Sandro Magister notait dans son dernier billet: « L’insignifiance politique de l’Église dans l’Italie d’aujourd’hui (on pourrait même dire « dans le monde d’aujourd’hui ») est une réalité désormais incontestable et qui contraste nettement avec la centralité que la question catholique a eue par le passé dans ce pays ». Cette insignifiance a connu une accélération exponentielle durant les 9 années de pontificat de Jorge Mario Bergoglio, malgré ou à cause du culte de la personnalité qu’il a développé autour de son ego, et les élections de dimanche dernier l’ont une nouvelle fois mis en évidence. Les pasteurs, qui devraient se mettre devant le peuple pour le conduire et l’éclairer se sont tellement rangés du côté du pouvoir mondialiste qu’on se demande ce qu’ils attendent pour prendre leur carte du Parti Démocratique (la même chose vaut chez nous, où à quelques rares exceptions près, le discours des évêque se démarque peu de celui des dirigeants socialistes & cie). Le blog d’AM Valli nous en offre aujourd’hui un aperçu savoureux, mais surtout dramatique, à travers 3 interviews publiées ces jours-ci dans la presse italienne (le plus triste, c’est que le cardinal Ruini, réputé fidèle de Benoît XVI, est le protagoniste de la troisième…)

Et ceux-là seraient catholiques…

Réflexions en marge de quelques interviews

L’analyse de ce qui est proposé ces jours-ci par plusieurs organes d’information, dont l’apparente diversité et multiplicité semble satisfaire le besoin d’une communication « libre, pluraliste et démocratique » ressenti par l’écrasante majorité du peuple italien, nous offre d’authentiques perles de sagesse impartiale ainsi que de stricte adhésion à ce qu’on nomme « pensée unique ». Il est donc instructif de donner un petit aperçu de ces richesses, prodiguées sans compter par les lobotomiseurs professionnels qui peuplent l’agora médiatique actuelle. En l’occurrence, leurs interlocuteurs sont, hélas, des figures de proue de notre agonisante Église catholique, apostolique et romaine. Les voici.

Avvenire 1 – Interview du Cardinal Zuppi [archevêque de Bologne et président de la CEI] du 28 septembre 2022

Ce qui suit est un très bref extrait de l’interview que le prélat a accordée au journaliste Mimmo Muolo .

Mais certaines positions de la coalition gagnante ne sont pas toujours en accord avec la Doctrine sociale. Comment imaginez-vous le dialogue avec ces forces politiques ?

Comme toujours. Ce sera un dialogue qui aura toujours en son centre la belle Doctrine sociale de l’Église, qui a tant à dire aujourd’hui dans les défis auxquels nous sommes confrontés. Et cela signifie la défense de la personne, la défense des droits individuels et des droits de la communauté, comme il est écrit dans la note [la référence est une note publiée le 27.9].

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Mais dans un scénario politique où, en fin de compte, toutes les forces politiques sont minoritaires (même celles qui sont majoritaires au Parlement en raison de la loi électorale), qu’est-ce qui peut unir les Italiens ?

Les défis. Comme l’a dit le Premier ministre Draghi lors du Meeting de Rimini, l’Italie était grande quand elle ne pensait pas toute seule. Nous avons l’Europe, avec ses limites mais aussi avec l’extraordinaire patrimoine qu’elle représente. Nous devons donc essayer de nous enraciner de plus en plus en Europe et regarder notre avenir avec responsabilité..

La première question de notre interviewer est presque comique. Et quelles seraient les positions du centre gauche, qui a gouverné l’Italie pendant neuf des onze dernières années, au regard de la Doctrine sociale de l’Église ? Peut-être la défense tous azimuts de l’avortement, des unions civiles, du genre et de l’euthanasie ? Ou leur connivence avec les trafiquants de réfugiés avec les milliers de morts qui ont fait de la Méditerranée un cimetière ? Mais même dans la réponse du cardinal, il y a une perle à ne pas négliger : il se garde bien de parler de la défense de la vie, choisissant une expression beaucoup plus prosaïque et profane, la  » défense de la personne « .

