Le journaliste de la NBQ qui s’occupe exclusivement des choses vaticanes, sur le ton modéré qui est sa marque, raconte ce qu’il a vu sur la Place Saint-Pierre, soulignant au passage l’un des traits de caractère du Pape « émérite » que l’on ignore le plus souvent (surtout ceux qui l’ont dépeint d’abord comme renfrogné puis aujourd’hui comme austère et isolé) : l’humour. Mais, mais au-delà des anecdotes, ce qui ressort, c’est la publication prochaine du livre écrit par le secrétaire du Pape, à sortir (en italien) ces jours-ci, et dont les médias italiens commencent à sortir les « bonnes pages ». Un livre qui s’annonce explosif, et certainement à haut risque pour François.

« Je pense que le pape François ne me fait plus confiance et souhaite que vous soyez mon tuteur »

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(Benoît XVI à Georg Gänswein)

Saint-Pierre réchauffé par l’affection pour Papa Ratzinger

Nico Spuntoni
lanuovabq.it/it/san-pietro-riscaldata-dallaffetto-per-papa-ratzinger

Avec les obsèques présidées par le pape François et l’inhumation dans les grottes du Vatican, les adieux au pape émérite prennent fin. Une journée historique, dominée par la présence (et les déclarations) du secrétaire historique Gänswein et l’affection des nombreux fidèles qui ont bravé l’hiver pour saluer le pontife émérite au cri de « Santo Subito ».

Le jour du dernier adieu à Benoît XVI s’est achevé par son inhumation dans les grottes du Vatican, dans la tombe qui fut celle de son prédécesseur bien-aimé, saint Jean-Paul II. Le dernier acte d’une journée qui a vu le peuple rendre hommage au dernier pape européen.

Des dizaines de milliers de fidèles attendaient depuis le matin d’entrer sur la place Saint-Pierre pour assister à la messe des funérailles présidée par François mais célébrée à l’autel par le cardinal doyen, Giovanni Battista Re. Le brouillard, peut-être pour la première fois de la saison hivernale, enveloppait ce jeudi romain de début d’année et « engloutissait » le dôme de Saint-Pierre. Comme annoncé, le cercueil en cyprès contenant la dépouille du Pape émérite a été porté sur le parvis peu avant 9 heures, annoncé par les cloches sonnant le glas et suivi de la récitation du rosaire. Sur le cercueil, le secrétaire Mgr Georg Gänswein, accompagné du maître de cérémonie papal, Mgr Diego Ravelli, a déposé l’Évangile. Mais cette fois-ci, contrairement aux funérailles de Jean-Paul II célébrées par le cardinal-doyen de l’époque, Joseph Ratzinger, aucun vent n’a tourné les pages.

Le collaborateur historique de Benoît XVI, Mgr Gänswein, s’est agenouillé et a baisé le cercueil. Avant la fermeture, il y a eu la lecture de l’acte [rogito] déposé dans le cercueil en cyprès, dans lequel sont soulignés son engagement « face à un relativisme et à un athéisme pratique de plus en plus envahissant » et sa « fermeté face aux crimes commis par des représentants du clergé contre des mineurs ou des personnes vulnérables ». Le rite de la velatio avec la pose du voile blanc sur le visage n’a pas manqué, toujours de la main de Ravelli et de Gänswein.

Bien que les médias du monde entier se soient concentrés sur ce qui se passait sur la place, la vie dans le petit État n’a pas été complètement paralysée, car les bureaux n’ont été fermés que jusqu’à 14 heures et certains services – comme les stations-service – ont suivi l’horaire habituel. Les membres du Sacré Collège n’étaient pas tous présents sur le parvis mais celle qui se distinguait, c’était la silhouette voûtée du cardinal chinois Joseph Zen Ze-kiun qui, à presque 91 ans, a demandé et obtenu le feu vert du régime pour être là.

François est arrivé en fauteuil roulant et a prononcé une courte homélie, avec une seule mention explicite de son prédécesseur, « Bienheureux, ami fidèle de l’Époux ». Nous voulons « confier notre frère aux mains du Père : que ces mains de la miséricorde trouvent sa lampe allumée avec l’huile de l’Évangile », a dit Bergoglio. À la fin de la célébration, l’image historique d’un pape rendant hommage à la dépouille de son prédécesseur : debout malgré ses problèmes de motricité, Bergoglio s’est arrêté pour prier en se penchant sur le cercueil.

Gänswein a été d’une certaine façon l’acteur principal de la journée d’hier, non seulement pour sa participation émue aux funérailles, au premier rang aux côtés des memores domini qui ont veillé sur Benoît XVI dans le monastère Mater Ecclesiae, mais aussi pour la sortie des anticipations du livre Nient’altro che la verità. La mia vita al fianco di Benedetto XVI écrit à quatre mains avec le journaliste Saverio Gaeta.

Quelques heures après la fin des funérailles, en effet, les agences ont commencé à diffuser les sorties de l’archevêque allemand contenues dans le texte à venir, avec l’aveu qu’il a été « choqué » lorsque François – à la suite de la polémique sur la publication du livre Dal profondo del nostro cuore avec le cardinal Robert Sarah – a fait de lui un « préfet à moitié », comme il s’est appelé lui-même, le démettant de facto de son rôle de chef de la préfecture de la Maison pontificale.

Gänswein raconte également dans son livre que la nouvelle a été accueillie avec une ironie amère par Benoît XVI, qui a fait le commentaire suivant à son secrétaire : « Je pense que le pape François ne me fait plus confiance et souhaite que vous soyez mon tuteur ». Et l’ironie de Ratzinger, bien connue de tous ceux qui l’ont un tant soit peu connu, est l’une des caractéristiques les moins mémorisées dans les portraits qui ont toujours été faits de lui. C’est aussi parce qu’elle contraste avec l’image du panzerkardinal d’abord, puis du berger allemand que beaucoup de médias ont voulu lui coudre.

Et c’est précisément cette sympathie pour Benoît XVI que Monseigneur Stefan Oster, évêque de Passau et l’un des plus proches du pape émérite, tient à rappeler. Le prélat, qui peut se vanter d’être « l’évêque d’origine » de Ratzinger puisque son village natal de Marktl am Inn fait partie du territoire de son diocèse, a confié à la Nuova Bussola Quotidiana que le premier souvenir associé à Benoît XVI est précisément « son humour bavarois ». Ces dernières années, l’évêque avait été reçu plusieurs fois par Ratzinger et la dernière fois, nous a-t-il dit, il l’avait trouvé « comme d’habitude gentil, réfléchi et plein d’esprit, mais aussi très faible ». Oster, l’un des rares évêques allemands à l’avoir défendu contre les accusations qui ont suivi la publication du rapport sur les abus à Munich, a confirmé à la Nuova Bussola Quotidiana – répondant à une question de notre part – que, oui, « l’Église allemande a besoin d’un saint comme Benoît » mais en précisant que « cela prendra du temps pour la béatification et la canonisation ».

La foule présente aux funérailles, quant à elle, l’a déjà invoqué comme « Santo subito » – comme ce fut le cas pour Jean-Paul II – avec une banderole déployée sur la place. Tandis que les siens, arrivés de sa chère Bavière en tenue traditionnelle, ont honoré la mémoire de leur illustre compatriote en jouant une partie de leur répertoire dans les rues autour de Via della Conciliazione. La musique que Benoît XVI aimait tant, habitué lui aussi, au cours de ces presque dix années de retraite, à recevoir des délégations bavaroises dans le monastère Mater Ecclesiae et à trinquer – lors d’occasions spéciales – avec une pinte de la célèbre bière.

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