« Cléricalisme », c’est un concept forgé par François, qui a revisité le sens du mot, imputant à un mal défini « cléricalisme » les affaires d’abus sexuels dans le clergé, mettant ainsi de côté l’essentiel comme on cache la poussière sous le tapis. Mais passons… Cléricalisme, c’est aussi l’attitude de certains clercs qui profitent de leur condition de consacrés pour répandre « avec autorité » sur les blogs et autres médias sociaux des mensonges sur Benoît XVI (bien enveloppés dans l’emballage rassurant d’une admiration sirupeuse qui ne peut tromper personne), dupant ainsi les lecteurs naïfs ou peu informés en véhiculant une fausse image de lui. Un exemple emblématique m’a été fournie hier par une lectrice qui a eu le malheur de tomber sur la chaîne youtube d’un certain dominicain, « influenceur » en vogue dont je préfère ne pas citer le nom ici (voir https://youtu.be/sx3U7oSWnkQ). Il n’est malheureusement pas le seul…
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L’exemple qui suit nous vient d’Italie, et il a été relevé par le blog Messa in Latino (MiL). J’ai traduit l’article en entier, même ce qui peut paraître anecdotique, car c’est indispensable pour comprendre.

« Votre Excellence, ne publiez pas vos mémoires » : la volonté de censure préventive de Mgr Georg Gänswein par un prêtre bergamasque

Dans l’affaire du livre Nient’altro che la Verità, écrit par Mgr Georg Gänswein et de parution imminente (12 janvier), il ne manquait plus que le petit prêtre-professeur qui, le petit doigt levé et avec une humilité feinte (mais avec une arrogance et un empressement réels à se mettre en avant) prétend enseigner à l’archevêque et au préfet de la maison pontificale comment se comporter.

Et le voilà donc qui entre (sans être sollicité) sur la scène : il s’agit de don Alberto Varinelli, prêtre du diocèse de Bergame, né en 1984, vicaire interparoissial de Telgate et Grumello del Monte depuis 2015.
Depuis le blog La barca e il Mare – Chiesa e dintorni (lequel, si on le parcourt, semble avoir pour référence l’évêque Alberto Carrara, ex-Délégué épiscopal à la Pastorale de la Culture et des Communications Sociales et vieille connaissance, pas vraiment positive, de nos lecteurs – le prêtre, manifestement expert dans l’art de la divination, se pose en censeur préventif, invitant publiquement Son Excellence à ne pas publier le mémoire.

Et pourquoi donc?

Comme l’a constaté la rédaction de MiL – qui a pu le lire intégralement et à l’avance – le livre contient des faits significatifs, toujours décrits avec délicatesse et clarté et avec beaucoup de respect.

Qu’aurait donc écrit Mgr Gänswein de faux pour mériter ainsi une censure préventive d’un livre qui a manifestement été écrit il y a quelque temps, donc probablement (très probablement) [?] en accord avec le Souverain Pontife Benoît XVI ?

Don Alberto Varinelli a-t-il lu le livre (ou plutôt une édition radicalement différente de celle en notre possession) et peut-il affirmer qu’il contient des faussetés et des mensonges ?

Le problème – selon le prêtre bergamasque – est que dans le livre, Mgr Gänswein se consacre à « attaquer publiquement un confrère », c’est-à-dire le pape François, et cela « constitue un acte grave ». En supposant qu’il y ait de telles attaques dans le livre (et nous ne le pensons pas, mais NOUS avons lu le livre…), sur quelle planète en dehors de notre galaxie vivait don Alberto Varinelli quand, avec des centaines d’écrits et d’interviews, des évêques et même des cardinaux ont ignoblement attaqué le Pape émérite pendant dix ans (et, en fait, avant même la declaratio du 11 février 2013) ?

Oui, le fond a bien été atteint

Rédaction de MiL


Excellence, maintenant soyez un bon pasteur!

