Très sincèrement, j’aurais pu signer exactement le même, si j’avais été sur place (comme j’en avais le désir, mais c’était impossible). J’ai déjà connu des expériences absolument semblables, en allant à sa rencontre.
Au fond, tout est bien ainsi. Les gens simples lui ont rendu hommage, sans tapage, sans donner de prise au voyeurisme, comme il l’aurait aimé, et les autres n’étaient pas là. Il a échappé, une dernière fois, à l’hypocrisie des VIP et à l’incompréhension des médias.

Lettre à Aldo Maria Valli

Duc in altum, 10 janvier 2023

Bien que je sois loin de Rome, comme simple catholique, j’ai voulu assister aux funérailles de Benoît XVI pour que mon effort et ma présence soient une action de grâce envers un homme, un pasteur, que j’ai toujours considéré comme un père spirituel. Tous les doutes et tous les besoins de compréhension, non seulement spirituels mais aussi existentiels, que j’ai eus au cours des vingt dernières années ont toujours trouvé une réponse dans un écrit, dans une homélie, dans une audience du pape Benoît. Une réponse qui, selon moi, correspondait à la vérité.

Je l’aimais, parce qu’il me faisait du bien. Comment pouvez-vous aimer quelqu’un que vous ne connaissez pas directement ? Je ne sais pas, je pense que cela peut arriver grâce à la force de notre foi : reconnaître avec clarté un témoin qui vous renvoie au Christ et donc à l’espérance certaine de notre destin final. Un témoin qui a donné de la force à ma vie et qui semble m’avoir toujours parlé. Je dirais un père.

N’ayant pas eu la chance de le rencontrer dans la vie, je n’avais aucun doute sur le fait que je serais allé lui dire un dernier au revoir sur terre (je m’adresse maintenant à lui directement et quotidiennement).

Cela m’a coûté un peu de sacrifice, aussi parce que, au fur et à mesure que je cherchais, les possibilités de transport devenaient de moins en moins disponibles. Au final, j’ai dû prendre le train de nuit Milan-Rome (plus de huit heures de voyage). C’était fatigant, aussi parce qu’on ne peut pas dormir, mais cela a été accompagné de belles expériences : j’ai rencontré deux jeunes prêtres dans le train, qui étaient aussi en route pour la même destination, et j’ai fait l’expérience de la gentillesse particulière du conducteur, qui à un moment donné nous a proposé, à nous les « pèlerins », de nous déplacer dans un wagon moins bondé. De la Tiburtina [la deuxième gare de Rome] à la place St Pierre, on pouvait largement partager un taxi à trois. À 6 heures du matin, nous étions dans la file d’attente, avec beaucoup de gens : beaucoup de jeunes religieuses, beaucoup de jeunes prêtres en soutane, qui étaient ensuite dirigés vers leur secteur, beaucoup de jeunes en général (mon ami et moi faisions monter la moyenne d’âge). Cela m’a frappé, puis le jeune prêtre a fait remarquer que leur génération avait participé aux JMJ de Cologne et de Madrid. Et la semence, évidemment, a porté du fruit.

Puis nous nous sommes retrouvés sur la place, dans le froid et le brouillard, avec les chaises mouillées par l’humidité, à attendre pendant presque deux heures. Le chauffeur de taxi nous avait assuré qu’il y aurait du soleil après le brouillard, mais il a failli ne pas se montrer. De même que le dôme de Saint-Pierre, enveloppé de brouillard, était à peine visible. Une atmosphère un peu étrange pour Rome.

Puis le chapelet et la célébration. De notre position, nous ne pouvions pas voir grand-chose de ce qui se passait dans le parvis, et nous étions auusi loin des écrans distants. Toute la participation était donc basée sur l’écoute. Les chants liturgiques étaient magnifiques (j’imagine que Benoît les aurait appréciés), tandis que l’homélie au rythme rapide que nous connaissons tous était ce qu’elle était, malheureusement. Et ne parlons pas de la distribution de l’Eucharistie.

À la fin, tous attendant quelque chose, nous avons perçu qu’on déplaçait le cercueil, mais nous ne pensions pas que c’était déjà fini. Tout le monde est resté immobile, attendant un signe (une bénédiction, un mot d’affection, un communiqué, une salutation), quelqu’un a tenté un petit applaudissement ou un petit chœur s’est élevé, mais il n’y a pas eu de suite parce qu’il y avait cette attente. Les minutes passaient et… rien, aucun signe.

Ensuite, le préposé de notre secteur nous a dit : « Ecoutez, c’est fini, vous pouvez partir ». Un sentiment de malaise m’a envahie, qui a également été ressenti par de nombreuses autres personnes avec qui j’en ai parlé. Mais comment ? Pour un pape, pour un grand pape, même pas un mot d’adieu affectueux ? Sans les applaudissements de la place, sans la possibilité d’exprimer en chœur le sentiment qui nous avait amenés là ? J’ai eu le sentiment que la messe des funérailles était plus un accomplissement qu’une salutation et un hommage. Comme si tout devait être passé sous silence, comme si l’on voulait que tout soit consommé et oublié à la hâte.

Est-ce cela qui va se passer? Malheureusement, le soupçon est fort. Seul Notre Seigneur connaît la vérité.

Une considération demeure pour moi : jusqu’à la fin, c’était le destin de Benoît XVI, de ce grand témoin de la Vérité, de ne pas avoir la reconnaissance qu’il méritait. Mais de nombreux fidèles ordinaires l’ont salué et remercié, et son message leur est arrivé à la tête et au cœur. Je suis sûr qu’il aura vu tout cela et souri timidement, comme il le faisait souvent. Que le Seigneur lui accorde toute la gloire qu’il mérite au Ciel. Au revoir, cher Pape Benoît. Aidez-nous encore plus qu’avant.

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