Dans une interview accordé à Repubblica (???) deux jours avant la mort du Saint-Père, Georg Gänswein, répondant aux questions pressantes du directeur du journal de référence de la gauche « radical-chic » italienne avait évoqué l’œuvre des démons dont les attaques dont Benoît XVI avait été la cible (et l’est resté jusqu’à la fin). Propos génériques, pourrait-on penser, et qui ont l’avantage de mettre tout le monde d’accord (François aime bien ,lui aussi, parler du diable) sans incriminer QUELQU’UN en particulier. Pas si anodins que cela, en fait, comme le met en évidence cet article de Giuseppe Nardi, (s’inspirant d’un article de Lorenzo Bertocchi, un collaborateur de la NBQ qui écrit ici dans La Verità du 3 janvier – en accès payant), qui pose le problème des difficultés qui se profilent avec ce qu’on pourrait appeler « l’après-Benoît ». Le groupe de Saint-Gall n’a pas lâché prise, et la fracture (que la « cohabitation » Benoît XVI/François a mis sous sous les yeux de tous, ou au moins de « qui a des yeux pour voir ») s’est encore élargie. Une fracture qui ébranle l’Eglise.

« Ces diables du Vatican qui attaquent Benoît »

LA MORT DE BENOIT XVI ROMPT UN ÉQUILIBRE PRÉCAIRE DANS L’ÉGLISE

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Les mots de son secrétaire personnel Georg Gänswein sont sans équivoque : le « parti » vaincu au conclave de 2005 était en guerre contre le pape Benoît XVI. Sa mort rompt un équilibre précaire dans l’Eglise, selon l’analyse du journaliste catholique Lorenzo Bertocchi.

Pour les profanes, tout pourrait n’avoir qu’une explication humaine, mais en réalité, la lutte concerne en fin de compte les « esprits des airs », qui dépassent le monde matériel, selon Bertocchi. En ces jours qui précèdent les funérailles du pape « émérite » Benoît XVI, le climat de deuil et d’émotion sincère qui règne dans l’Eglise et dans les commentaires risque de « masquer ce qui est arrivé à l’Eglise depuis toujours : l’action du ‘diviseur’, du Diaballo, de celui qui sème la discorde, bref, du diable ».

Mgr Georg Gänswein, secrétaire de longue date du pape Joseph Ratzinger, l’a exprimé dans une interview publiée hier par La Repubblica, lorsqu’Ezio Mauro [le directeur] lui a demandé : « Dans les années du pontificat de Benoît XVI, les années des Vatileaks, du scandale des abus, de la banque du Vatican IOR, avez-vous senti la présence du diable ? »

« Je l’ai beaucoup ressenti dans l’opposition au pape Benoît », a répondu immédiatement don Georg, donnant ainsi une toute autre tonalité à l’affaire.

Dans une interview accordée au quotidien allemand Tagespost, Gänswein a apporté une précision supplémentaire en déclarant que Benoît XVI avait lu « avec douleur dans son cœur » [lui a brisé le cœur] le motu proprio Traditionis custodes par lequel à l’été 2021 le pape François a supprimé le motu proprio Summorum Pontificum de son prédécesseur.

L’interview de la Repubblica, publiée hier sous le titre « Au Vatican, le diable a agi contre Benoît XVI », mais donnée quelques jours avant la mort du pape émérite, souligne avant tout, et pour la énième fois, que la démission de Benoît XVI ne s’est pas faite sous une forme de chantage. Sa renonciation à sa fonction aurait été « libre » et dictée par une évaluation personnelle de Ratzinger, qui n’était physiquement plus en mesure de continuer à exercer sa fonction. De nombreux amis de Benoît XVI n’étaient pas du tout d’accord avec cette décision, pas même Gänswein lui-même, comme il le dit dans la même interview. La démission a surtout fait le bonheur des opposants de Benoît XVI, non pas pour des mesquines questions de pouvoir, mais précisément en raison de son importance pour l’ecclésiologie et l’interprétation de la figure du pape lui-même. Il s’agit de questions radicales, de lignes de fracture profondes et de failles devant lesquelles l’Eglise tremble. C’est là que les « esprits de l’air » se jettent avec enthousiasme et toute la rage du monde.

L’élection du pape François lors du conclave de 2013, convoqué pour mettre fin au vide séculier après la renonciation de Benoît XVI, a toujours été qualifiée de vengeance de ce « parti » qui avait été vaincu lors du conclave de 2005, si on peut l’appeler ainsi. Mgr Gänswein lui-même a déclaré que l’élection de Benoît XVI était le résultat « d’une lutte dramatique entre le parti dit du ‘sel de la terre’ autour des cardinaux López Trujíllo, Ruini, Herranz, Rouco Varela et Medina et le groupe dit de Saint-Gall autour des cardinaux Danneels, Martini, Silvestrini, Kasper, Lehmann et Murphy-O’Connor. L’agenda du cardinal jésuite Carlo Maria Martini, qu’il a brièvement formulé lors du synode des évêques de 1999, est en quelque sorte considéré comme le manifeste des libéraux :

  • assouplissement de l’enseignement moral (avec érosion des encycliques Humanae vitae de Paul VI et Veritatis splendor de Jean-Paul II) ;
  • nouveau rôle (ministères) pour les femmes ;
  • Ordination de prêtres mariés ;
  • une Église du synode permanent.

