Andrea Cionci a lu le livre du « mathématicien » Piergiorgio Oddifreddi, relatant ses (prétendus) entretiens avec Benoît XVI (et il arrive aux mêmes conclusions que moi concernant l’exploitation du nom de Benoît XVI, et le fait qu’il ait accepté de signer – même conjointement – un livre qui est pourtant loin d’être écrit « à quatre mains » comme Oddifreddi le laisse supposer). Il y trouve la confirmation de sa thèse, de plus en plus documentée (y compris par les dernières décisions de François) sur le fameux « code Ratzinger », mais même sans y adhérer et sans voir des « codes » partout, on trouvera des révélations inédites et, de façon indirecte, des confidences troublantes du Saint-Père.

Lire aussi, dans ces pages:

et aussi, autour de la « démission » et des questions soulevées par Antonio Socci en 2014:

Les « codes Ratzinger » dans le livre d’Odifreddi.

Benoît XVI dévoile Bergoglio au mathématicien athée

Andrea Cionci
www.liberoquotidiano.it/articolo_blog/blog/andrea-cionci

Un exemple exceptionnel de dialogue entre la foi et la science… une correspondance épistolaire intense et profonde entre le mathématicien athée Piergiorgio Odifreddi et le pape Benoît XVI ».

C’est ainsi que se présente le livre « In cammino alla ricerca della verità » (mai 2022), mais par rapport aux 150 pages de réflexions verbeuses d’Odifreddi qui, avec une érudition pourtant notable, propose les clichés habituels de l’athéisme militant (y compris la citation épuisante de l’histoire d’Hypatie [ndt: cf. fr.wikipedia.org/wiki/Hypatie, mais avec de pincettes!]), les pages de Benoît XVI sont moins de vingt, dont plus de la moitié sont des cartes de vœux, des excuses pour le retard de la réponse et des bénédictions pour les cas personnels du mathématicien. Il est un peu léger de parler d’un « dialogue exceptionnel entre la science et la foi ». La sensation désagréable que l’on ressent est qu’Odifreddi a eu peu de tact et beaucoup de calcul, en bon mathématicien, pour vendre son monologue roboratif comme un dialogue avec le pape de 90 ans qui, le pauvre, s’excuse continuellement de ne pas avoir la force et la santé de répondre en détail.

Pourtant, malgré la disproportion flagrante – au moins en quantité – entre les contributions, le Saint-Père, dans sa générosité et en grand seigneur qu’il est, a autorisé cette publication avec une double signature, après avoir relu les épreuves.

En fait, dans la première partie où le mathématicien rapporte les savoureuses conversations personnelles qu’il a eues avec le vrai pape en situation de « Siège empêché » (sede impedita), il y a des perles, des codes merveilleux de Ratzinger qui ont échappé à la compréhension d’Odifreddi qui, lui aussi – il faut le reconnaître – s’était rendu compte que quelque chose clochait dans sa « démission ».

Pour commencer, voici ce que dit le mathématicien :

Je lui dis que je l’ai vu à la télévision avec les nouveaux cardinaux nommés au Consistoire il y a une dizaine de jours [ndt: en 2016, voir benoit-et-moi.fr/2016/benot-xvi/benoit-xvi-benit-les-nouveaux-cardinaux], et il me fait remarquer que c’est le pape François qui a insisté pour cette rencontre : peut-être pour suggérer que c’était PLUS UN DEVOIR QU’UN PLAISIR.

Bon à savoir, d’ailleurs, on ne peut retenir un grand sourire en repensant à la même occasion, trois ans plus tard, (2019) quand l’antipape François avait présenté ses pseudo-cardinaux à l' »émérite », Benoît XVI qui leur avait dit : « Je vous recommande la fidélité au pape », évidemment SANS PRECISER QUI. Nous apprenons donc qu’en 2016, le pape Benoît, à contrecœur, avait reçu ces ecclésiastiques abusivement vêtus de rouge, parce que Bergoglio tenait à ce qu’ils lui soient présentés, probablement dans la pieuse illusion qu’ils pourraient ainsi être validés.

Odifreddi poursuit :

En ce qui concerne les deux livres [de Peter Seewald??] , je lui fais remarquer que la justification qu’il donne pour sa démission, à savoir qu’elle est dictée par la prise de conscience qu’il ne peut plus faire de voyages intercontinentaux, en général, ni participer aux Journées de la jeunesse, en particulier, est apparue à beaucoup comme une simple excuse diplomatique. Mais il nie calmement, et confirme avec un sourire désarmant : « Mais non, c’est comme cela ».

Et il a raison, c’est exactement cela : le pape Ratzinger a été empêché d’exercer ses fonctions, il ne pouvait plus « faire le pape », voyages compris. Comme toujours, Benoît dit la vérité.

Il est cependant admirable que sur la question criante de la soutane blanche, Odifreddi ait au moins eu un doute.

