J’ai trouvé ce récit grâce au site germanophone katholisches.info, animé par l’infatigable Giuseppe Nardi, qui raconte comment, grâce à une succession de hasards et d’interventions extérieures inespérées, le Père Agbaw-Ebai , professeur de philosophie et de théologie au St John’s Seminary de Boston où il tient un cours sur Joseph Ratzinger, a pu réaliser son rêve de rencontrer Benoît XVI: j’ai suivi le lien vers le site du séminaire et voici la traduction du récit très beau et très émouvant de cette rencontre extraordinaire dans tous les sens du terme.

https://www.sjs.edu/news/30sunday22_meeting_pope_benedixctxvi

J’ai gardé la foi

Rencontre avec le Pape Emérite Benoît XVI

22 octobre 2022

Chers amis, j’ai été autorisé à partager avec la communauté quelques pensées sur mon voyage à Rome, à la place de notre réflexion dominicale habituelle. C’est ce que je vais essayer de faire. Dans la deuxième lecture de la liturgie de ce dimanche, saint Paul écrit à Timothée :

Quant à moi, ma vie est déjà versée comme une libation, et le temps est venu pour moi de m’en aller. J’ai combattu le bon combat de la foi jusqu’au bout, j’ai couru la course jusqu’au bout, j’ai gardé la foi. Désormais, la couronne de justice m’attend, que le Seigneur, le juste juge, me remettra en ce jour-là, et pas seulement à moi, mais à tous ceux qui ont attendu son apparition (2 Tm 4, 6-8).

Ces paroles de saint Paul ont pris vie d’une manière plus personnelle et plus significative, ces jours-ci à Rome.

Comme certains d’entre vous le savent peut-être, je suis actuellement à Rome pour une rencontre avec le pape émérite, Benoît XVI. Ma première rencontre intellectuelle avec Benoît XVI a été la déclaration de l’an 2000 de la CDF, Dominus Iesus, qui, à mon avis, est le document d’enseignement magistériel le plus important sur la compréhension que l’Église a de la personne de Jésus-Christ, après le Concile de Chalcédoine – un Concile qui a fourni la clé herméneutique définitive de la personne du Christ et donc de la théologie. La réaction qui a suivi Dominus Iesus a été celle d’une grande hostilité, même au sein de certains cercles de l’Église. Comme j’étais en deuxième année de séminaire à l’époque, nous étions enthousiastes à l’idée de lire toutes les nouvelles venant de Rome, et c’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser à Ratzinger : qui pouvait être cet homme pour que tant de gens soient rebutés par ce qu’il avait écrit en tant que préfet de la CDF ? Pour faire court, je suis devenu un fan théologique de Ratzinger et, rétrospectivement, j’ai peut-être écrit plus d’un million de mots sur sa personne et son travail de théologien. J’avais honnêtement prié pour le rencontrer un jour, pour le remercier d’avoir donné tant de son intelligence et de sa volonté, en versant sa vie comme une libation (pour utiliser une image paulinienne), afin que tous puissent être invités à l’amitié avec le Christ, dans l’Église, le corps mystique du Christ – l’histoire que Dieu lui-même a créée (comme le dit Ratzinger lui-même).

Mais quand on m’a dit que Benoît XVI m’invitait à venir, je ne savais pas quoi faire. J’ai commencé à ressentir, je dois l’avouer, un sentiment de grande nervosité et d’anxiété. À un moment donné, intérieurement, je ne voulais pas y aller ! J’avais l’impression d’être indigne d’être en sa présence. Peut-être que l’Esprit Saint, qui lit toujours dans le cœur humain, voyant que, sans aide, je risquais de tout gâcher et de rater l’occasion pour laquelle j’avais prié pendant plus de vingt ans, m’a poussé à révéler au Père Connors que l’archevêque Gänswein avait demandé que je vienne pour cette audience privée avec Benoît. Je dois remercier publiquement le Père Connors d’avoir insisté pour que j’aille rencontrer Benoît XVI. (…)