Ces indications suffisent à comprendre pourquoi le vaticaniste Sandro Magister titrait déjà en octobre 2013, quelques mois après l’élection de Jorge Mario Bergoglio : « Le pape Martini, un rêve devenu réalité ».

La rupture est, comme nous l’avons dit, abyssale et ne peut être niée. François est le pape régnant et Benoît était le pape « émérite » depuis dix ans. Ils se sont respectés et reconnus mutuellement et ont construit une coexistence apparemment calme et coopérative, mais ils sont restés deux personnalités très différentes et très éloignées l’une de l’autre. Même Benoît XVI, comme il l’a confié à son biographe Peter Seewald, ne s’attendait pas à l’élection du cardinal Bergoglio, peut-être parce qu’il s’attendait à ce qu’ « il y ait un conclave qui élise Scola »

En tout cas, tout le pontificat de François jusqu’à présent a coexisté avec les dix années de vie de Ratzinger en tant qu’ « émérite ». Dix années au cours desquelles les deux âmes de la ligne de fracture tellurique dans l’Eglise se sont immédiatement heurtées et ce, concrètement depuis le double synode sur la famille en 2014 et 2015. D’une certaine manière, le pape Benoît a agi, bien que largement en silence, comme un contrepoids au pontificat de François, et ce non seulement dans une interprétation journalistique polarisante, mais aussi précisément au sein du corps ecclésial. Pour les uns, Benoît a été un frein réactionnaire gênant, mais pour les autres, il a été un « katechon » qui a continué à agir.

Le pontificat de Benoît XVI. a été marqué par les Vatileaks, le scandale des abus – pour le traitement duquel Benoît a d’ailleurs donné les impulsions les plus fortes et les plus déterminantes en tant que cardinal et en tant que pape, pas François -, enfin les scandales à la banque du Vatican, l’IOR, tout cela est remonté à la surface parce que le démon que Gänswein a vu en action « contre le pape Benoît » habite le monde, et n’a rien laissé « passer » au « pastore tedesco » comme le dit ce jugement infâme sur le pape Benoît XVI qui venait d’être élu en 2005, que Bertocchi rappelle et qui doit être expliqué.

Il s’agissait d’un jeu de mots malveillant que le quotidien communiste Il Manifesto avait mis en première page le lendemain de l’élection de Benoît, accompagné d’une photo du nouveau pape. Le jeu de mots pouvait être lu comme « berger allemand », mais bien plus probablement comme « chien de berger allemand », car il est courant dans le langage populaire. C’est exactement ce qui était prévu. La gauche radicale, qui sert aujourd’hui de fantassin et de section d’assaut aux plus hauts étages de l’establishment mondialiste, a accueilli Benoît XVI en le rabaissant au rang de chien. Le pape François, quant à lui, a rapidement noué les meilleurs contacts avec Il Manifesto, qui a même édité et distribué un de ses livres.

« Il plaît au diable de rôder autour de l’autel et de prendre la forme d’un Deep State ecclésiastique qui n’est pas seulement tapi à la Curie romaine, mais qui s’est installé dans les épiscopats, les universités, les séminaires, les mouvements et les associations, nourrissant et favorisant la rupture profonde sur la conception de l’Eglise et la transmission de la foi, de sa tradition et de son approfondissement ou de son développement, ainsi que sur le rapport entre la foi et l’histoire. C’est là que Ratzinger a trouvé ses adversaires et son pire ennemi », dit Bertocchi.

Le pape Paul VI a déclaré après le Concile Vatican II que « par quelque fissure, la fumée de Satan était entrée dans le temple de Dieu ». Et aujourd’hui ?

La mort de Benoît XVI pourrait rendre le pontificat de François encore plus difficile à certains égards, non pas tant en raison d’on ne sait quelles attaques de la part des conservateurs, mais en raison du manque de dynamisme, de sorte que certains de ses « amis » pourraient se détourner définitivement, déçus. A cet égard, Bertocchi ne le mentionne pas, il est difficile de dire ce qui est le plus grave : le fait que François et sa cour aient désormais « la voie libre » ou le fait qu’une partie non négligeable de l’Eglise se sente complètement orpheline.

On peut être d’accord avec Bertocchi lorsqu’il dit que l’on entend depuis quelque temps déjà parler de grandes manœuvres dans la perspective d’un nouveau conclave, mais que le panorama des électeurs du pape s’avère aujourd’hui d’une lecture difficile. Le pape François a tellement remanié le corps électoral par des nominations exotiques et singulières qu’il n’est guère possible de faire des pronostics selon les catégories connues jusqu’à présent en 2005 et 2013. Sur les 125 cardinaux actuels (126 avec le cardinal Angelo Becciu) habilités à élire le pape, 81 ou 82 ont été nommés par François.

Ce qui est sûr, c’est que la grande ligne de fracture qui martyrise l’Eglise depuis plus d’un demi-siècle est toujours présente et s’est encore approfondie. Cependant, des surprises sont toujours possibles, car un proverbe romain bien connu dit : « Le diable fait le pot, mais pas le couvercle ».

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