La nouvelle m’est passée sous les yeux hier, relayée par des blogs « sérieux », en tout cas qui ne sont pas rédigés par des hurluberlus incultes: le tremblement de terre en Syrie et en Turquie a été provoqué par les USA (avec ou sans point d’interrogation). Je me suis dis: prudence.
Indépendamment de la réponse qu’on peut apporter à la question, Stefano Magni (qui pense définitivement, probablement à raison, que c’est « non » – arguments convaincants à l’appui) élargit le débat, et se demande jusqu’à quel point le mainstream n’a pas une lourde responsabilité dans la diffusion de ces « vérités alternatives », souvent bobards qui ne résistent pas à l’analyse, mais pas toujours, et qu’il amalgame sous le vocable disqualifiant « fake news ».
Pour moi, je me répète, le mot d’ordre reste de toute façon: prudence.

THÉORIES DU COMPLOT

Le « sismisme », réaction aux médias et au scientisme

Stefano Magni

lanuovabq.it/it/terremotismo-reazione-ai-media-e-allo-scientismo

Un tremblement de terre est imprévisible et son apparition ne peut être expliquée que rétrospectivement par les géologues. Cependant, certains pensent qu’elle était prévue et même planifiée. Comme après tous les tremblements de terre récents, la théorie du tremblement de terre artificiel est de retour. Pourquoi ces théories sont-elles si répandues ? La culture dominante et ses dogmes sont aussi à blâmer.

HAARP, è qui che si originerebbero i terremoti secondo la teoria del complotto

HAARP, c’est ici que les tremblements de terre prendraient naissance selon la théorie du complot.

Un tremblement de terre est imprévisible et son arrivée ne peut être expliquée qu’après coup par les géologues.
Pourtant, tout comme après le tremblement de terre d’Amatrice en 2016, le web s’est rempli de théories et de thèses, pour le moins tordues. Certains soulignent l’ « étrange fermeture » des consulats européens à Istanbul (qui, soit dit en passant, n’a même pas été touché par le tremblement de terre) afin d’insinuer que le tremblement de terre était prévu quelques jours plus tôt, voire intentionnel. La raison de la fermeture des bureaux diplomatiques, y compris celui de l’Allemagne, était due à une alerte au terrorisme. Mais ceux qui savent n’acceptent pas cette explication. Un nouveau peuple s’est formé, les « séismistes ».

Comme dans le cas d’Amatrice, il y a des gens qui sont convaincus que la terre a tremblé à cause d’une arme secrète. Cette théorie sévit sur le Web, convainquant même des personnes sérieuses, rationnelles et instruites.

Pourtant, prenons conscience des implications de ces affirmations. Le séisme, d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter, a déplacé toute la péninsule anatolienne de 5 mètres, la terre s’est fendue sur 150 km. Dans une première estimation, les experts turcs ont calculé qu’elle a libéré une énergie égale à celle de l’explosion de 32 bombes atomiques de 15 kt chacune (la puissance de Little Boy, la bombe qui a rasé Hiroshima en 1945). Si elle était produite par une bombe, déclenchée sous terre, elle nécessiterait d’énormes travaux préparatoires. Il suffit de penser à ce qu’il a fallu aux Français pour l’expérience Mururoa en 1996 : un an de préparation (et de controverse) pour faire exploser une seule bombe sous l’atoll désormais célèbre du Pacifique. Le secret est en fait impossible à préserver : en Corée du Nord, les essais, effectués dans la région centrale montagneuse du « royaume ermite », sont suivis presque en temps réel par les services de renseignement sud-coréens.

Si ce n’est pas la bombe atomique, alors ce serait quoi ? Selon la théorie majoritaire, tant pour ce séisme que pour ceux de la dernière décennie, l’arme sismique ne serait pas une « banale » bombe souterraine, mais une puissante antenne (identifiée dans le centre de recherche HAARP en Alaska ou plus récemment dans un radar maritime du Pacifique Nord) capable d’ « irradier » le territoire choisi avec des ondes ELF [ndt extremely low frequency] , les mêmes que celles utilisées par les marines militaires pour communiquer avec les sous-marins en immersion. Il n’existe aucune étude scientifique montrant comment et dans quelle mesure les ondes ELF, ou tout autre type d’onde électromagnétique, peuvent provoquer des tremblements de terre. Tous ceux qui le croient se souviennent seulement d’un numéro de l’émission Voyager [ndt: émission de la télévision italienne diffusée de 2003 à 2018, consacrée au paranormal et à l’inexplicable scientifiquement; le slogan était «La verità nella leggenda, il fantastico nella storia» ] en 2012 dans lequel l’ingénieur Bruce Agnew menait une expérience dans un terrarium pour démontrer comment les ondes ELF (diffusées par une boîte de la taille du terrarium lui-même), dûment dirigées, pouvaient déplacer une pierre sur le sable. Mais une expérience dans un petit terrarium est une chose, déplacer l’Anatolie de plusieurs mètres en utilisant des antennes à l’autre bout du monde en est une autre. Sans parler de l’absurdité pour les États-Unis de posséder une arme aussi puissante, comparable au rayon de l’étoile de la mort dans La Guerre des étoiles, et de la gaspiller pour punir un pays allié.

