Le témoignage de José Arturo Quarracino, que mes lecteurs connaissent. Attention, il ne faut pas se méprendre sur le paragraphe central (en caractères gras) qui, à une première lecture hâtive, pourrait laisser perplexe. Il faut préciser que l’intellectuel argentin, neveu du cardinal Quarracino (prédécesseur du cardinal Bergoglio sur le Siège de Buenos Aires), est un contempteur sans concession du pontificat bergoglien: ce qu’il affirme ici, c’est que Dieu lui-même a voulu François afin que – comme l’a dit le cardinal Ratzinger lors de la mémorable Via Crucis d’avril 2005, à la veille de la mort de Jean-Paul -, « les intentions de nombreux cœurs [soient] dévoilées » et que « la souillure dans l’Église du Christ [soit] mise en lumière, même parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient appartenir entièrement à Jésus »

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Le juste fleurira comme le palmier, il poussera comme les cèdres du Liban : transplanté dans la Maison du Seigneur, il fleurira dans les parvis de notre Dieu. Dans sa vieillesse, il continuera à porter du fruit, il restera frais et dispos, pour proclamer combien est juste le Seigneur, mon rocher, en qui il n’y a pas de méchanceté.

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(Ps 92, 13-16)

Aujourd’hui, 31 décembre, la vie terrestre de Benoît XVI s’achève, après presque 9 ans d’une vie de prière et de silence en tant que Pape émérite. Comme nous l’avons appris ces derniers jours, il est arrivé au bout du chemin en pleine lucidité mentale et intellectuelle et presque incapable de parler – comme ce fut le cas de Jean-Paul II dans ses dernières années -, s’éteignant lentement, comme l’a rapporté son secrétaire privé, Mgr Georg Gänswein.

Bien sûr, la peine que son départ provoque dans nos cœurs est très grande, tout comme les larmes que nous versons sont inévitables, d’une part de tristesse, mais aussi remplies de joie, car nous savons avec certitude que notre cher Joseph Ratzinger se réjouit déjà au Paradis et qu’il a reçu de Notre Seigneur Jésus-Christ la récompense de la sainteté éternelle, qu’il avait déjà commencé à rayonner dans son ministère sacerdotal, épiscopal et papal. En ce sens, le psaume cité ci-dessus est peut-être l’un des textes de l’Écriture Sainte qui définit le mieux le Saint Père émérite et son passage dans la vie de l’Église dans la seconde moitié du siècle dernier et dans les deux premières décennies du siècle actuel. Ce psaume est récité chaque année à l’office des lectures du deuxième samedi du Carême.

En tant que prêtre, Joseph Ratzinger a mené une vie exemplaire au service du Christ et de son Église. Nous ne pouvons pas oublier que la devise de ses armoiries épiscopales était « Coopérateurs de la Vérité », car c’est l’essence de la fonction sacerdotale qu’il a vécue tout au long de sa vie : serviteur de la Vérité, serviteur de Notre Seigneur Jésus-Christ et du Dieu trinitaire. Son sacerdoce a été l’une des expressions les plus pleines et les plus complètes de ce que signifie être prêtre : devenir humainement rien pour que le Christ puisse être tout à travers la personne qui se consacre à Lui. Comme il l’a lui-même exprimé à l’époque :  » Le ministère de la Parole exige du prêtre une participation à la kénose du Christ, de se manifester et de s’humilier dans le Christ. Le fait que le prêtre ne parle plus de lui-même, mais porte le message d’un autre, ne signifie nullement l’indifférence personnelle, mais plutôt le contraire : se perdre dans le Christ qui reprend le chemin de son mystère pascal, et conduit ainsi à une véritable rencontre avec lui-même et à la communion avec Celui qui est le Verbe de Dieu en personne. Cette structure pascale du non-soi et pourtant de mon vrai moi montre en définitive la finalité du ministère de la Parole au-delà de tout ce qui est fonctionnel, pénètre dans l’être et présuppose le sacerdoce comme sacrement ».

En ce sens, Joseph Ratzinger/Benoît XVI a vécu et pratiqué cet anéantissement personnel dans le mystère du Christ pour être un véritable « alter Christus », mais pas de manière autoréférentielle, mais en étant pleinement conscient que tout prêtre en tant que tel est au service de tout croyant, puisque ce dernier est appelé à servir le Christ dans le monde, ce pour quoi il a besoin du soutien et de l’accompagnement du prêtre. En d’autres termes, le laïc n’est pas destiné à la servilité cléricale, mais à être un témoin de Jésus-Christ dans un monde qui se confronte souvent à Dieu ou le rejette directement.

