L’archevêque émérite de Malines Bruxelles, que François n’a pas jugé digne de la pourpre (alors que Malines-Bruxelles est traditionnellement un siège cardinalice), et qu’il a poussé sans ménagement vers la sortie dès les 75 ans canoniques révolus pour le remplacer à la tête du premier diocèse belge par le très progressiste et très bergoglien Jozef de Kesel (presque immédiatement créé cardinal LUI!), vient de publier un livre autobiographique « L’Eglise dans tous ses états : 50 ans de débats autour de la foi ». A cette occasion, il a accordé le 9 février une interview au National Catholic Register, que je découvre à l’instant. Cette interview a été traduite sur le site Belgicatho, auquel je renvoie mes lecteurs.

J’en extrais ici le beau passage relatif à Benoît XVI (qui n’est évidemment pas le seul passage intéressant):

Vous avez rencontré le cardinal Ratzinger dans la seconde moitié des années 1980, alors que vous étiez membre de la Commission théologique internationale qu’il présidait. Quels souvenirs de lui avez-vous gardés le plus longtemps ? 

Je me souviens surtout de la courtoisie et de l’immense culture et intelligence de l’homme. Pendant les sessions de la commission, il n’intervenait pas beaucoup dans nos débats. Mais le soir, il nous proposait une synthèse des réflexions exprimées dans diverses directions au cours de la journée et traçait des pistes précises pour le travail du lendemain. Comme son ami Hans Urs von Balthasar, il maîtrisait l’art de la profondeur alliée à la concision. Dans son temps libre, il nous accueillait toujours, si nous le souhaitions, pour un échange personnel d’une rare simplicité. Et nous avions le sentiment de rencontrer un ami de longue date.

Quelle a été, selon vous, sa principale contribution à l’Eglise contemporaine, tant sur le plan théologique que pastoral ? 

Une phrase du Psaume 85 résume sa contribution : « L’Amour et la Vérité se rencontreront ». Sa devise était : « Serviteur de la Vérité ». Opposé à toute forme de relativisme, il a engagé son travail théologique dans la vérité objective de la révélation biblique et de la tradition apostolique, sans compromis, mais avec toutes les nuances nécessaires dans l’expression de cette vérité. Et, sur le plan pratique, il savait qu’on ne peut forcer la vérité, qui ne sera effectivement reçue qu’en développant une pédagogie qui y conduit patiemment. 

Je trouve également exemplaire de sa finesse théologique la manière dont, dans son chef-d’œuvre « Jésus de Nazareth », il a réussi à combiner les exigences de la méthode historico-critique et de l’exégèse « canonique« , celle qui interprète l’Écriture par elle-même, en renvoyant les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament les uns aux autres et en les relisant à la lumière de la longue Tradition ecclésiale.

Votre relation avec Jean-Paul II a également eu un impact particulier sur votre parcours personnel. Il a décidé de vous confier une partie de la rédaction de l’importante encyclique Fides et Ratio et vous a également choisi pour prêcher la retraite de Carême au Vatican en 1998. Alors que la continuité spirituelle entre lui et son successeur Benoît XVI est souvent évoquée, quelle est, selon vous, l’essence de chacun des deux pontificats ? 

On m’a en effet demandé d’écrire un texte complet sur les rapports entre foi et raison, qui, après ma nomination comme évêque de Namur, a été mélangé, enrichi, complété et raccourci par des experts, ce qui est tout à fait normal. Jean-Paul II et Benoît XVI avaient des tempéraments différents. Bien qu’il ait mené une vie spirituelle et intérieure très profonde, Jean-Paul II avait un grand talent pour s’adresser aux foules. Benoît XVI était tout aussi profond et spirituel, mais excellait dans les rencontres plus intimes, mais avait du mal à susciter l’enthousiasme d’une foule [ndr: je ne suis pas tout à fait d’accord avec Monseigneur, ayant été témoin personnellement de l’enthousiasme et de l’amour qu’il savait susciter]. Ce qu’ils avaient en commun, outre une foi inébranlable, c’était une culture exceptionnelle, principalement philosophique dans le cas de Jean-Paul II et principalement théologique dans le cas de Benoît XVI, même si tous deux excellaient dans les deux domaines de la pensée.

Share This