Lettre ouverte à Mgr Gänswein
Secrétaire particulier de Benoît XVI

Don Alberto Varinelli

Très Révérendissime Excellence,

permettez-moi de vous écrire quelques réflexions en tant que frère dans la prêtrise. Je suis un prêtre du diocèse de Bergame, au service de deux oratoires : pas un théologien, pas un canoniste, mais un prêtre heureux dans la paroisse avec son peuple.

Vos propos discréditent le pape François

Je n’ai pas grand espoir que vous me lisiez et je n’ai aucune prétention : pour moi, cependant, il est nécessaire de vous écrire, à cause de l’amour que je ressens pour mon Église et de l’estime que je vous porte. Je voudrais vous présenter mes sincères condoléances à l’occasion du décès du Pape émérite Benoît XVI, que vous avez suivi fidèlement en tant que secrétaire pendant tant d’années ; je voudrais en outre vous souhaiter un joyeux anniversaire de votre ordination épiscopale, aujourd’hui étant précisément le jour de l’Épiphanie du Seigneur, le dixième anniversaire de ce jour si important pour vous et pour toute l’Église.

Ma réflexion trouve son origine dans les interviews que vous avez données ces derniers jours, alors que de nombreuses personnes, comme vous, priaient devant le corps du Pape émérite. J’ai lu vos déclarations sur la souffrance que le pape émérite a ressentie lorsque le pape François a publié la lettre apostolique Traditionis Custodes, voyant la messe en langue latine que le pape Ratzinger, avec Summorum Pontificum, avait au contraire encouragée, avec des objectifs nobles comme, évidemment, tendre la main aux disciples de Mgr Lefebvre, pour leur permettre une pleine réconciliation avec l’Église catholique.

En outre, quelques heures avant les funérailles de Benoît XVI, vous avez fait des déclarations qui, je le dis clairement, discréditent le pape François, en faisant part de votre étonnement (et en ne cachant pas votre ressentiment) qu’il ait décidé, il y a quelques années, que vous porteriez le titre de préfet de la maison pontificale mais, concrètement, que vous n’exerceriez pas la fonction relative, restant en fait « seulement » secrétaire personnel du pape émérite.

Vous saviez que le pape Benoît allait démissionner.

Chère Excellence, vos déclarations m’ont blessé et inquiété ; d’ailleurs, beaucoup de personnes ont eu la même réaction que moi à vos propos. Permettez-moi quelques considérations simples.

Vous avez affirmé avoir su des mois avant le 11 février 2013, jour de la renonciation du pape Benoît XVI, l’intention du Saint-Père de franchir l’étape historique de la renonciation au ministère pétrinien, gardant évidemment cette connaissance sub secreto pontificio. Ainsi, Excellence, lorsque le pape Benoît vous a nommé préfet de la maison pontificale en décembre 2012, vous élevant en même temps à la dignité d’archevêque, vous saviez déjà que vous seriez préfet de la maison pontificale qui ne serait bientôt plus celle du pape Ratzinger.

Le jour de votre ordination épiscopale, à Saint-Pierre, votre forte émotion n’était peut-être pas seulement dictée par l’émotion et le sens des responsabilités propres à celui qui devient évêque, mais aussi par la conscience que, à peu près un mois plus tard, il y aurait un autre Pontife, de sorte que vos promesses de loyauté envers le pape seraient bientôt vécues non pas envers le pape Benoît, dont vous étiez le secrétaire, mais envers son successeur.

Maintenant, Evêque Gänswein [sic!], je crois que vous avez dû vous demander, étant donné votre proximité avec le Pape Benoît, pourquoi une telle nomination, étant donné sa démission imminente, non ?

Si le pape Benoît vous a jugé digne du sacrement de l’épiscopat, il aurait pu vous nommer à la tête d’un diocèse important : pourquoi a-t-il choisi de vous nommer préfet de la maison pontificale juste avant sa renonciation? Je crois que cela a beaucoup lié le pape François, qui a trouvé le préfet à peine ordonné évêque et exerçant ce ministère depuis deux mois… Le pape Benoît vous a expliqué ce choix, non ?

