C’est une nouvelle qui concerne un public « de niche » et qui est évidemment passée sous les radars des médias. Mais en même temps, elle est essentielle pour ceux qui s’intéressent au cours de l’Eglise sous ce pontificat, car elle illustre à la perfection la « méthode François » pour gouverner l’Eglise, et les obsessions qui vont avec. A la suite d’une polémique exposée dans l’article qui suit (paru sur le portail catholique hispanophone Aciprensa et cité en lien par Marco Tosatti) et qui a culminé avec la fermeture du séminaire en novembre 2020, jusqu’à la démission de l’évêque (progressiste!) Taussig en février dernier, un prêtre du diocèse de San Rafael a écrit une belle lettre au Pape. Une sorte de plaidoyer pour la Tradition. Et le Pape lui a répondu…

(…) la rigidité n’est pas un don de Dieu, la douceur, la bonté si, la bienveillance si, le pardon si, mais la rigidité non! Car, comme tu le pressens toi-même, la rigidité est le prélude à l’idéologie qui fait tant de mal et qui a conduit les rigides de l’époque de Jésus à le condamner pour avoir placé la miséricorde au-dessus de la loi

La lettre du pape François désigne la « rigidité » comme cause de la fermeture du séminaire argentin

www.aciprensa.com/noticias/papa-francisco-se-pronuncia-en-una-carta-sobre-la-crisis-en-diocesis-de-san-rafael

Le pape François s’est exprimé sur la crise actuelle dans le diocèse argentin de San Rafael, qui s’est aggravée à la suite de la fermeture du séminaire de Santa María Madre de Dios en novembre 2020.

Le Saint-Père a répondu à une lettre qui lui a été adressée le 17 avril 2022 par le père Ramiro Saenz, de la paroisse de Nuestra Señora del Rosario dans le diocèse de San Rafael.

« Comme vous le savez, nous avons vécu des moments très difficiles avec de nombreux malentendus. Nous sommes un secteur de l’Église du Christ qui vous a été confié. Nous aimons le Christ, nous aimons la Sainte Vierge, nous aimons l’Église que vous présidez », dit le prêtre dans sa lettre.

« Nous confessons, nous faisons de la mission, nous prêchons des retraites, nous avons plusieurs chapelles d’adoration perpétuelle (dans presque toutes les églises, nous faisons une adoration toute la nuit du Jeudi saint), nous prions quotidiennement l’Office divin et le Rosaire, nous méditons, nous lisons les grands maîtres de la vie spirituelle, nous nous occupons des malades et des plus démunis, nous avons presque tous risqué notre vie en nous occupant des patients du COVID ».

« Nous ne sommes pas parfaits mais nous voulons travailler pour le Christ et son Église. Croyez, Sainteté, en notre bonne volonté ».

« Nous avons presque tous été formés sans fracture par Vatican II. Nous avons pris l’Optatam totius [Le renouveau souhaité pour toute l’Église, décret sur la formation des prêtres approuvé par Vatican II et promulgué par Paul VI le 28 octobre 1965] et le Presbyterorum Ordinis [Décret sur le ministère et la vie des prêtres, promulgué par Paul VI le 7 décembre 1965] à la lettre. Cette rigidité est-elle mauvaise ? Est-ce de l’idéologie ? N’avons-nous pas une place dans l’Église d’aujourd’hui ? N’y a-t-il pas une petite face pour nous dans le polyèdre [une image chère à François, en opposition à la sphère où tous les points sont à la même distance du centre, ndt]?  » demande le prêtre argentin au pape François.

Le prêtre faisait référence à deux documents qui ont trait à la formation des prêtres et qui étaient au cœur du séminaire Santa Maria Madre de Dios, fermé après une série de protestations de la part des prêtres, des séminaristes et des fidèles locaux.

« Nous avions un diocèse qui était fécond en prêtres et en œuvres apostoliques. Ne le laissez pas stagner. Aujourd’hui, le monde a plus que jamais besoin de nous. Par les plaies du Christ, je vous confie notre diocèse, ses prêtres et ses fidèles », conclut le prêtre.

La réponse du pape François

Nous avons eu accès à la réponse du pape François, dans une lettre datée du 9 juillet 2022.