Il est cependant toujours étonnant de constater que le manque de crédibilité de certaines théories est inversement proportionnel à leur diffusion. La dynamique du « sensationnalisme » ne suffit pas à expliquer ce phénomène. Même si les programmes de télévision qui mêlent science et divertissement, les documentaires et les docu-fictions, continuent à porter une lourde responsabilité.

Une première cause est une réaction viscérale aux grands médias. Ces trois dernières années, surtout, ils ont été plus occupés à censurer qu’à rechercher des informations. Des thèses qui étaient rejetées comme des « théories du complot », comme l’évasion du coronavirus d’un laboratoire chinois, sont désormais considérées comme crédibles, même par l’OMS elle-même. Des informations qualifiées de « désinformation », telles que le contenu scabreux trouvé sur l’ordinateur du fils de Biden, se sont depuis révélées authentiques. On disait que la censure des réseaux sociaux par le FBI et l’administration Biden n’était que de la paranoïa de la part des conservateurs, mais les Twitter Files prouvent que tout cela était vrai : il y avait tout un système de censure. Lorsque les journalistes qui font le délicat travail de vérification, les « debunkers » [fact checkers], deviennent des censeurs, pour des raisons politiques, tout déni est remis en cause. Ainsi, les gens finissent par croire les théories les plus absurdes, simplement parce qu’elles sont réfutées « par les médias mainstream ».

Si les médias mainstream démentent que la terre est plate, cela ne signifie pas que nous devons croire, par réaction, qu’elle est réellement plate. Ni que les tremblements de terre sont causés par les ondes ELF.

Le monde de la science n’aide pas, avec ses certitudes dogmatiques et ses contradictions idéologiques. Les épidémiologistes étaient unanimes pour dire que les rassemblements accéléraient la contagion, mais les mêmes médecins et chercheurs qui ont signé la lettre en faveur des rassemblements Black Lives Matter (en période de pandémie) se sont contredits, avec des thèses mêlant politique et médecine (les rassemblements Blm étaient, selon eux, « vitaux pour la santé publique nationale »). Les climatologues sont tellement sûrs de ce qu’ils disent que les gouvernements pensent pouvoir réguler les degrés du réchauffement climatique par la planification économique, comme s’ils disposaient d’un thermostat planétaire, au mépris de la complexité des phénomènes climatiques. Aujourd’hui, les politiques énergétiques que nous adoptons devraient servir à atténuer le réchauffement de 1,5 degré Celsius, pas un centième de plus, d’ici la fin du siècle. Évidemment, si nous nous habituons à penser que tout est contrôlable, jusqu’à présent, nous sommes amenés à croire que même les tremblements de terre peuvent être planifiés.

Mais les tremblements de terre, même en 2023, ne peuvent être prédits. Ils ne peuvent pas être planifiés, ils ne peuvent pas être empêchés. La théorie du tremblement de terre artificiel est une autre manière, apparemment rassurante, de vouloir contrôler l’incontrôlable. « Non seulement ces théories sont absurdes, mais elles détournent du vrai problème, qui est la nécessité de se préparer aux tremblements de terre, avec des constructions antisismiques et une meilleure gestion », comme l’explique le professeur Alessandro Martelli, que nous avions entendu ces derniers jours sur les effets des tremblements de terre. Il y a des événements, comme les tremblements de terre, les raz-de-marée, les éruptions, les météorites, face auxquels notre volonté humaine n’est rien. Nous pouvons et devons cependant nous y préparer en réfléchissant rationnellement, à long terme, aux moyens de nous protéger. Et pas en se limitant à essayer de donner des explications à l’inexplicable uniquement dans l’excitation des jours qui suivent la catastrophe.

Share This