Entre les funérailles de Jean-Paul II et celles de Benoît XVI, presque 18 ans se sont écoulés, et tant de choses ont changé. Encore un témoignage (très beau, sinon je ne l’aurais pas traduit, à quoi bon?) d’une fidèle venue tout exprès à Rome en ce triste 5 janvier pour saluer une dernière fois Benoît XVI, et qui était déjà là le 8 avril 2005 pour les obsèques de Jean-Paul II. Nostalgie et espérance… (AM Valli).

Au moment où j’écris ces lignes, une image du pape Benoît XVI me tient compagnie.
Debout, de profil et les mains jointes, il sourit avec cette expression qui a souvent accompagné son pontificat ; cette même expression qui, bien que définie par les médias comme peu empathique, touchait et scrutait le cœur de ceux qui pouvaient lire dans ce regard une profonde paternité.

Dix jours seulement se sont écoulés depuis ces funérailles. Et moi, comme tant d’autres, j’étais là dans l’épais brouillard qui a pris la Ville éternelle par surprise.

Bien que peu de temps se soit écoulé, je ressens encore dans mon cœur le besoin de décanter ce que nous avons vécu : la désorientation d’une liturgie perçue comme « improvisée », confuse, contaminée et parfois contradictoire, fille d’une Église qui avait déjà manifesté son amnésie depuis des décennies, mais qui, le 5 janvier dernier, s’est révélée avec une effronterie désarmante.

Une Église qui, à mon avis, était représentée sur cette place par deux « armées » : l’une caractérisée par ceux qui tenaient leurs smartphones en main, soucieux d’enregistrer chaque instant avec des vidéos, des photos, des directs sur Facebook, des appels vidéo avec des parents éloignés encore en pyjama, des stories Instagram et les derniers selfies ; et l’autre qui, à la Babel ambiante, préférait le silence des prêtres en soutane et le Saint Rosaire, saisi par les fidèles comme leur seule arme contre le chaos qui gagne du terrain.

« Quel sens donnons-nous au sacrifice du Christ ? Et donc, quel sens donnons-nous à la mort d’un homme qui, quoi qu’on en dise, a été un grand Pape ? »

Voilà quelques-unes des questions qui me traversaient l’esprit en regardant l’alternance de ces deux mondes, et qui m’ont immédiatement rappelé de vieux souvenirs datant d’avril 2005.

J’étais adolescente quand, quittant ma petite ville de province, nous avons, avec des amis, pris à la gare de Carsoli le train pour Rome, désireux de nous rendre auprès de la dépouille de Jean-Paul II.

De ce jour-là, je me souviens non seulement de la chaleur et de la foule interminable qui se répandait dans tous les coins de la capitale, mais aussi de la simplicité avec laquelle, alors que nous étions debout sous le soleil brûlant en attendant d’entrer dans la basilique Saint-Pierre, nous nous sommes joints aux prières qui étaient chantées par les personnes proches de nous et qui lentement, comme un petit ruisseau de montagne qui élargit ses berges en descendant dans la vallée, se répandaient comme une traînée de poudre et animaient la place. En outre, je ne peux pas oublier le sentiment d’unité, inscrit dans nos cœurs, que nous avions respiré durant le retour à la maison et dans les mois qui ont suivi : une unité qui n’était pas multiple et multiforme, mais vraie, solide, qui mettait de l’ordre et qui ne prêtait pas à confusion parce qu’elle ne portait qu’un seul visage, celui du Christ et non du monde.

Cette photographie en noir et blanc a fait son chemin en moi avec une tristesse et une nostalgie encore plus tangibles alors que j’écoutais l’homélie du pape François.

À ce moment-là, je me suis sentie vide, liquide, sans racines, déboussolée, seule, orpheline; comme si le brouillard qui balayait l’immense coupole de Saint-Pierre était, en réalité, non seulement le miroir de mon cœur, mais aussi celui des regards silencieux que mes amis et moi échangions, dans l’espoir que tout prenne une tournure différente, peut-être plus solennelle.

En effet, il y eut un rayon de soleil, mais seulement quelques heures plus tard, lorsqu’un ami cher, un prêtre en soutane, nous appela et nous invita à déjeuner avec lui et deux autres prêtres dans le restaurant bavarois où le cardinal Ratzinger allait souvent.

Quel baume au cœur d’entrer dans ce lieu et de voir la clientèle : à chaque table, il y avait des groupes de jeunes et d’adultes avec au moins trois prêtres en soutane, parmi lesquels également un évêque et un cardinal.

C’est là que j’ai enfin respiré ce « petit reste » qui, malgré la souffrance de la triste circonstance, a su transformer la confusion intérieure et l’épais brouillard du matin en un foyer accueillant où la nourriture arrivée chaude sur la table a été bénie en italien, espagnol, anglais, allemand ou polonais, rappelant la Beauté de la vie et de la mort vécue avec le Christ.

C’est grâce à ce moment de profond partage que le retour à Vérone a été marqué par une conscience plus mûre que l’Église, même si elle semble avoir perdu la tradition des Pères, repart déjà, de la simplicité d’une lutte silencieuse et priante ; comme ils l’ont fait en Vendée au XVIIIe siècle.

C’est une conscience, la mienne et celle de nombreux autres catholiques, qui me permet d’ajouter au souvenir de ce lointain avril 2005 une image aux couleurs vives représentant un groupe d’amis avec le chapelet dans la poche et trois prêtres en soutane, avec les mots « Rome, 5 janvier 2023. Merci Benoît XVI ».

C’est l’Église éternelle, devant laquelle les enfers ne prévaudront pas.

Cher Benoît, je sais que maintenant, du Purgatoire ou du Paradis, tu intercèdes déjà pour cette foule de fidèles qui demandent au Seigneur la grâce d’une foi courageuse, capable de lutter pour la Vérité, nunc et semper.

Benoît XVI, ora pro nobis.

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