrégations générales. Et dans ces paroles, on pouvait déjà trouver une impulsion vers la synodalité, qui l’a conduit à convoquer deux synodes spéciaux et à célébrer deux autres synodes ordinaires, et enfin à convoquer un synode sur la synodalité avec l’idée d’impliquer tout le peuple de Dieu.

Mais comment cette impulsion sur la synodalité s’est-elle concrétisée ? Le style de gouvernement du pape François a toujours été celui d’un seul homme aux commandes. Le pape a pris des décisions impopulaires, contre tout avis obstiné et contraire, comme dans le cas de l’abolition de la libéralisation de la célébration antique de la messe. En fait, beaucoup lui avaient déconseillé de publier Traditionis Custodes telle qu’elle était rédigée, car elle fut très vite considérée comme un acte de guerre par certains groupes traditionalistes. Plus qu’unir, elle diviserait. Mais le pape François, qu’on le veuille ou non, est un facteur de division. Il l’était en Argentine, en tant que provincial des Jésuites, et aussi en tant qu’archevêque de Buenos Aires, et il l’est encore plus en tant que Pape. La synodalité devait apporter une plus grande participation. Pour l’instant, cependant, elle a apporté plus de débats et de désunion.

Dans son premier salut, le pape François a prié pour que le monde entier soit une véritable fraternité. Immédiatement, il a souhaité que la promotion de ce que l’on appelle la culture de la rencontre figure dans les communiqués de presse qui suivent les rencontres avec les chefs d’État. Le thème de la fraternité est ensuite devenu central, d’abord avec le Document sur la fraternité humaine signé à Abu Dhabi en février 2019, puis même avec une encyclique, « Fratelli Tutti. »

Pourtant, le thème de la fraternité a été plus difficile à concrétiser. Non pas que le pape François ne s’engage pas lui-même, avec un engagement personnel extraordinaire qui l’a conduit à dialoguer toujours et dans tous les cas, et à n’importe quel prix. Mais justement, cette volonté totale de dialogue a créé des déséquilibres.

Par exemple, la proximité avec le monde islamique sunnite, qui a donné lieu à cinq rencontres avec le Grand Imam d’al Azhar et au document sur la fraternité humaine, a entraîné un déséquilibre dans les relations avec le monde chiite. Ce déséquilibre n’a été que partiellement résolu avec la rencontre avec le Grand Ayatollah al Sistani en Irak en mars 2021.

Et puis, la volonté du pape François de rencontrer le patriarche moscovite Kirill a donné lieu à une déclaration commune très déséquilibrée en faveur du parti moscovite en 2016. Le pape François s’est empressé de définir cette déclaration comme « pastorale ». Mais tout ne peut pas être considéré comme pastoral. En effet, tout déséquilibre du côté pastoral risque de perdre du côté institutionnel.

Le pape François a demandé au peuple de le bénir avant de donner la bénédiction. Que signifiait ce geste ? Après neuf ans, il ressemble presque à une demande de légitimité. Le pape François, qui vient du bout du monde, semble interpréter le Vatican comme déconnecté de l’histoire. Il insiste constamment sur la nécessité de ne pas être lié au « cela a toujours été fait de cette façon », mais c’est la justification de chacune de ses décisions qui semble créer un déséquilibre.

En Amérique latine, les dirigeants comptent plus que les institutions. Et ils comptent plus que les institutions parce que la volonté du peuple les soutient. La bénédiction du peuple, donc, confirme cette volonté du peuple. Avec cette demande, le pape François nous a dit qu’il prendrait lui-même toutes les décisions et briserait toutes les formalités pour en créer de nouvelles.

Mais pas seulement. Le salut du pape François il y a neuf ans indiquait déjà que le pape n’aurait aucun doute sur le fait de choisir la pastorale plutôt que les institutions. Son choix de ne pas porter la mozzetta rouge est une rupture non seulement avec la tradition mais aussi avec le langage pontifical. Ce geste disait que l’institution serait moins essentielle que la volonté personnelle.

Nous ne devons pas nous tromper, le Pape François est un Pape avec une foi catholique solide, profondément traditionnel dans certains cas [??], également capable de faire des exceptions concernant sa façon de penser quand il le trouve commode [comme par ex. quand il exempte la FSSP de l’application du MP « Traditionis custode »?]. Mais c’est un Pape pragmatique et attentif à l’opinion publique.

Depuis le début du pontificat, chaque geste a été souligné, à commencer par le paiement de sa chambre en période de pré-conclave. Bien sûr, le pape François lui-même n’a pas manqué d’expliquer personnellement certaines décisions lors des conférences de presse dans l’avion ou dans des interviews, mais en même temps, il n’a jamais cherché à être précis dans ses réponses. Et ce, parce qu’IL EST l’institution et que personne ne peut le juger.

Si telles étaient les promesses, force est de constater qu’elles ont été tenues. Le pape a brisé le récit sur l’Église, comme on [?] l’attendait et l’espérait, mais ce faisant, il a aussi frappé durement l’institution et son vocabulaire. La conséquence a été que l’institution n’est devenue utile que lorsque d’autres l’ont jugée digne d’intérêt.

Le premier grand succès diplomatique du pape François a été le rétablissement des relations entre Cuba et les États-Unis, le second la prière pour la paix en Terre Sainte dans les jardins du Vatican. Cependant, les autres médiations n’ont pas fonctionné (pensons à celle du Venezuela) pour un Saint-Siège qui semble avoir perdu son rôle essentiel sur la scène internationale.

Le Pape, dont les gestes restent appréciés [ndt: toute la question est: par qui? en fait, par les médias, et plus largement les ennemis de l’Eglise], ne l’a pas perdu. Les encycliques et les commentaires sur les questions d’actualité sont toujours diffusés avec enthousiasme, alors que les commentaires du Pape ne sont pas couverts lorsqu’il s’exprime de manière authentiquement catholique [ndt: càd assez rarement, et souvent en petit comité].

Neuf ans plus tard, telle est l’Église du pape François. Mais la question est de savoir ce qui restera de l’Église après le pontificat. C’est-à-dire : si toute cette centralisation sur le Pape laissera un vide lorsque le Pape François sera parti.

Share This