J’insiste sur le fait qu’au moins l’excuse qu’il a donnée à Andrea Tornielli dans une lettre [allusion à une lettre qu’Andrea Tornielli avait écrite au saint-Père en février 2014, et à la réponse ironique de celui-ci, détail ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/la-lettre-de-benoit-xvi-a-tornielli], de continuer à s’habiller en pape parce qu’il n’y avait pas d’autres soutanes disponibles, semble franchement incroyable : surtout au Vatican, où les soutanes noires et rouges ne manquent pas, et où les blanches sont presque cousues au pape nouvellement élu au dernier moment. Mais là encore, Benoît XVI confirme, ajoutant que dans les jours tourmentés de sa démission, il n’a même pas eu le temps de faire ses valises. Je lui demande s’il ne porte la soutane blanche que lorsqu’il reçoit quelqu’un, mais il secoue la tête et dit qu’il la garde même lorsqu’il est seul. Je vois qu’il a maintenant des sandales de moine aux pieds au lieu des fameux « mocassins rouges ».

Dix-sept jours se sont écoulés entre la Declaratio et l’abandon du « siège de Saint-Pierre », soit plus qu’assez de temps pour que le pape puisse s’offrir une soutane de la couleur qu’il souhaite, sans parler des trois années suivantes (l’interview a eu lieu en 2016). Benoît XVI poursuit donc avec humour en essayant de faire comprendre au mathématicien que, dans les jours convulsifs de son détrônement, il n’a pas abandonné la soutane blanche « pour des raisons pratiques » – comme il l’a écrit à Tornielli – car il n’existe pas de soutane spécifique pour un pape empêché. Mais il porte toujours une soutane différente de celle d’un pape, puisqu’il a enlevé sa cape et son écharpe, symbolisant les deux éléments du ministère auxquels il a de facto renoncé : la proclamation de l’Évangile et le gouvernement de la barque de Pierre.

Le mathématicien raconte ici une anecdote intéressante :

« Je me souviens lui avoir dit que LA VÉRITÉ peut avoir deux anagrammes antithétiques, reflétant nos positions respectives : pour lui, elle est RÉVÉLÉE, pour moi, RELATIVE. Le pape semble surpris et étonné, et commente qu’il est extraordinaire qu’un jeu de mots puisse cacher quelque chose d’étonnamment profond. Je suppose qu’il aime les anagrammes, et il confirme que cela a toujours été le cas.

Cela ressemble presque à une phrase préparée, comme celles des livres de Seewald : en fait, le Code Ratzinger est truffé de jeux de mots, d’amphibologies et d’énigmes dont Benoît XVI est passé maître, comme son acteur bien-aimé Karl Valentin ICI.

Odifreddi poursuit :

Je cite ensuite les faux pas du pape François en matière de réformes, comme les nominations embarrassantes de Mgr Lucio Vallejo Balda et de Mme Francesca Immacolata Chaouqui, qui ont ensuite été jugés et condamnés dans le cadre du scandale Vatileaks 2. Le pape Benoît secoue la tête avec tristesse, soulignant avec un sourire amer qu’il s’agissait de nouvelles nominations, et non de personnes choisies par lui.

Justement, des nominations par Bergoglio, complètement invalides, comme tout ce que l’anti-pape a fait.

(…)

Mais Odifreddi nous livre ici une perle :

Il me vient à l’esprit, par association d’idées, que le lendemain sera le cinquième anniversaire de l’élection de François, et je demande à Benoît XVI quel est le bilan d’un pontificat qui semble avoir suscité plus d’attentes qu’il n’a pu en satisfaire. Le pape émérite répond que Bergoglio est une personne très cultivée, même si ses manières simples peuvent être trompeuses.

Vous aurez saisi l’extraordinaire et raffinée amphibologie : la phrase peut être comprise comme signifiant à la fois que les manières familières et faciles de Bergoglio peuvent suggérer à tort qu’il n’est pas une personne instruite; ou que, bien qu’instruit, il n’est pas une bonne personne et peut tromper avec ses manières amicales, comme le démontrent en fait pleinement diverses fictions de propagande de Bergoglio, comme la fausse visite surprise au magasin de disques, préparée par son photographe Javier Martinez Brocal. En répétant l’histoire du « journaliste qui s’est trouvé là par hasard », Bergoglio a en fait trompé un milliard et plus de personnes avec sa manière simple façon « l’un parmi nous ».

Le mathématicien poursuit :

Je réclame plutôt la permission de demander des éclaircissements sur un point délicat qui a été soulevé par Padre Georg: la désormais célèbre distinction entre le « pape actif » et le « pape contemplatif ». Benoît XVI reste silencieux pendant un moment, se demandant peut-être s’il doit aborder cette question ou non, puis confirme. Et il répète l’analogie du père qui, même s’il renonce à ses fonctions de père, reste un père. En d’autres termes, il reste pape « ontologiquement, mais pas fonctionnellement » : d’où il résulte notamment qu’il n’y a qu’un seul pape régnant.

