A l’approche de Noël, loin de se recueillir dans le silence et la méditation qui siéraient peut-être mieux au Pape, François, selon sa mauvaise habitude, se répand dans les médias, comme s’il cherchait à se justifier et à assurer ses arrières en prévenant les critiques de ses détracteurs. Dernier exercice en date, une interview tous azimuts au journal espagnol ABC, où il aborde sans aucun recul une foule de sujets sans lien entre eux sinon le bon plaisir de l’intervieweur (ici, ce que les médias ont retenu, ce sont les propos, négligemment jetés, sur sa possible démission, qui fait l’objet de l’article de Stefano Fontana). Tout cela procède d’une volonté inlassable de banaliser la fonction papale. Comme le dit non sans humour l’excellent blogueur espagnol « La Specola »:

Nous savons que nous ne comprenons généralement pas, évidemment à cause de notre insurmontable petitesse, les sublimes arguments du Pape François. Dans un pontife aussi loquace, il est facile de se perdre, ou peut-être pas tant que ça, quelques nouvelles, toutes des lieux communs, comme on dit en terres espagnoles, « pas un mauvais mot, pas une bonne action ». Les mots sont emportés par le vent, même s’ils sont si nombreux, les actes sont têtus.

Scandales, démission comme routine : voici comment on sécularise la papauté

Stefano Fontana
lanuovabq.it/it/scandali-e-dimissioni-come-routine-cosi-si-secolarizza-il-papato

L’un des principaux objectifs de François était et reste de séculariser la papauté. Deux faits récents le démontrent : ses propos sur la démission pour raisons variées, déjà signée et conservée qui sait où, une banalisation qui donne à la papauté l’image d’un emploi temporaire. Et la gestion du scandale Rupnik, qui efface les exigences de justice seulement par des interventions d’en haut.

L’un des principaux objectifs de François était et reste de séculariser la papauté. Il s’agit de réduire le pontificat à l’humanité de ceux qui l’incarnent à un moment donné. Une réduction inévitable après le « tournant anthropologique ». Même les dentelles de la grand-mère doivent être retirées de la papauté. Sa récente communication sur sa propre démission fait également partie de ce projet. Au quotidien espagnol ABC, François a déclaré : « J’ai déjà signé ma démission. Tarcisio Bertone était le Secrétaire d’Etat. Je l’ai signée et je lui ai dit : en cas d’empêchement pour raisons médicales ou autres, voici ma démission. Vous l’avez déjà. Je ne sais pas à qui le cardinal Bertone l’a donnée, mais je la lui ai donnée quand il était secrétaire d’État ».

La sécularisation de la papauté se produit ici avant tout à travers le contexte de la communication et la forme sous laquelle elle est exposée. L’utilisation du mot « démission » est frappante car il est habituellement utilisé pour un président de conseil d’administration, un ministre d’un gouvernement en difficulté, un commissaire technique d’une équipe de football, un employé qui a trouvé un autre emploi. Le même mot sonne très mal à propos du pape. En tant que père ou mère, mari ou femme, on ne démissionne pas. En tant que poète, musicien ou éducateur, on ne démissionne pas. En tant qu’homme, on ne démissionne pas. (…) Si le pape parle de sa propre démission, les gens finissent par le mettre sur le même plan que Draghi après le vote de défiance au parlement. Dire qu’il a signé sa propre démission a donc une forte signification sécularisante.

Et puis, il y a la désinvolture de l’annonce, quelques mots jetés en l’air comme une chose de peu d’importance. Ce qui est semé à la hâte dans les interstices d’une interview rapide ne revêt pas une grande importance aux yeux du lecteur. Cela devient un détail secondaire. Dans sa déclaration, François a placé sa démission comme une évidence, une démarche qui est désormais considérée comme une routine. Démissionner peut devenir une habitude, une évidence, et l’on sera plutôt surpris si, comme saint Jean-Paul II ou Léon XIII, les papes restent en place jusqu’au bout. La banalisation délibérée de l’information ressort également de la mention du cardinal Bertone : « Je ne sais pas à qui le cardinal Bertone les a données… ». Comme lorsqu’on dit à la maison : « mais oui, il est quelque part.., tu as cherché sous le lit… ? ». Cela signifie que la chose est de peu d’importance. Et puis les raisons : « en cas d’empêchement pour raisons médicales ou autres… « . Une telle déclaration ressemble à de nombreuses déclarations anticipées de traitement pour la phase finale de la vie, avec toutes leurs ambiguïtés bien connues, aggravées par un vide « … ou autres… ».

La renonciation du pape, comme on le sait, est prévue par le droit canonique. Ce n’est donc pas le problème. La voie avait en effet été ouverte par Benoît XVI sous les formes que l’on sait, selon des modalités qui restent à explorer et pour des raisons qui demeurent mystérieuses. Ce qui est certain, c’est qu’avec cette déclaration, François, en franchissant ce seuil, a réduit la « démission » du pape à bien peu de chose. Une expression aussi banale et banalisante présente la papauté comme l’occupation d’un emploi temporaire, comme un emploi avec un contrat à durée déterminée, un service fonctionnel qui, pour une certaine forme d’incapacité opérationnelle de l’employé, nécessite sa démission.

Cette nouvelle sortie de François est frappante mais pas surprenante. Depuis quelque temps, on a pu saisir dans ses paroles, dans ses attitudes, la réduction du pontificat à la vie humaine quotidienne. Nous ne faisons pas seulement référence au fait de sortir pour acheter des lunettes ou de porter son sac dans l’avion, mais aussi aux manifestations ouvertes et immédiates du caractère, comme s’irriter en public, réprimander, menacer, désavouer, dire puis se retirer, rejeter du jour au lendemain, se contredire, blâmer ses ennemis, rabaisser ses adversaires, promouvoir ses voisins, compatir au pied levé, faire les gros titres, porter des jugements politiques, donner des interviews imprudentes, ne pas répondre aux demandes de clarification, ne jamais définir ou préciser quoi que ce soit. Tout cela contribue également à dépouiller la papauté de ses habits royaux.

A y regarder de plus près, l’attitude de François dans l’affaire Rupnik manifeste également la même tendance. Il y a eu des contradictions, des retards, un manque de respect des règles, une tolérance inappropriée, de la pression et du conditionnement. Un système interne au Vatican de protection des « amis » est apparu, que nous avons déjà vu à l’œuvre ces dernières années, notamment mais pas seulement dans l’affaire McCarrick. Il semble que les interventions d’en haut peuvent de fait annuler de nombreuses demandes de justice et de droit. Et cela aussi est une forme de sécularisation de la papauté.

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