Sa démission de l’exercice actif de la papauté le 11 février 2013 signifiait précisément l’accomplissement de sa vocation sacerdotale, même si cela peut paraître paradoxal ou contradictoire. Le cher pape Benoît XVI n’a pas renoncé au sacerdoce, mais a finalement fait ce que le Seigneur a dû lui demander en ces heures dramatiques pour lui, pour l’Église et pour le monde. Les événements ultérieurs – principalement l’élévation du pape François à la papauté – montrent que le pape Ratzinger a su s’humilier pour laisser la place à celui que le Seigneur voulait placer à la tête de son Église à ce moment de l’histoire : le pape Ratzinger n’a pas fait ce qu’il voulait, mais ce que le Christ lui demandait, au prix de son humiliation « mondaine », comme sa démission pour cause d’épuisement physique ou spirituel. Ce qui s’est passé depuis doit être évalué calmement et profondément, avec « les yeux du Seigneur ».

Le Saint-Père émérite n’a pas démissionné de la papauté, mais de son exercice actif, car il a continué à travailler et à coopérer avec son Seigneur (notre Seigneur) par sa vie pratiquement monastique consacrée à la prière et à la méditation. Comme Moïse dans la bataille du peuple d’Israël contre les Amalécites, Benoît XVI soutient le combat spirituel de toute l’Eglise. Nous pouvons affirmer, avec une totale conviction, que si Jorge Mario Bergoglio est devenu Pape, c’est grâce au témoignage sacerdotal et sacrificiel de Joseph Ratzinger/Benoît XVI, afin que « les intentions de Dieu soient mises à nu ».

Nous pouvons affirmer avec une pleine conviction que si Jorge Mario Bergoglio est devenu Pape, c’est grâce au témoignage sacerdotal et sacrificiel de Joseph Ratzinger/Benoît XVI que « les intentions de nombreux cœurs ont été dévoilées » et que « la souillure dans l’Église du Christ a été mise en lumière, même parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient appartenir entièrement à Jésus » (Chemin de Croix du Vendredi Saint 2005).

Sa démission de l’exercice actif de la papauté n’a pas été un acte de faiblesse ou de lâcheté, mais bien le contraire : seul un homme courageux et viril pouvait accepter la volonté du Seigneur et reprendre l’héritage de Jean-Paul II, et seul un homme courageux et viril comme lui pouvait s’effacer pour qu’un autre – avec plus de force physique – puisse prendre la barre du navire de l’Église et mener les combats qu’elle mène aujourd’hui : Sans l’humiliation de Benoît XVI, il n’y aurait pas eu de François, il n’y aurait pas eu « l’abomination de la désolation » sur le siège pétrinien, il n’y aurait pas eu « l’Adversaire, qui s’élève avec orgueil contre tout ce qui porte le nom de Dieu ou est l’objet d’un culte, jusqu’à s’installer dans le Temple de Dieu, se présentant comme Dieu » (2 Th 2,4).

Benoît XVI a été au cours de ces dernières années le Saint Père émérite qui, en tant que successeur de Pierre, était d’une manière toute particulière la tête de l’Eglise et sa pierre de fondation. Aujourd’hui, il est allé à la Maison de Dieu pour faire partie de l’armée céleste des saints qui rendent constamment gloire à Dieu en haut et accompagnent et inspirent les enfants de Dieu dans leur pèlerinage à travers cette vallée de larmes qu’est le monde éloigné de Dieu et rebelle à sa grâce et à son amour. Il est parti, mais il nous a légué et remis entre nos mains sa sagesse humaniste et chrétienne et sa vie sacerdotale exemplaire.

Sa sainteté dans la vie nous a fait voir et savoir qu’il était vraiment le visage de Dieu au milieu de ce monde orageux et sombre. Maintenant, en tant que saint du ciel, nous, les croyants, avons un nouvel et puissant intercesseur auprès de Dieu, afin qu’il continue à nous imprégner de grâce, de sagesse et de courage pour porter le message de l’Évangile à un monde qui a plus que jamais besoin de recevoir et de se nourrir de la Parole qui éclaire et du Pain qui nourrit spirituellement tous ceux qui savent la recevoir, afin d’être sel de la terre et lumière du monde.

Merci Benoît XVI, pour votre exemple sacerdotal inégalé. Merci Benoît XVI, pour votre humble sagesse et pour votre sage humilité, pour avoir su être humble dans votre grandeur et être grand dans votre humilité. Vous n’avez pas seulement fait de la théologie à genoux, mais vous avez laissé la Parole de Dieu vous façonner à son image, en rayonnant la Paix qui vient de Dieu. Merci pour votre impressionnant magistère, qui continuera à nourrir notre âme et notre foi. Merci pour votre belle vie sacerdotale, par laquelle vous laissez Jésus-Christ parler à travers votre parole et votre exemple. En bref, danke Heiligen Vater Benedikt : wir leben dich, weil Gottes Angesicht bist du in der Welt [Merci, Saint Père Benoît : nous vous aimons, parce que vous êtes le visage de Dieu dans le monde].

José Arturo Quarracino
31 décembre 2022

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