Vous me répondrez que le problème est apparu avec le choix, quelques années plus tard, du pape François. Or, Excellence, vous êtes un évêque et un expert en droit canonique, ainsi qu’un serviteur des plus hautes hiérarchies ecclésiastiques depuis des décennies. Je suis un simple curé d’un oratoire. Puis-je considérer que mon évêque ou un de mes supérieurs m’a fait du tort ? Je peux, bien sûr ! Mon respect pour mon évêque et mon obéissance à son égard proviennent d’une relation basée sur l’authenticité ; il serait donc de mon devoir d’aller le voir, une fois, deux fois, cent fois si nécessaire, et de le confronter, en exprimant mes pensées et en demandant des explications [encore aurait-il fallu que François accepte de le recevoir, ce dont on peut fortement douter, au vu de certains épisodes bien connus…]. C’est ainsi que cela fonctionne entre père et fils, entre évêque et prêtre, entre le pape et ses évêques.

Votre Excellence, ne publiez pas vos mémoires

Excellence, permettez-moi d’oser vous donner un conseil : parlez au pape et expliquez vos raisons. Je ne sais pas de quel côté se trouve la vérité, vous avez peut-être toutes les raisons et si l’on peut encore parler d’ « infaillibilité » à propos du pape, elle ne concerne certainement pas la nomination des évêques. Confier à la presse vos remarques sur des sujets qui vous concernent, vous et le pape, en sachant pertinemment que beaucoup ont utilisé et utiliseront la figure du pape Benoît, et la vôtre aussi, Excellence, pour attaquer le pape François, est une démarche imprudente et dangereuse. De plus, attaquer publiquement un confrère pour l’humilier devant d’autres confrères et des personnes qui ne sont pas au courant des faits, constitue un acte grave. Ce faisant, Excellence, vous perdez le lien avec le pape : celui qui perd le lien avec le pape non seulement perd ce lien, mais perd aussi l’Église et Jésus-Christ lui-même.

Je sais que dans quelques jours sera publié un texte avec vos mémoires, dont les interviews que vous avez données sont une anticipation : comme vous le savez, ce texte est très attendu par les franges hostiles au pape régnant et s’il y a des attaques contre François ce texte fera beaucoup de mal à l’unité de l’Église. Votre Excellence, comme l’a fait le pape Benoît en le déclarant au moment de sa démission, faites un examen de conscience attentif et répété devant Dieu, et s’il apparaît que ce texte est un recueil de rancœurs et d’attaques, avec toutes les conséquences qui s’ensuivront, arrêtez immédiatement son impression et sa commercialisation. Ce sera l’acte noble d’un évêque qui se place du côté de la vérité, sans céder à la sympathie ou à la tentation du ressentiment.

Cher Evêque Gänswein, vous êtes un homme de foi et de culture : vous avez déjà démontré votre dévouement à l’Église et votre amour pour ceux qui sont appelés à de hautes responsabilités, comme en témoignent les décennies que vous avez vécues d’abord aux côtés du cardinal Ratzinger et, après votre élection, du pape Benoît XVI. Maintenant, soyez un bon pasteur, Mgr Georg, servez l’Église avec humilité et mettez à la disposition du pape, des frères et du peuple de Dieu les nombreuses compétences que vous avez accumulées au fil du temps : avec le pape, trouvez une affectation qui vous permettra de servir au mieux l’Église en tant qu’évêque [à Tombouctou?, ndt]. Vous pouvez faire beaucoup de bien, Excellence : le pape Benoît ne manquera pas de soutenir votre service et votre engagement pour l’unité de l’Église.

En vous assurant de mon souvenir dans la prière, je vous salue cordialement en invoquant le don de votre Bénédiction Apostolique.

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