C’est une référence à une vieille coutume des paysans bavarois : à un certain âge, le fermier se retire dans une petite dépendance et laisse à son fils la gestion de tout. Mais ce n’est pas pour autant le père cesse d’ÊTRE père, plutôt il cesse de FAIRE le père. Donc Benoît – dans la mesure où il est en état de Siège empêché – reste pape en ETANT pape, ontologiquement, mais sans les fonctions qui sont gérées par celui qui N’EST pas le pape, mais qui FAIT le pape en tant qu’usurpateur, c’est-à-dire le pape régnant illégitime. En effet, Mgr Gänswein ne parlait pas d’un pape actif et d’un pape contemplatif, mais de deux membres (un actif et un contemplatif) inclus dans une « sorte de ministère étendu dans lequel il n’y a qu’un seul pape légitime, mais deux successeurs vivants de saint Pierre ». Donc, puisque Benoît est en situation de Siège empêché, le pape légitime est le pape contemplatif, Ratzinger, l’émérite, c’est-à-dire celui qui a le droit d’être pape, tandis que le membre actif est le pape illégitime, Bergoglio, le régnant, c’est-à-dire celui qui fait le pape.

Ce n’était pas si facile à comprendre, mais si nous y sommes parvenus, la question était tout à fait à la portée d’un logicien comme Odifreddi qui, dans ce qui suit, nous donne une excellente remarque sur les méthodes de communication de Bergoglio:

Comme vous le savez, Scalfari et le pape François ont une relation amicale, à certains égards similaire à celle que nous avons. A la différence que Scalfari, chaque fois qu’il sort d’une conversation privée avec Bergoglio, la publie, à l’enseigne d’une interprétation fantaisiste de la devise de [George] Berkeley (1685-1753): esse est percipi (a legentibus).
.
Comme si cela ne suffisait pas, à chaque fois, le journaliste met dans la bouche du pape des affirmations pour le moins saugrenues, la dernière en date étant que l’enfer n’existe pas et que les âmes damnées ne vont nulle part, mais se « dissolvent » tout simplement. Régulièrement, le porte-parole du pape dément que ces propos ont été tenus, mais régulièrement, le journal continue de les publier, sans jamais rapporter les démentis, et sans que le Vatican ne lui demande de le faire. Le 2 avril, à l’occasion de la journée consacrée dans le monde entier à la stigmatisation des soi-disant fake news, j’ai donc invité sur le site de la Repubblica le fondateur et le journal à cesser de pratiquer ce type de journalisme mensonger et trompeur. Qu’avais-je dit là!!! Au lieu d’un improbable mea culpa, on a assisté à un déchirement de vêtements pharisaïque, suivi de mon renvoi prévisible. Ce n’était pas plus mal pour moi car, depuis un certain temps, je ne me sentais plus en phase avec le journal auquel j’avais collaboré pendant dix-huit ans. Mais très mauvais pour l’Église, car tous les autres journaux et leurs lecteurs continuent de se demander pourquoi le pape François insiste pour parler à un journaliste peu fiable, qui lui fait dire des choses tout simplement « hérétiques ». À présent, la perception répandue est que Bergoglio et Scalfari jouent de concert, pour faire passer en contrebande des idées qui ne pourraient pas être diffusées ouvertement.

Parfait. Ici, Odifreddi a mis le doigt sur le problème. Quel dommage, cependant, qu’il n’ait pas été intrigué par l’extraordinaire blague du pape quand le mathématicien lui soumet cet indigeste pavé mystificateur du film « Les deux papes », dont nous avons traité ICI :

Le mathématicien raconte :

Le rôle de Benoît est joué par Anthony Hopkins, un acteur oscarisé, et Ratzinger note qu’il y a une certaine ressemblance entre eux [bof…!]: y compris par l’âge, ajouterais-je, puisque Hopkins a dix ans de moins, et que le film raconte des événements d’il y a dix ans. En revanche, c’est Jonathan Price dans le rôle du Pape François qui ne convainc pas Ratzinger, SURTOUT POUR LA COULEUR DE LA PEAU.

Pensez-vous vraiment que la critique de Benoît XVI visait la maquilleuse, coupable d’avoir choisi la mauvaise nuance pour le blush de Jonathan Price? C’est clairement une blague pour dire que Price n’a pas la bonne « peau », blanche, c’est-à-dire qu’il porte la tenue d’un pape et que cela ne le convainc pas car Bergoglio n’est pas le pape.

(…)

Nous vous quittons avec une dernière allusion amphibologique émouvante du Saint-Père, lorsqu’en plein Covid, il envoie une note à Odifreddi : «Nous aussi, nous vivons dans notre petit monastère dans une sorte de quarantaine et nous espérons le retour de la liberté».

Mais cela semblera aux bergogliens et aux « una cum » [ceux qui restent en communion avec le Pape, par opposition aux « non una cum », les sédévacantistes qui refusent de citer le Pape lors du canon de la messe] une considération banale en temps de pandémie, nous savons que seuls ceux qui « ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre » le comprendront.

Nous le faisons exprès : en suivant l’exemple du pape Benoît, nous devons toujours laisser un peu d’ombre pour les incrédules.

Share This