La deuxième question nous fait plutôt découvrir que, horreur des horreurs, la majorité actuelle au Parlement est minoritaire dans le pays. L’éminent journaliste sait-il ou non que, si l’on exclut les toutes premières élections de l’après-guerre, jamais, au grand jamais, la majorité gouvernementale n’a été l’expression d’une proportion similaire de la population italienne ? Une fois encore, la réponse de Zuppi dégouline de pensée unique et de politiquement correct. Quelle est la solution ? L’Europe, bien sûr. Comme l’a dit le Dragon [Il Drago, alais Draghi]… plus d’autocratie, plus de souveraineté mais un retranchement constant et irréversible dans le tombeau européen

Pour ceux qui souhaitent lire l’interview dans son intégralité, il suffit de se rendre sur le site d’Avvenire. L’exalté Zuppi réjouira vos âmes perdues de catholiques traditionalistes incorrigibles et diviseurs avec son appel impérieux à plus d’Europe (il veut aussi un système fiscal européen tiré par Strasbourg-Bruxelles), à ses « valeurs » et enfin avec les doux rappels de l’œuvre et de la figure du prochain bienheureux Jorge Mario.

Avvenire 2 – Interview du Père Gianni Notari du 28 septembre 2022

Là encore, ce qui suit est un petit extrait d’une interview que le jésuite en question, directeur de l’Institut de formation politique « Pedro Arrupe », a accordée au journaliste Roberto Puglisi. Les réponses données à Puglisi représentent, à mon avis, un chef-d’œuvre de politologie à la sauce jésuite. Sans jamais définir directement les sujets dont on parle, ils impliquent une appartenance claire à un scénario – non seulement politique, mais aussi éthico-social – qui ne se tourne pas vers Dieu mais vers un néo-humanisme, peut-être déiste, à coup sûr mondain. Une position qui, sur un plan purement politique, rappelle sans jamais le nommer le lien, véritable tabou, entre le catholicisme social et le progressisme démocratique. Et attention ! Celui qui s’exprime dirige une école de formation. Comment disait-on, autrefois ? Méfiez-vous des mauvais professeurs !

J’insère ici la deuxième partie de l’interview. Pour la version complète, rendez-vous sur avvenire.it.

Mais, finalement, quelqu’un les a gagnées, les élections.

Ce sont ceux qui, en bien ou en mal, avec leurs mots, montrent un horizon qui se définit comme meilleur. Qu’ ensuite il se réalise et de quelle manière, c’est une autre question. Ce sont des hommes politiques qui, le plus souvent, répondent à des besoins et présentent une opportunité de solution à laquelle les gens, en désespoir de cause, s’accrochent.

Mais il y a, souvent, peu d’avenir dans toute cette rhétorique sur l’avenir. Et puis il y a les autres.

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Qui ?

Ceux qui font la morale, qui disent aussi des choses justes, mais qui ne partagent pas les questions angoissées venant d’en bas. Il est difficile de donner une réponse. Le désarroi conduit à s’accrocher à tous les points d’appui, peut-être avec peu de discernement, mais on peut le comprendre. La responsabilité démocratique et la vigilance sont exigées de nous tous, citoyens, afin de recréer un climat de confiance dans tout le pays. Il s’agit de construire un avenir d’espoir, avant qu’il ne soit trop tard.

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Quel devrait être le rôle des catholiques dans un tel contexte ?

Les catholiques doivent se sentir personnellement impliqués dans la politique, selon sa dimension la plus noble. Les déclarations de principe génériques ne peuvent suffire. Ils doivent être là, pour réformer le système, en se rangeant du côté de ceux qui proposent les valeurs de solidarité et d’humanité. Ce n’est jamais le moment de rester les bras croisés. Aujourd’hui, moins que jamais.

Que pouvons-nous dire ? Richelieu ou Mazarin n’auraient certainement pas pu faire mieux ! Et bravo à notre formateur politique jésuite. Dans sa réponse à la première question, il nous dit, en substance, que ceux qui ont gagné les élections l’ont fait grâce au désespoir (et donc à la protestation) du peuple. Un jugement, d’une part, fils de l’analyse la plus rustre d’une très vieille gauche, d’autre part, expression d’un racisme (anthropologiquement connoté, avec le sens de la supériorité morale typique des anciens, post, néo-communistes et aujourd’hui des « démocrates ») qui qualifie de désespérés – ou rustres, ignorants, fascistes, etc… – tous ceux qui n’expriment pas leur consentement à leur faction. I8névitable, in cauda venenum, l’accusation à la coalition gagnante (qui, soit dit en passant, n’est même pas celle pour laquelle j’ai voté) de « rhétorique ».