« Je te remercie de ta confiance et de ta sincérité. Je sais que tu traverses une période difficile, crois-moi, c’est difficile pour moi aussi. Je suis sûr qu’ils sont nombreux à travailler sans relâche avec abnégation pour le peuple de Dieu, en lui apportant consolation et paix à travers les sacrements et la Parole ».

« Dans ta lettre, tu me fais remarquer qu’ils ont pris le Concile Vatican II au pied de la lettre et immédiatement après, tu me demandes si la rigidité est une mauvaise chose. Je dois te dire que c’est une chose de marcher dans la loi du Seigneur, comme nous y invite le psaume (« heureux l’homme qui marche dans la loi du Seigneur ») et une autre d’être rigide ».

« Cher fils, la rigidité n’est pas un don de Dieu, la douceur, la bonté si, la bienveillance si, le pardon si, mais la rigidité non! Car, comme tu le pressens toi-même, la rigidité est le prélude à l’idéologie qui fait tant de mal et qui a conduit les rigides de l’époque de Jésus à le condamner pour avoir placé la miséricorde au-dessus de la loi« , écrit le pape François.

Le Saint-Père assure ensuite que

« bien sûr, dans l’Église de Jésus, qui est la même hier, aujourd’hui et toujours, nous avons tous une place, TOUS ! C’est pourquoi la rigidité n’est pas possible, car elle ferme les portes à ‘tout le monde’ et ne les laisse entrouvertes que pour les ‘parfaits' ».

« Je suis sûr que dans ton cœur de bon berger, il y a aussi de la place pour tout le monde. Je retiens tes mots : ‘Aujourd’hui, le monde a plus que jamais besoin de nous’. Je compte sur toi », conclut le pape François, en demandant, comme d’habitude dans ses écrits et ses discours, que l’on prie pour lui.


La situation à San Rafael

Le 5 février 2022, le pape François a accepté la démission de l’évêque de San Rafael (Argentine), Mgr Eduardo María Taussig, un an et demi après la décision controversée de fermer le séminaire diocésain.

L’évêché de San Rafael a vécu une période de forte tension avec un groupe important de fidèles et de prêtres, un épisode qui remonte à la mi-2020.

En juin 2020, lors de l’annonce de la reprise du culte public suspendu en raison de la pandémie de COVID, Mgr Taussig a établi que la communion ne pouvait être reçue que debout et dans la main, et non dans la bouche et à genoux.

Outre l’agacement qui s’est manifesté parmi les laïcs et les prêtres du diocèse de San Rafael, la décision de l’évêque Taussig a également provoqué des tensions au sein du séminaire.

Le 27 juillet de la même année, l’évêque de San Rafael a annoncé que, sur ordre du Vatican, le séminaire Santa María Madre de Dios serait fermé d’ici à la fin de 2020 et que les séminaristes seraient relocalisés dans d’autres diocèses d’Argentine.

Ni l’évêque ni le Vatican n’ont expliqué les raisons de cette fermeture, qui a eu lieu le 27 novembre 2020.

Le séminaire du diocèse de San Rafael était l’un des plus florissants d’Argentine et de toute l’Amérique latine, avec un nombre important de vocations.

En décembre 2021, soit un peu plus d’un an après la fermeture du séminaire, le diocèse de San Rafael a finalement rendu compte du sort des séminaristes qui y étaient formés, indiquant qu’un groupe de 12 personnes était réparti « dans quatre séminaires de quatre autres diocèses d’Argentine », sans préciser combien d’entre eux avaient décidé d’abandonner la formation sacerdotale après la controverse.

Le séminaire a été fondé le 25 mars 1984 par l’évêque León Kruk. Depuis sa création, il s’est distingué par sa fidélité à l’Église et la formation droite que les futurs prêtres y ont reçue.

Compte tenu du succès du séminaire et des doutes d’autres évêques, des pressions ont été exercées pour envoyer un visiteur du Vatican, qui est arrivé du 11 au 14 juin 1986.

Le résultat a été la confirmation de l’œuvre par le Pape saint Jean Paul II.

Après la fermeture du séminaire en 2020, les fidèles du diocèse de San Rafael ont mené divers actes de protestation, ainsi que des appels à la prière du chapelet devant les locaux de l’évêque et de nombreuses caravanes de voitures dans les rues des villes du diocèse argentin.

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