Cette anecdote, rapportée par un journaliste du quotidien Libero, est assez, comment dire, représentative du personnage. Visitant la crypte où sont enterrés les papes, le jour des morts 2018, François avait exprimé sa volonté d’être enterré dans la tombe prévue pour Jean-Paul II – qui depuis sa canonisation repose désormais dans un autel de la Basilique St-Pierre. Las! C’était aussi le souhait (exprimé dans ses dernières volonté) de Benoît XVI. Et bon gré mal gré, François n’a plus eu qu’à s’incliner. De là à penser que les obsèques bâclées et son refus de descendre dans la crypte le 5 janvier, pour le rite funèbre ultime sont une petite vengeance personnelle… mais j’ai mauvais esprit

Le pape François, « quelle tombe il voulait refiler à Ratzinger ».

www.liberoquotidiano.it/news/italia/34547689/papa-francesco-che-tomba-voleva-rifilare-ratzinger.html

Ces jours-ci, je suis allé rendre hommage au pape Benoît XVI en ce lieu qui depuis le 5 janvier est celui de son repos éternel. Ceux qui se sont rendus dans les grottes du Vatican ces dernières années – avant et après la mort de Ratzinger – auront remarqué qu’un sarcophage en marbre blanc, dépourvu d’inscriptions, a récemment surgi parmi les tombes qui abritent les restes mortels d’une centaine de papes. Et en effet, il est vide, car il a été construit sur les instructions expresses de Bergoglio en 2019. L’histoire qui s’y rattache, cependant, est divertissante et mérite d’être racontée.

Descendant, comme il le fait chaque année dans les Grottes à l’occasion de la commémoration des morts, le 2 novembre 2018, le pape François, après avoir prié sur les différentes tombes de ses prédécesseurs, s’est arrêté un instant et a pointé du doigt la tombe – désormais vide depuis 2011 – qui fut d’abord celle de Jean XXIII puis celle de Jean-Paul II (les deux pontifes ont été transférés sous deux autels distincts à l’intérieur de la basilique après leurs béatifications respectives puis leurs canonisations, ndlr). Et il a dit: « Ce sera la mienne quand je mourrai, je voudrais être enterré ici »


Sur la photo ci-dessus, la tombe « réservée » par Benoît XVI.

S’ensuivirent des instants évidents de panique et d’embarras parmi les cérémoniaires, et il s’en fallut de peu que le cardinal Angelo Comastri, alors archiprêtre de la basilique vaticane et président de la Fabbrica di San Pietro, ne sursaute.

Seul Mgr Guido Marini, qui à l’époque était encore le maître des cérémonies liturgiques pontificales, a eu le courage de prendre la parole et de dire à Bergoglio : « Saint-Père, vraiment, c’est ici que voudrait être enterré le pape Benoît, il a exprimé ce désir à plusieurs reprises… ».

Foudroyant l’imprudent monsignor d’un coup d’œil mauvais [occhiataccia], le pape régnant répondit, d’un ton sans réplique: « Nous verrons qui mourra le premier, en attendant qu’on fasse construire un sarcophage comme celui-ci », désignant celui qui, depuis 1978, abrite la dépouille mortelle de Jean-Paul Ier, placé exactement en face du sarcophage mentionné plus haut et, à côté du chef-d’œuvre admirable de l’art du bronze, celui de Benoît XV, mort en 1922.

Ce n’est pas un hasard si Papa Ratzinger avait choisi ce même sarcophage, car il souhaitait non seulement passer son repos éternel là où son prédécesseur direct et grand ami Karol Wojtyla avait été enterré auparavant, mais aussi être aussi proche que possible du pape qui avait qualifié la Première Guerre mondiale de « massacre inutile » et dont il s’était inspiré en 2005 pour choisir son propre nom pontifical. À l’été 2019, le fameux sarcophage que le pape François entendait refiler à Benoît XVI, était prêt pour Benoît XVI.


Ci-dessus, la tombe que François voulait « refiler » au pape émérite.

Mauvaise surprise

Dommage, toutefois, que le Pontife tout juste disparu ait mis par écrit dans son testament précisément ce souhait si souvent exprimé seulement en paroles ! Un coup dur pour son successeur qui, à ce stade, ne pouvait rien faire d’autre que de donner le feu vert à l’inhumation du triple cercueil de Ratzinger là où il l’avait souhaité.

Maintenant, ce sarcophage anonyme reviendra au contraire au Pontife venu de l’autre bout du monde, lequel, on l’imagine aisément, s’il en avait eu connaissance, aurait peut-être dépensé un peu plus pour sa création. Le sarcophage de Papa Luciani, dont il aurait dû s’inspirer, a en effet été décoré avec un soin particulier, avec l’insertion de bas-reliefs sur les quatre côtés et de quelques anges provenant du Lapidarium de l’ancienne basilique de Constantin. Tandis que celui-ci, construit à la hâte par les « sampietrini », les ouvriers de la Fabbrica di San Pietro est franchement très peu papal.

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