Ensuite, il y avait la question de l’obtention d’un visa au consulat italien de Boston. Si je devais rencontrer Benoît le jeudi, je devais partir pour l’Italie le mardi au plus tard. Et c’était déjà lundi, et je n’avais pas de visa pour partir! Alors, j’ai dit : « Dieu, tu ne voulais pas que je parte, alors je dois laisser tomber cette idée d’aller à Rome ». J’ai commencé à me fustiger pour avoir même osé penser que je pourrais rencontrer Benoît. A quoi avais-je pensé? Peut-être étais-je comme Thomas, voulant voir pour croire ? Mais le Maître n’avait-il pas indiqué à Thomas la meilleure voie : Heureux ceux qui n’ont pas vu, mais qui ont cru ! Ainsi, avec de telles pensées, je me suis dit le lundi matin que c’était fini, et que j’enverrai un mail à l’archevêque Gänswein après la réunion de la Fac pour lui dire merci, mais je suis désolé de ne pas pouvoir venir à Rome.

Alors que je me préparais pour mon cours de théologie fondamentale, mon téléphone sonne – un appel du consulat italien à Boston. En bref, j’avais confié à mon ami George Weigel que je ne pouvais pas aller à Rome, car je ne vois pas comment je pourrai obtenir un visa le lundi pour me permettre de partir le mardi. Et il a contacté quelqu’un au ministère des Affaires étrangères à Rome qui a appelé Boston, demandant que l’on me délivre un visa le lundi pour que je puisse partir à Rome le mardi. Avec la permission et le soutien du recteur, je me suis rendu au consulat italien dans l’après-midi et j’ai obtenu le visa.

(…) Ensuite, que devais-je dire à Benoît ? Je me suis soudain rendu compte qu’il avait été plus facile d’écrire sur Benoît que de lui parler directement. Une fois encore, je me suis tournée vers le Père Connors pour obtenir de l’aide. Et il m’a aidé à rassembler mes idées. Je partage donc avec vous une partie de ce que j’ai dit à Benoît. Et aussi, quelques photos de notre catalogue du séminaire pour 2022/2023, et un cadeau de la classe du cours optionnel Ratzinger (une photo), que la classe m’a demandé de donner à Benoît. Il était très heureux que tant de jeunes séminaristes suivent ce cours.

Il a regardé le syllabus et est apparu visiblement surpris et émerveillé.

Je lui ai montré la liste de la classe avec les notes de chaque étudiant jusqu’à présent. Et il a ri, espérant que je n’étais pas un professeur exigeant ! J’ai demandé si je devais maintenir les notes telles qu’elles sont, étant donné que le Pape les a vues et que, par respect pour le Pape, il ne fallait pas les changer ! Quelques sourires de sa part. C’était très émouvant de le quitter, et je n’oublierai jamais la dernière chose qu’il m’a dite quand je l’ai embrassé pour lui dire au revoir ! C’est un homme au soir de sa vie, qui peut dire, avec saint Paul, j’ai gardé la foi !

Je dois terminer maintenant, voici quelques pensées… Au revoir à tous :

« Saint Père, tout d’abord, je tiens à vous remercier infiniment d’avoir accepté de me rencontrer. C’est un jour que je n’ai jamais espéré, même si j’ai prié pour cela pendant plus de 21 ans. C’est vraiment un miracle. Merci pour votre générosité à me recevoir. Vous avez été le directeur spirituel et académique décisif de ma vie (…)

Saint Père, merci beaucoup pour vos grands écrits théologiques. Votre théologie a façonné et continue de façonner et de former une génération de jeunes prêtres d’Afrique. Votre théologie nous a montré qu’il est beau de devenir un prêtre de Jésus, un ami de l’Époux, pour utiliser une image de votre cher Augustin d’Hippone. Votre théologie est aimée par tant de jeunes prêtres et séminaristes africains, et pour cela, nous vous disons merci.

Saint Père, actuellement, j’enseigne la théologie et la philosophie au Séminaire Saint John’s à Boston. Là aussi, votre théologie est aimée et chérie. En fait, j’enseigne un cours intitulé « Joseph Ratzinger et les Lumières ». De nombreux séminaristes suivent ce cours. Ils ont envoyé une photo de la classe pour que je vous la donne, que je vous donnerai tout à l’heure. De nombreux séminaristes du séminaire de Saint John et de nombreux membres de la faculté m’ont demandé de vous transmettre leur amour et leurs meilleurs vœux. Ils vous remercient pour votre grand travail théologique (…)

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