Nous avons déjà parlé de la surprise des médias devant l’hommage populaire spontané au Saint-Père. et nous n’avons pas fini d’en parler , parce que c’est un évènement d’une grande signification. Alors que viennent de s’achever les funérailles (*), je traduis à la hâte cette belle lettre du cœur venant d’un prêtre qui confie les sentiments que cet hommage lui inspire à AM Valli. Je m’y reconnais à 100%.

(*) Mea culpa. J’espère que mes lecteurs n’ont pas suivi mes conseils, la télévision est inregardable, c’est un cloaque, et j’ai dû me rabattre sur KTO.

Benoît XVI émérite ? Non, Grand (/Magne). De la foule, l’hommage le plus vrai

En cette heure triste où s’éteint la grande figure de Benoît XVI, tant de pensées envahissent mon esprit, à partir de l’antichambre de la galerie des souvenirs.

Tout d’abord, le jour de l’élection. J’étais là, sur la place encore semi-déserte, avec le pressentiment que quelque chose allait se passer et que bientôt je le verrais apparaître au balcon ; avec le sentiment vif qu’il serait celui qui serait désigné par l’Esprit Saint. Je venais en effet de lire son célèbre discours, sur le point de clore la clôture du conclave, et si pour tous il apparaissait diviseur et politiquement incorrect, pour moi il suscitait le sentiment inverse : ces paroles prophétiques avaient été trop grandes pour rester inaudibles et confiées à la prudence d’une élection accommodante, prudente, « non-divisive ».

L’autre souvenir est forcément le renoncement, qui a suscité en moi les questions que vous vous posez encore. Je renvoie désormais ces questions au passé et non au présent, car maintenant j’ai compris le plan divin. Une conception très manzonienne, qui voit l’écriture claire de la main de la Providence sur ce chapitre énigmatique de l’histoire de l’Église.

Tout était prévu, tout était providentiellement prévu : un Pape qui proclame la vérité et qui est donc maltraité, calomnié, humilié par les pouvoirs culturels et politiques du siècle. Forcé de renoncer – je crois – à cause du poids de la solitude. La même solitude que le Christ devant Pilate, qui, sans surprise, a posé la question de la vérité, sans se donner de réponse.

Et au moment de son renoncement, Benoît est devenu pour tous le nouveau Célestin, et tous l’ont vu entrer dans l’histoire pour ce rôle. Un rôle de vaincu. Ils voulaient le remiser dans la réserve aux accessoires d’une restauration ratée, presque comme un roi de France post-napoléonien, une sorte de Charles X tout acquis à une restauration anachronique. On ne lui accorda qu’un triste honneur d’armes et l’on dit qu’avec son renoncement, il avait changé l’histoire de l’Église. Mais seuls ceux qui ne connaissent pas l’histoire de l’Église peuvent dire une telle chose. Seuls ceux qui en ont une vision partielle peuvent s’arrêter à cet épisode, qui a désormais une signification qui au contraire s’inscrit bien – et de manière très cohérente – dans l’histoire de l’Église.

Au contraire, l’histoire de l’Église nous étonne encore et nous fait voir que le troupeau a reconnu la voix du berger et a pris la forme d’un fleuve de personnes, faisant la queue pour rendre hommage à un vieil homme de plus de quatre-vingt-dix ans, dont la voix n’avait pas été entendue depuis presque une décennie. Un pape émérite (Benoît XVI me pardonnera de là-haut, mais quel vilain adjectif !), un pape que tout le monde croyait oublié, comme cela arrive souvent à tous les papes lorsqu’ils meurent (leur souvenir, quelques jours après l’élection de leur successeur, s’estompe de plus en plus). Il est significatif que, tandis que les journalistes, incrédules devant tant de foules, font précéder leurs interviews sur la place Saint-Pierre du refrain du renoncement, les personnes interrogées (des gens simples, posés, sans banderoles ni bruit), au contraire, se souviennent simplement de ce qu’était Benoît : un évangélisateur. Le troupeau ramène le discours à la Foi.

On le voulait consumé sous les braises d’une vieillesse déclinante, qui avec le temps tend à s’éteindre et à devenir une cendre froide et indistincte. Mais au moment même où Benoît XVI semblait avoir subi ce sort et revenait, dans la simplicité de ses vêtements rouge feu, à Saint-Pierre, beaucoup de gens, comme les bergers de Bethléem (nous sommes dans la période de Noël) se sont levés et, sans attendre, ont suivi l’étoile de la Foi avec joie, cette même joie que Benoît lui-même, dans son premier discours, le jour de son élection, a mentionnée.

Ceux qui l’ont maltraité sont nombreux à porter aujourd’hui le masque des larmes, peut-être pour tenter de retrouver une crédibilité irrémédiablement perdue ; mais ils feraient mieux de se taire, de peur de paraître encore plus mesquins.

Le peuple de Dieu a rendu son jugement. L’histoire de l’Église n’a pas changé. Il a fallu la souffrance de cet homme pour faire comprendre qu’elle repose toujours sur la racine immuable de la Foi dans le Christ et la confiance dans l’Église qu’il a fondée sur Pierre et ses successeurs.

Il appartient à l’Église – j’en suis convaincu – de proclamer sa sainteté, mais, sans crainte d’être contredit, je crois qu’à partir d’aujourd’hui nous devons nous souvenir de lui non pas avec l’adjectif émérite, mais avec celui de Grand (Magno).

Je voudrais dire tant de choses, mais je les garderai dans mon cœur, tout comme je garderai dans mon cœur cette délicate et belle figure : ce cinquième évangéliste, un évangéliste des temps modernes.

Rendons grâce à la Providence.

Mots Clés :
Share This