La rumeur courait que François avait choisi le très progressiste évêque allemand Heiner Wilmer comme prochain préfet de la foi (cf. Ultime coup de boutoir à l’Eglise: un disciple de Drewermann (*) à la Doctrine de la foi?). Des cardinaux, emmenés par le cardinal Müller, se sont insurgés contre cette décision. La nomination imminente est pour le moment suspendue. En espérant que des évènements extérieurs liés à la santé du cher Benoît XVI, ne viennent pas rebattre les cartes dans le mauvais sens.

Des cardinaux empêchent la nomination de Wilmer au poste de préfet de la foi

La rébellion des porporati

Giuseppe Nardi
katholisches.info/2022/12/27/kardinaele-verhinderten-die-ernennung-wilmers-zum-glaubenspraefekten/

(Rome) Tout semblait déjà fixé : peu avant Noël, on attendait la nomination d’un nouveau préfet du dicastère pour la doctrine de la foi (anciennement Congrégation pour la doctrine de la foi). Mais tout a changé – du moins pour le moment.

Le cardinal Luis Ladaria Ferrer, toujours préfet de la foi, avait reçu son mandat de manière inattendue à l’été 2017. Le jésuite espagnol était jusqu’alors secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, c’est-à-dire le bras droit du préfet.

A l’époque, le préfet était encore le cardinal Gerhard Müller, ancien évêque de Ratisbonne, que le pape Benoît XVI avait appelé à Rome en 2012 dans l’intention de confier ce poste clé à des mains fiables afin d’assurer une continuité au-delà de sa renonciation à sa fonction.

La Congrégation pour la doctrine de la foi étouffée

L’élection du pape François a cependant bouleversé toutes les données bien plus que certains ne l’avaient imaginé dans leurs prévisions les plus audacieuses. Le cardinal Müller, désormais critiqué comme « ratzingerien », s’est vu constamment contraint de faire des déclarations d’allégeance au nouveau pape. Ceux qui plaçaient des attentes particulières dans le nouveau pape l’ont accusé de représenter une Eglise qui devait être définitivement dépassée. Le cardinal allemand a tenté d’évoluer dans un nouveau rôle en marchant sur la corde raide, tout en étant conscient des risques. Il l’a esquissé dans une interview accordée au quotidien français La Croix fin mars 2015, en indiquant qu’il y avait un besoin de « structurer théologiquement » le pontificat de François. Il se voyait de plus en plus dans la nécessité de devoir intervenir en tant que véritable gardien de la foi, à côté du « pape des gestes » et du « discours spontané » – au besoin en s’opposant aussi aux voies trop improvisées et déviantes du pape lui-même. C’est ainsi qu’au printemps 2016, il a tenu une lectio magistralis à Madrid, par laquelle il a placé l’exhortation post-synodale controversée Amoris laetitia dans la continuité ecclésiale, tentant ainsi de lui arracher la « dent bergoglienne ».

Il était clair pour les observateurs qu’il s’agissait d’une entreprise non seulement difficile, mais même impossible à tous points de vue. Certains ont parlé très tôt d’une « mission suicide ». En effet, l’affaire n’a pas duré longtemps et François a congédié le cardinal Müller du jour au lendemain, fin juin 2017, et ce de manière assez inamicale.

La désapprobation de François à l’égard du dernier préfet de la foi du pape Benoît XVI se manifeste encore aujourd’hui : François n’a plus confié de fonction au cardinal allemand depuis lors. Müller, dans la ville épiscopale de laquelle Benoît XVI avait prononcé son discours historique de Ratisbonne en 2006, est cependant toujours cardinal et dispose en tant que tel d’une influence non négligeable qu’il cherche à faire valoir.

Le cardinal Müller a également répondu au motu proprio « Traditionis custodes », par lequel François veut étouffer le rite traditionnel, ou en tout cas le faire reculer de manière répressive, en administrant l’ordination sacerdotale selon le rite traditionnel immédiatement après sa publication.

