J’aimerais pouvoir alimenter cette rubrique de mon site avec d’autres nouvelles, des nouvelles plus joyeuses (comme le portrait de Tsarkova). Malheureusement, le fameux rapport rédigé par un cabinet d’avocats bavarois en février dernier à propos d’une affaire vieille de plus de 40 ans, impliquant un prêtre pédophile, à l’époque où il était archevêque de Munïch et Freising, refait surface. Et Benoît XVI se dit prêt à témoigner devant la justice (sous quelle forme matérielle, dans quelles conditions?) pour défendre son honneur blessé. Nico Spuntoni inscrit ce énième épisode dans le cadre plus vaste d’une nouvelle campagne de dénigrement de l’église (en minuscules!) avec la dénonciation de scandales pédophiles, notamment en France, impliquant le cardinal Ricard (apportant ici à son insu une contre-preuve bien opportune à l’équation pédophilie=homosexualité) et une dizaine d’évêques. C’est un amalgame discutable, en tout cas réducteur, et bien commode. Pour moi, il est évident que ces attaques contre un géant de la pensée qu’on a réduit au silence a une toute autre dimension! Espérons, mais sans y croire, que toute la hiérarchie de l’Eglise va faire bloc autour du Saint-Père harcelé jusqu’à ses derniers jours, dans le but évident d’anticiper une future damnatio memoriae

Nombreux articles dans ces pages sur cette affaire (voir archives février 2022), en particulier:

Benoît témoin (innocent) en Bavière.

En France, 11 évêques dans la tourmente

Nico Spuntoni
lanuovabq.it/it/benedetto-teste-innocente-in-baviera-in-francia-11-vescovi-nei-guai

Ratzinger est prêt à se défendre devant un tribunal bavarois contre l’accusation d’avoir couvert l’ancien prêtre pédophile Hullermann. Une charge qui a été démantelée à plusieurs reprises depuis 2010. Problèmes également pour l’Église française, où 11 évêques – dont le cardinal Ricard – ont des démêlés avec la justice en matière d’abus.

Dans sa lettre du 6 février, dans laquelle il rejetait douloureusement l’accusation de mensonge, Benoît XVI avait écrit qu’il serait bientôt confronté au « juge ultime » de sa vie. Mais pour défendre sa bonne foi et la véracité de ce qu’il a affirmé dans le mémoire de 82 pages rédigé par le cabinet d’avocats Westpfahl Spilker Wastl, il est également prêt à se présenter devant le juge terrestre : celui du tribunal provincial de Traunstein, où se déroulera le procès civil après l’action en justice intentée par la victime de Peter Hullermann. Ce dernier est l’ancien prêtre qui, en 1980, a obtenu un logement dans l’archidiocèse de Munich et Freising – dirigé à l’époque par Ratzinger – après avoir été expulsé du diocèse d’Essen où il avait été responsable d’abus sexuels sur un garçon de 11 ans.

La NBQ a déjà reconstitué l’histoire à plusieurs reprises: l’archevêque d’alors n’avait pas donné le feu vert à sa réintégration dans les activités pastorales mais avait accepté son séjour à Munich pour suivre le traitement psychothérapeutique ordonné par l’évêque d’Essen, sans connaître la raison de ce transfert. Par la suite, à l’insu de Ratzinger, le vicaire général de l’époque, Gerhard Gruber, confia des fonctions pastorales au prêtre et reconnut les faits en 2010, publiant une note dans laquelle il déclarait avoir commis « une grave erreur » et se disait prêt à en assumer « l’entière responsabilité ». Jusqu’en 1982, lorsque Ratzinger fut appelé à Rome pour diriger l’ex Saint-Office, Hullermann ne commit aucun crime. Déplacé à Grafing sur ordre du cardinal Friedrich Wetter, successeur du futur pape à Munich, le prêtre fut condamné en 1986 pour avoir abusé de plusieurs mineurs.

Cette page noire de l’Église bavaroise, qui avait déjà été révélée en 2010, a refait surface en début d’année avec le rapport sur les abus commis dans l’archidiocèse de Munich et Freising entre 1945 et 2019. L’affaire pénale est désormais prescrite, mais l’une des victimes de Hullermann a décidé d’intenter une action civile en dommages et intérêts contre l’ancien prêtre, l’ensemble de l’archidiocèse, Wetter et son prédécesseur le plus connu : Joseph Ratzinger.