Et nous en arrivons à la deuxième réponse. Au début, peut-être de manière consciemment autocritique, il admet – d’un côté – qu’il y a les moralistes qui disent des choses justes (la gauche d’aujourd’hui) mais, de l’autre côté, qui ne partagent pas les questions angoissantes venant d’en bas (toujours ce fond haineusement raciste). « Aïe, aïe, chers bobos du centre-ville, voulez-vous oui ou non – de temps en temps – vous occuper du sous-prolétariat suburbain [et sous-humain] des banlieues ? » semble dire notre cher jésuite. Puis, regrettant manifestement cette petite tirade d’oreilles, il rentre immédiatement dans le rang avec deux appels : vigilance démocratique et construisons un avenir d’espoir avant qu’il ne soit trop tard. Ah, j’allais oublier! Splendide ce reste d’esprit de discernement qui qualifie de crétins ceux qui par leur vote se sont accrochés à la perche trompeuse de l’ignoble droite.

Mais c’est à la troisième réponse que ce fils rusé de Jorge Mario va montrer cette partie de lui-même qu’il ne pouvait probablement plus masquer. Ce « du côté de ceux qui proposent les valeurs de solidarité et d’humanité. Ce n’est jamais le moment de rester les bras croisés. Aujourd’hui moins que jamais » est une déclaration qui se passe de commentaires.

Corriere della sera – Interview d’Aldo Cazzullo avec le Cardinal Camillo Ruini, 28 septembre 2022

De cette interview, je ne propose que le titre et deux questions. Je pense qu’ils sont amplement suffisants pour donner une idée de la façon dont même Son Eminence Ruini (que beaucoup d’entre nous connaissaient comme une personne certes du monde, mais pas au point de se conformer totalement au politiquement correct) est désormais parfaitement intégrée dans la pensée unique.

CARDINAL RUINI : « LA CULTURE EST À GAUCHE MAIS LE PAYS À DROITE. DÉSORMAIS, MELONI IMITE DRAGHI ».


Au final, lors d’un vote, les modérés et les conservateurs sont presque toujours majoritaires.

La culture politique dominante est à gauche, mais le pays est largement à droite, bien que de manière moins nette.

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Pourquoi cela, à votre avis ?

C’est une contradiction qui existe dans toutes les démocraties : les intellectuels sont souvent progressistes ; les gens s’occupent d’intérêts concrets et ont tendance à être plus conservateurs. Aujourd’hui, le fossé entre les élites et le peuple est devenu plus évident, même si, comme c’est aussi le cas ces jours-ci, les élites ont tendance à rentrer dans le rang.

Le commentaire sur le titre de l’interview et sur le ton des réponses concises du cardinal peut être centré sur la question de la place des intellectuels, et plus généralement de la culture, dans l’arène exclusive de la gauche italienne. Ce que Ruini affirme est, à mon avis, très grave parce qu’il applaudit à une vulgate – présentée comme une réalité mais totalement virtuelle – qui, de l’après-guerre à aujourd’hui, baptise comme vrai le concept selon lequel tout ce qui est noble, éthique et significatif qui se manifeste dans la culture, dans l’intelligentsia et dans la politique nationale ne peut venir que de la gauche. Maintenant, que ce fake-concept infâme soit véhiculé de manière obsessionnelle par les maîtres de la presse, de la radio, de la télévision, des journaux, du cinéma et d’internet est une chose. Mais qu’un personnage de la stature morale et culturelle de Ruini ait pu se l’approprier est vraiment incroyable ! Il ignore (par faute, paresse, désintérêt, complicité ?) tout ce que la soi-disant droite – déclinée sous ses différentes formes- a donné à l’Italie dans les domaines les plus divers de la culture et de la politique. Bien sûr, l’oubli dans lequel les personnalités de ce scénario ont été confinées en presque quatre-vingts ans de dictature intellectuelle, véritablement post-fasciste, ne rend pas facile la récupération et la connaissance de leurs œuvres. Toutefois, si l’un des devoirs d’un catholique est de toujours rechercher la vérité, il est inacceptable qu’un personnage comme Ruini soit encore prêt à cautionner de tels mensonges. Mais, de toute évidence, la lobotomisation ne connaît pas de limites.

Je termine en évoquant brièvement le titre de l’interview. Sur ce  » Désormais, Meloni imite Draghi « , il n’y a guère de quoi être surpris. Les représentants de l’Église catholique, de tout ordre et de tout degré, ont amplement démontré qu’ils ont été les plus odieux laquais de ce personnage et leur complicité avec les différents Dr Mengele qui ont infesté l’Italie au cours de ces deux ans et demi de gestion politico-sanitaire de la pandémie est là pour le prouver.

Fabio Battiston

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