C’est ce qui ressort du livre-témoignage de Georg Gänswein (et qui explique les attaques dont il est actuellement la cible). Cela est particulièrement évident sur tout ce qui concerne l’avortement, la contraception, l’idéologie gender, l’homosexualité… bref, les fameuses « valeurs non négociables’ – terme que François récusait.

Ce qui pour François était secondaire et s’avérait critique à cause du jugement tranchant de la doctrine, pour Benoît était essentiel et était une question qui trouvait sa solution sur le plan doctrinal et donc pastoral, une pastorale qui est l’application des principes indiqués par la doctrine et non sa source, comme l’indiquent au contraire les écrits et les discours du pape François.

Avortement et gender, Benoît XVI et François inconciliables

Tommaso Scandroglio
lanuovabq.it/it/aborto-e-gender-benedetto-e-francesco-inconciliabili

Le livre de mémoires de Mgr Gänswein, qui rappelle les notes du pape Ratzinger concernant les déclarations du pape François sur l’avortement, la contraception et l’homosexualité, confirme la différence de perspective doctrinale et pastorale du pape régnant par rapport à l’émérite.

Dans le tout récent Nient’altro che la verità , livre dans lequel le journaliste Saverio Gaeta recueille le témoignage de Mgr Georg Gänswein, certains passages confirment comment le pape émérite, en ce qui concerne les questions éthiquement sensibles, était en pleine harmonie avec le Magistère de l’Église et en distorsion significative avec le Magistère du pape François, même si ce dernier est présenté avec une extrême courtoisie et un grand respect pour le pontife régnant.

Par exemple, Gänswein raconte que le pape François, après la publication de son long entretien avec La Civilità Cattolica en août 2013, a demandé à Benoît XVI son avis sur celui-ci. Ce dernier a répondu :

En fait, je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit, mais je voudrais ajouter un aspect complémentaire en deux points. Le premier point concerne les problèmes de l’avortement et de l’utilisation des méthodes contraceptives. Le deuxième point concerne le problème de l’homosexualité.

Le premier point concernait le passage suivant de l’interview de François:

Nous ne pouvons pas insister uniquement sur les questions de l’avortement, du mariage homosexuel et de l’utilisation de méthodes contraceptives. Ce n’est pas possible. Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses, et cela m’a été reproché. Mais quand on en parle, il faut en parler dans un contexte. L’opinion de l’Église, après tout, on la connaît, et je suis un fils de l’Église, mais il n’est pas nécessaire d’en parler tout le temps.

Il est notoire que le pape François perçoit ces questions comme une épine dans son pied, car elles créent des divisions en raison de la doctrine de l’Église, qui est très claire sur ces questions. Il est donc préférable de ne pas en parler ou, lorsqu’on les aborde, de transformer les problèmes moraux en questions de justice sociale (aide aux femmes ayant des grossesses non désirées, accueil des homosexuels, éducation à l’affectivité pour les couples mariés, etc.)

Benoît XVI, compte tenu de son jugement sur ces questions (il suffit de citer uniquement le Catéchisme de l’Église catholique, dont il fut le principal artisan), n’a délibérément pas pris François de front, mais il a choisi de manière plus appropriée la voie, disons, pédagogique. Sur l’avortement et la contraception, il attire l’attention de François sur le fondement théologique, plutôt que moral ou social, en rappelant que les combats menés par Jean-Paul II en faveur de la vie étaient des combats avant tout pour la défense du Créateur de la vie, puis pour la défense de Dieu.

Sur l’homosexualité, le pape émérite a salué la volonté de François de trouver un  » équilibre entre le respect de la personne, l’amour pastoral et la doctrine de la foi « . Toutefois, Benoît a voulu

« ajouter un aspect qui résulte des problèmes de la propagande publique sur ce point. La philosophie du gender qui est en jeu ici nous enseigne que c’est l’individu lui-même qui devient un homme ou une femme. Être un homme ou une femme n’est plus une réalité de la nature devant nous. L’homme est un produit de lui-même. […] Il s’agit d’un déni radical du Créateur et d’une manipulation de l’être dans laquelle l’homme seul est maître de lui-même. Dans cette propagande, il n’y a aucun intérêt pour le bien des personnes homosexuelles, mais une manipulation délibérée de l’être et un déni radical du Créateur. Je sais que de nombreuses personnes homosexuelles ne sont pas d’accord avec cette manipulation et estiment que l’enjeu de leur vie devient un prétexte à une guerre idéologique. En conséquence, une résistance forte et publique contre cette pression est nécessaire »..

En résumé, Benoît XVI réprimandait François tout en ne voulant pas donner l’impression de le réprimander. Ce qui pour François était secondaire et s’avérait critique à cause du jugement tranchant de la doctrine, pour Benoît était essentiel et était une question qui trouvait sa solution sur le plan doctrinal et donc pastoral, une pastorale qui est l’application des principes indiqués par la doctrine et non sa source, comme l’indiquent au contraire les écrits et les discours du pape François.

Le livre confirme donc aujourd’hui un fait : l’orientation doctrinale et pastorale de Benoît XVI n’était pas seulement différente de celle de François, mais antithétique sur plusieurs aspects, malgré la déférence que le premier avait promise au second une fois devenu pape émérite. La preuve en est, toujours dans le domaine moral, la réaction de Benoît XVI à la nouvelle que François n’a jamais voulu répondre aux célèbres dubia des cardinaux Walter Brandmüller, Raymond L. Burke, Carlo Caffarra et Joachim Meisner, qui concernaient en définitive l’existence ou la non-existence du mal intrinsèque, c’est-à-dire l’existence ou la non-existence d’actions toujours intrinsèquement mauvaises.

Son secrétaire rappelle:

Benoît a seulement été surpris sur le plan humain par l’absence du moindre soupçon de réponse de la part du Pontife, alors que François se montrait normalement disponible pour rencontrer et parler à tout le monde .

Sur le même sujet, qui en termes positifs est celui des principes non négociables (une expression forgée par le pape Benoît lui-même), Gänswein rappelle l’étonnement du pape émérite quand François a déclaré dans une interview au Corriere della Sera qu’il ne comprenait pas la nature de tels principes (qu’il a définis comme des valeurs) :

Le 5 mars 2014, Benoît XVI a lu dans le « Corriere della Sera » l’interview du Pape François par Ferruccio De Bortoli [le directeur, ndt] et s’est demandé ce que le Pontife n’avait pas compris quand, répondant à la question sur les « valeurs non négociables notamment en matière de bioéthique et de morale sexuelle », il avait affirmé: « Les valeurs sont des valeurs, c’est tout, je ne peux pas dire que parmi les doigts d’une main il y en a un moins utile qu’un autre. Je ne comprends donc pas dans quel sens il peut y avoir des ‘valeurs négociables’ « . Sans se permettre de porter un jugement, à titre personnel, le Pape émérite a toutefois compris cette déclaration comme un changement de cap et une critique voilée du comportement antérieur de Jean-Paul II et du sien, comme pour dire que tout peut se négocier ».

La lecture du livre de Gänswein confirme donc que la perspective morale et théologique entre les deux papes était et reste irréconciliable. L’humilité et la dévotion manifestées par Benoît à l’égard de François ne doivent donc pas être trompeuses car, même lorsque François régnait, le pape émérite, lorsqu’il a eu l’occasion de se prononcer sur certaines questions, a pris des positions qui, objectivement, ne peuvent être conciliées avec les perspectives fondamentales du magistère de François.

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