Le pape émérite, en dépit de tout, a décidé de ne pas reculer et hier, grâce à l’agence de presse allemande DPA, qui a repris la révélation du porte-parole du tribunal bavarois, on a appris sa volonté de témoigner dans un éventuel procès. Le cabinet d’avocats Hogan Lovells, désigné pour défendre Benoît XVI, aura jusqu’au 24 janvier pour répondre au contenu de l’action en justice. On peut supposer que la ligne de défense sera basée sur ce qui a déjà été largement argumenté dans le mémoire de 82 pages produit par le cabinet Westpfahl Spilker Wastl. Ratzinger ne connaissait pas les raisons de la demande de Hullermann de résider à Munich en 1980 et, de toute façon, lors de la désormais célèbre réunion de l’Ordinariat – dont la présence du futur pape a été injustement niée par ses collaborateurs dans le mémorandum – l’archevêque de l’époque n’avait pas consenti à des activités pastorales mais seulement à l’octroi d’un logement.

L’affaire Hullermann – aussi connu sous le nom de « Père H. » – revient de manière cyclique depuis 2010 et a un « prélude » en 2006, lorsqu’une victime d’Essen a recherché le nom de l’ancien prêtre sur Google et a découvert une photo récente de lui à côté d’enfants. À ce moment-là, la victime a écrit plusieurs courriels à l’ex-prêtre et à l’archevêché de Munich et de Freising, dans lesquels elle aurait également demandé une indemnisation. C’est pour cette raison qu’en 2008, il a aussi fait l’objet d’une perquisition à son domicile, l’accusation de chantage ayant ensuite été rejetée par le tribunal. Puis, en 2010, Der Spiegel a révélé la dissimulation présumée de l’affaire Ratzinger, suivie de la déclaration susmentionnée de Monseigneur Gruber.

Ratzinger, l’homme qui a le premier dénoncé la « saleté » dans l’Église, est déterminé à défendre l’honneur de son ministère. Un signe de transparence de la part du pape émérite qui intervient moins de 24 heures après une nouvelle choc pour l’Église : lundi, en effet, à Lourdes, où la Conférence épiscopale française s’est réunie pour sa session plénière d’automne, le président Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort a expliqué qu’il y a actuellement onze évêques transalpins qui ont des démêlés avec la justice, qu’elle soit civile ou canonique.

« Il y en a, tu sais. » [!!!] Dimanche, dans la conférence de presse du vol de retour de Bahreïn, François avait répondu de cette façon à une question sur le cas de Mgr Michel Santier et avec ces quatre mots avait fait comprendre que l’émérite de Créteil n’est pas le seul évêque sur lequel plane l’ombre la plus terrible, celle des abus. Outre Santier, en effet, on a eu la surprise de voir un autre nom cité par le responsable de la CEF, celui du cardinal Jean-Pierre Bernard Ricard. Contre l’ancien archevêque métropolitain de Bordeaux pèse l’accusation la plus infâme : celle d’avoir commis, il y a 35 ans, des attouchements sur une jeune fille qui n’avait alors que 14 ans.

La saleté réapparaît donc dans le Sacré Collège et c’est l’une des figures de proue d’une Église aussi importante que celle française qui l’apporte. En effet, Ricard n’est pas seulement cardinal, il a été archevêque de Bordeaux, vice-président du Conseil des conférences épiscopales européennes et président de la Conférence des évêques de France. Il a lui-même reconnu dans une déclaration publique – après l’avoir révélé à ses confrères réunis à Lourdes – qu’il s’était « comporté de manière répréhensible » avec une mineure, à l’époque où il n’était que curé. « Mon comportement », écrit le cardinal, « a nécessairement causé des conséquences graves et durables pour cette personne », avec laquelle il a eu une confrontation. Le fait, comme l’a expliqué Moulins-Beaufort dans sa déclaration de presse faite depuis Lourdes, a fait l’objet d’une plainte auprès du ministère public et également auprès du Dicastère pour la doctrine de la foi. Ricard avait démissionné en 2019 de la direction de l’archidiocèse de Bordeaux, alors qu’il venait d’atteindre l’âge canonique de 75 ans : le pape François avait accepté sa démission immédiatement, sans accorder la traditionnelle prolongation de deux ans aux évêques de 75 ans.

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