La Congrégation pour la doctrine de la foi nivelée

En 2017, Luis Ladaria a été promu de manière inattendue préfet de la foi. François s’est ainsi assuré la tranquillité du côté de la mal aimée Congrégation pour la doctrine de la foi. Chaque fois que Ladaria, que François avait créé cardinal, voulait intervenir pour une mise en garde, comme c’était son devoir, il était sifflé par François. Ladaria obéissait comme l’exigeait sa fonction et en restait là, tandis que le cardinal Müller cherchait dans de telles situations d’autres moyens de dire quand même ce qui devait être dit.

Les mandats à la Curie romaine sont attribués pour cinq ans. Le 1er juillet 2022, le mandat de Ladaria a expiré. Comme il n’a pas été prolongé, il est clair depuis lors que François cherche un successeur. Il était donc également clair qu’il prévoyait une nouvelle phase pour ce dicastère.

  • La première phase (Müller) a consisté à encadrer l’héritage de Ratzinger et à marginaliser la Congrégation pour la doctrine de la foi afin de satisfaire les cercles qui détestent littéralement les « gardiens de la foi » romains.
  • La deuxième phase (Ladaria) a été une Congrégation pour la doctrine de la foi domestiquée, qui n’a pratiquement plus pris d’initiatives. La note controversée de décembre 2020 sur la vaccination contre le covid constitue une exception plutôt isolée dans la concordance des intentions entre le Palazzo del Sant’Uffizio et Santa Marta.

La réactivation d’une Congrégation pour la doctrine de la foi à la polarité inversée

Au cours de la première moitié du mois de décembre, les signaux indiquant qu’une troisième phase de la Congrégation pour la doctrine de la foi était imminente sous François se sont multipliés.

Des voix vaticanes fiable sont déjà annoncé que cette nouvelle phase porterait le nom de l’évêque allemand Heiner Wilmer, de Hildesheim. François l’avait sérieusement envisagé comme prochain préfet de la foi, suite aux recommandations des parties intéressées. Il était donc clair que la troisième phase, après l’étouffement et la marginalisation, devait conduire la Congrégation pour la doctrine de la foi à une nouvelle phase active, mais avec une polarisation différente. Après avoir transformé une série d’autres autorités de la Curie au cours des dernières années, François s’est donc attelé tardivement à la transformation de la Congrégation pour la doctrine de la foi, que certains cercles proches de lui auraient préféré voir disparaître complètement au début de son pontificat. François lui-même n’apprécie pas particulièrement cette autorité, ce qui est dû à des ressentiments plus anciens qui règnent dans certaines parties de l’ordre des jésuites.

Le cardinal Müller semble avoir joué un rôle non négligeable à cet égard. En octobre 2015, alors qu’il était encore préfet de la foi, il avait déjà mené l’opposition des cardinaux contre un synode sur la famille aux résultats préétablis. François s’était déchaîné et avait réagi en mettant en garde contre une « herméneutique conspirationniste ».

C’est également le cardinal Müller qui, en janvier 2020, a fait une suggestion directe à Santa Marta pour que le pape François prenne comme conseiller son prédécesseur Benoît XVI au lieu de l’athée Eugenio Scalfari (décédé depuis).

Quelques mois plus tard, en mai 2020, c’est le cardinal Müller qui a donné un poids retentissant à cette mise en garde aussi dramatique qu’historique, rédigée par l’archevêque Carlo Maria Viganò, contre les sombres jeux de pouvoir et les machinations des cercles mondialistes derrière les mesures Corona. Le silence obstiné du mainstream médiatique et politique et le zèle avec lequel la direction de la conférence épiscopale allemande s’est empressée de s’en distancer ont montré à quel point cet appel a fait mouche.

Il semble que ce soit le cardinal Müller qui, grâce à un soutien numériquement important au sein du collège cardinalice, ait pu convaincre le pape François de renoncer à la nomination de Wilmer comme préfet de la foi.

François est toutefois connu pour sa réticence à se laisser contrecarrer dans ses intentions. Pour l’avenir, dit-on à Rome, il n’y a donc aucune garantie. Le fait est cependant que l’absence de nomination de Wilmer, qui était déjà considérée comme « certaine » au cours de la troisième semaine de l’Avent, a une raison concrète : Une partie du collège des cardinaux s’y est opposée – avec succès pour le moment.

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