C’est un coup dur pour le présumé (jusqu’à hier!) dauphin de François, cela réduit considérablement ses chances dans la perspective d’un futur conclave. Mais, nous rappelle Nico Spuntoni sur la Bussola, ce n’est pas la première fois que François coupe les ailes d’un protégé devenu trop encombrant. Les seuls – pour le moment – à échapper au couperet papal sont les jésuites, et parmi eux Michael Czerny, crée cardinal en 2019, et qu’il a nommé en avril dernier préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, qui chapeaute la Caritas. Tiens, tiens..

Caritas: François remet à zéro la direction. Le papabile Tagle viré

Nico Spuntoni
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Surprise: le pape remet à zéro les postes de direction de Caritas Internationalis. Un commissaire extraordinaire est nommé : il sera assisté dans la phase de transition par le cardinal Tagle, qui est malgré tout la principale victime du décret de François. Répercussions possibles en vue du conclave.

À la surprise générale, le pape a donné congé aux dirigeants de Caritas Internationalis, la confédération des agences nationales Caritas. Il l’a fait à travers un décret qui a été lu en assemblée plénière de l’organisme par sa victime la plus illustre, le cardinal Luis Antonio Tagle, élu président en 2015 à la place de l’un des hommes de confiance de François, le cardinal hondurien Óscar Rodríguez Maradiaga. Tous les postes de direction ont été remis à zéro et un commissaire extraordinaire a été nommé, en la personne de Pier Francesco Pinelli. Ce dernier, déjà gestionnaire dans diverses entreprises et ayant une expérience en tant que commissaire extraordinaire dans différents organismes, a été durant cette période à la tête d’une commission qui a enquêté sur le travail de Caritas Internationalis et a découvert « des déficiences dans les procédures de gestion ayant des effets négatifs aussi sur l’esprit d’équipe et le moral du personnel ».

Derrière le langage officiel du communiqué par lequel le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral – responsable de ce qui concerne la lutte contre la pauvreté sur la base de Praedicat Evangelium [la constition apostolique promulgué par François en mars 2022] – le contenu du décret explique qu’il y aurait la constatation de cas d’intimidation. C’est du moins ce qu’une source interne a déclaré à l’agence Reuters, faisant état d’ « abus verbaux, de favoritisme et de mauvaise gestion des ressources humaines qui ont poussé le personnel à partir ».

Le fait le plus marquant du décret est le rejet de la présidence Tagle : malgré qu’on lui ait concédé d’assister le commissaire extraordinaire dans cette phase de transition, il est clair que la décision représente un coup dur pour le cardinal philippin. Dans la remise à zéro de la classe dirigeante de Caritas, en effet, la tête la plus importante à tomber est la sienne, et ce malgré le fait que la fin de son mandat soit presque imminente, en 2023. Mais le contenu de l’enquête commandée à l’initiative du Dicastère pour le service du développement humain intégral a dû pousser le pape à utiliser une main de fer et à intervenir avant l’échéance naturelle.

Une décision qui pourrait réduire les chances de Tagle lors d’un futur conclave, si elle est interprétée comme un signe du manque de confiance du pontife actuel envers son « dauphin » asiatique. L’ancien archevêque de Manille, en effet, est considéré depuis des années comme le super-favori dans le cas d’une succession sous le signe de la continuité et sa nomination à la tête du puissant Dicastère pour l’évangélisation avait également été interprétée dans ce sens. Une tache sur sa candidature, tache que le prélat philippin lui-même a tenu à minimiser, prenant la parole en séance plénière pour répéter que les manquements ne concernent pas le harcèlement sexuel ou les malversations financières, les deux fronts sur lesquels l’Église est la plus exposée au feu médiatique et sur lesquels la carrière d’un clerc risque d’être définitivement brûlée.

Il reste à savoir si les résultats de l’enquête seront rendus publics. En attendant, s’il est vrai que Tagle reste pro-préfet du dicastère le plus renforcé par la réforme de la Curie, il est également vrai que finir sous la tutelle d’une commission pour avoir échoué dans la gouvernance de Caritas Internationalis pourrait le rendre aux yeux de ses frères cardinaux « inapte » à gouverner l’Église un jour.

Ce n’est pas la première fois que le service de cardinaux considérés comme étant dans les bonnes grâces de François finit par être rejeté de manière aussi retentissante par le pontife argentin lui-même. Il suffit de dire que le remaniement de la direction de Caritas a été le résultat d’une enquête lancée par le Dicastère pour le service du développement humain intégral, lequel était le résultat d’une situation similaire ayant coûté son poste de l’ancien préfet, le cardinal ghanéen Peter Turkson, et de ses collaborateurs. Le cardinal Beniamino Stella, considéré comme l’un des hommes les plus puissants des premières années du pontificat actuel, a lui aussi fait l’objet d’une visite apostolique à la Congrégation pour le clergé dont il était le préfet, juste avant de fêter ses 80 ans et de prendre sa retraite. Des étoiles aux écuries [jeu de mots intraduisible: « dalle stelle alle stale »], c’est aussi le destin du cardinal Giovanni Angelo Becciu, autrefois puissant substitut à la Secrétairerie d’État et aujourd’hui toujours privé de ses droits cardinalices en plus d’être accusé dans un procès pénal au Vatican.

Bref, dans son style de gouvernement, François a montré qu’il ne dédaigne pas une certaine tendance à la substitution des hommes de confiance, mais avec une exception de taille : les hommes de la Compagnie de Jésus. En cas de problème ou de dossier brûlant, le pape s’en remet très souvent aux jésuites, et c’est aussi ce qui s’est passé avec Caritas Internationalis, où le préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, le cardinal jésuite Michael Czerny, a joué un rôle décisif. A ce dernier, au fil des ans, François a confié de plus en plus de postes à responsabilité et qui sait s’il ne le voit pas aussi comme un successeur possible.

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