L’hommage funèbre de Mgr Munilla (que nous avons croisé plusieurs fois dans ces pages grâce à mon amie Carlota), d’abondance de cœur, daté du jour même de la mort de Benoît XVI, est trop beau pour le laisser perdre. L’évêque d’Alicante confie entre autres un souvenir très émouvant pour lui, celui de sa rencontre avec le Saint-Père, en 2006, à Valence, à l’occasion de la Journée mondiale des familles. S’adressant aux évêques espagnols, Benoît XVI les avaient remerciés de s’être inquiétés (dans un contexte politique tendu, avec Zapatero comme premier ministre) de « la foi des gens simples ».

Merci, Père ! Benoît XVI in memoriam

Mgr José Ignacio Munilla
31 décembre 2022
Infocatolica

Alors que nous faisons nos adieux à notre bien-aimé Pape émérite, le Diocèse d’Orihuela Alicante souhaite exprimer son immense gratitude à Dieu pour le don de la vie de Joseph Ratzinger – Benoît XVI.

Son prénom, Joseph, nous rappelle que, tout comme saint Joseph a été dans la vie de Jésus « l’ombre du Père », nous avons nous aussi fait la même expérience de paternité grâce à Benoît XVI. Sa conduite martyriale au milieu des eaux troubles du relativisme et de la dictature du relativisme a été un don du Père céleste pour pouvoir rester fidèle, sans succomber à l’énorme pression du moment.

Je partage avec vous que la première chose qui m’est venue à l’esprit lorsque j’ai appris la nouvelle de sa mort, ce sont ces paroles de Jésus : « Qu’êtes-vous allés voir dans le désert, un roseau secoué par le vent » (…) Qu’êtes-vous allés voir, un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète ». (cf. Mt 11, 7-9).

Un « prophète » et « plus qu’un prophète », certainement, puisque dans sa vie la parole clairvoyante du discernement prophétique s’est combinée avec une paternité pleine de bonté et de miséricorde dans l’exercice de son ministère de successeur de Pierre. Dans différents forums et en différentes occasions, j’ai eu l’occasion de souligner que le grand don du magistère de Benoît XVI a été l’intégration de la vérité et de la charité dans une même espérance, sans céder à la tentation des oppositions dialectiques. Dieu est Vérité ainsi qu’Amour, ce qui est le fondement de notre espérance. Son effort pour exprimer la symphonie des trois vertus théologales – foi, espérance et charité – a été colossal. C’est finalement la raison pour laquelle Joseph Ratzinger – Benoît XVI a été si mal compris et attaqué, principalement par ceux qui ne tolèrent pas que l’Eglise catholique résiste à l’esprit de mondanité.

Je trouve illustratif de partager avec vous la circonstance dans laquelle j’ai eu ma première rencontre avec Benoît XVI. Au cours de l’été 2006, la Journée mondiale des familles était célébrée à Valence, et je venais d’être nommé évêque de Palencia, bien que je n’aie pas encore été consacré. Dans la chapelle du Saint Calice de la cathédrale de Valence, Benoît XVI a rencontré tous les évêques d’Espagne, où j’ai été autorisé à accéder Je n’oublierai jamais les paroles que Benoît XVI a adressées aux évêques présents, à propos de la récente approbation, par l’épiscopat espagnol, de l’instruction pastorale « Théologie et sécularisation en Espagne », dans laquelle il répondait aux nombreuses erreurs modernistes qui s’infiltraient au sein même de l’Église : « Vous êtes sortis pour défendre la foi des simples, et Dieu vous le rendra ! » J’ai été ému en entendant cette expression, parce que j’ai compris que Joseph Ratzinger – Benoît XVI, étant l’un des plus grands intellectuels de l’histoire de l’Église, ce qui lui importait par-dessus tout était la foi des simples, la foi du peuple de Dieu qui lui a été confié.

Et je ne veux pas conclure sans évoquer ces dix dernières années où il a vécu retiré, caché. Lorsque mercredi dernier, le pape François a rendu publique la gravité de l’état de santé de Benoît XVI, demandant au monde entier de prier face à sa mort imminente, il a prononcé des paroles mystérieuses qui méritent d’être méditées : « Le pape émérite soutient l’Église dans son silence ». Il soutient l’Église ? Que signifie cette expression ? Un jour, lorsque nous serons en présence de Dieu, nous comprendrons comment les dernières années des personnes âgées et des malades ont été particulièrement fécondes dans les desseins de Dieu. Dans le cas de Benoît XVI, cela pourrait avoir atteint un degré très particulier. Il suffit de faire un effort d’intuition et d’imagination pour comprendre combien Benoît XVI a prié et offert dans sa retraite, au milieu de la grave crise que connaissent le monde et l’Église elle-même. Sa vie a été offerte, avec le sacrifice du Christ dans l’Eucharistie, pour chacun d’entre nous. En effet, il est impressionnant d’apprendre que la veille même de sa mort, il concélébrait la Sainte Messe dans sa propre chambre, avec quelle émotion il prononçait les mots de la doxologie : « Par le Christ, avec Lui et en Lui » !

Au nom du diocèse d’Orihuela-Alicante, nous vous disons adieu et aussi: Merci, Père ! Reposez en paix !

José Ignacio Munilla Aguirre
Évêque d’Orihuela-Alicante

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